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vendredi 1 juin 2012

L100 va à Orbæ

Avec son port de mer et ses larges remparts, Saint-Malo est la ville idéale pour accueillir une exposition des dessins originaux de l'album
"Le secret d'Orbæ" (Casterman),
de  François Place, tout entier tourné vers les découvertes et les grands espaces - ce qui nous ramène finalement toujours à nous-même.
Surtout quand les illustrations sont montrées à l'Ecole de marine marchande de la ville!
Cela a été un des multiples ancrages du Festival Etonnants Voyageurs qui s'est déroulé dans la cité malouine du 26 au 28 mai.

Nous avions déjà évoqué cet album, trop brièvement, dans ce blog http://lu-cieandco.blogspot.be/2012/05/ld-gaine-ses-francois.html

Il fallait évidemment revenir sur cet épatant travail, remarquable à plusieurs égards.
Par sa présentation, un coffret cartonné fermé par un aimant, contenant deux romans écrits à la première personne, indépendants mais complémentaires, passionnants, et un portfolio cartonné à l'ancienne, abritant dix-huit illustrations de toute beauté.
Par son contenu romanesque.
Par sa maîtrise graphique.
Tout le grand art de François Place!

A noter que "Le secret d'Orbæ" a reçu le prix Bologna Ragazzi 2012 en section fiction.
On y part à la découverte d'une terre lointaine, recelant un lieu mystérieux, la Montagne bleue. Un pays de légende, au cœur de la quête de Cornélius et Ziyara, les héros de cette prenante épopée.

Le village de Vinh Gao. (c) François Place/Casterman.

Les deux histoires parallèles des romans finissent par converger. Ces deux récits de quête explorent le monde mythique d’Orbæ. "Le Voyage de Cornélius" retrace le parcours d’un fils de drapier parti d’Europe du Nord à la recherche de la "toile à nuage", tissu plus fluide que la soie. "Le voyage de Ziyara" explique comment Ziyara, fille du sud, trouve une fève en forme de dauphin dans un pain d’épices, un talisman qui  la désigne Grand amiral de la flotte. Elle sera ensuite bannie et entamera une longue errance sur les mers. Ils se rencontreront et tenteront de cheminer ensemble.

François Place a répondu à nos questions dans la cité malouine.

Comment avez-vous imaginé ce projet qui apparaît tellement original par rapport à ce qui se publie aujourd’hui?
J’avais envie d’écrire deux histoires en miroir, celle d’un homme, Cornélius, et celle d’une femme, Ziyara. Ils font deux grands voyages calqués, l’un sur la route de la soie, l’autre sur la route des épices, l’un terrestre, l’autre maritime. Ce sont deux aimantations différentes. Cornélius part à la recherche de la "toile à nuage", une soie particulièrement fine. Ziyara qui est l'amie des dauphins se retrouve jetée sur les mers par un signe du destin. Si lui a toujours devant lui un horizon, jusqu'à l'obsession, elle voyage par contre en liberté. Puis, bannie, elle devient une vagabonde des mers. Je voulais allier au plaisir du voyage celui de la découverte.

Les destins de ces deux voyageurs vont se rencontrer.
Oui, à un moment du roman, Cornélius et Ziyara se rencontrent et font alors un voyage commun pour retrouver la femme capable de tisser la "toile à nuage". Mais Ziyara souffre lors de ce chemin, elle est trop liée à la mer. Tous les jours, elle se baigne avec les dauphins! Ils vont donc se séparer. Elle va l'attendre, sur terre, mais près de la mer. Mais on se demande aussi si la Montagne bleue, but du voyage, ne serait pas la montagne de la mort. Cornélius n'a, en effet, pas l'air de revenir de son expédition. Pour l’aider, Ziyara dessine alors sur une carte le but qu’il ne parvenait pas à voir tout seul.

Le titre du coffret comporte le mot Orbæ qu’on a déjà croisé dans votre œuvre.
Oui, c’est à l’île d’Orbæ, vue dans l’album "L’atlas des géographes d’Orbæ" (1), que Ziyara attend Cornélius, au Palais des cartes. Il y a là quantité de cartes, non seulement sur Orbæ mais aussi sur le monde extérieur. Dans le palais, il y a différentes chambres, contenant chaque fois des cartes : celle des Timides, imprécises, maladroites, celle des Effacées, tellement anciennes qu’on n’arrive plus à les déchiffrer, celle des Maudites, qui sont interdites, dont la divulgation est punie de mort! Pour ces dernières, je me suis basé sur un fait réel. Les cartes de la route d’Amérique étaient jadis interdites. Les capitaines qui rentraient de voyage devaient donner leurs journaux de bord à Séville où se trouvait une carte-mère sur laquelle on reportait toutes les expéditions. Il était interdit de consulter cette carte sous peine d’une sentence immédiate. Pour en revenir aux livres, dans le Palais se trouve aussi la chambre des Endormies, concernant l’autre côté du monde, là où on dort quand on est éveillé chez nous.
Mon travail est aussi une réflexion amoureuse sur la cartographie.

Dans la farde réalisée à l’ancienne, fermée par un ruban à nouer, on trouve aussi dix-huit illustrations indépendantes, séparées des livres.
Oui, il y a dix-huit vues des paysages traversés, six du voyage de Cornélius, six du voyage de Ziyara, six de leur voyage commun. J’avais envie que les illustrations soient séparées des romans, que ceux-ci soient sans image, rien que du texte, que chacun puisse agencer librement les images, que chacun se fasse son voyage. C’est pour cela qu’elles sont sur papier libre. Je donne les ingrédients, à chacun de se faire son plat.

Cornélius et Ziyara, on les connaissait aussi déjà un peu.
Oui, ils étaient tous les deux dans l’ "Atlas", mais leurs histoires n’étaient pas finies. Dans ces romans-ci, on repasse par certains pays de l’ "Atlas". J’ai tiré un fil qui passe d’un pays à l’autre et emmène les personnages plus loin pour donner finalement le véritable sens de l’île d’Orbæ.

(1) Rappelons que "L’atlas des géographes d’Orbæ" (Casterman) est un atlas imaginaire (superbe) où les frontières des vingt-six pays rêvés suivent le tracé des lettres de l’alphabet et abritent autant d'univers distincts.

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