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dimanche 15 septembre 2013

LA fait le "chemin des morts" de François Sureau

François Sureau. (c) Catherine Hélie/Gallimard.

"Plusieurs personnes que j’aimais sont mortes et leur apparence, malgré tous mes efforts, s'est effacée de ma mémoire. Javier Ibarrategui y est resté, comme pris dans des glaces éternelles. La faute a des pouvoirs que l'amour n'a pas."


Ces mots de François Sureau apparaissent à la fin de son nouveau livre, "Le chemin des morts" (Gallimard), magnifique. Le récit est bref, 55 pages, sans gras, intense, bouleversant. Il renvoie chacun à lui-même: qui est celui ou celle que j'aperçois dans le miroir?

L'écrivain né en 1957 y raconte ses débuts professionnels, quand il était membre du Conseil d'Etat, alors dirigé par Georges Dreyfus. Le Javier Ibarrategui cité est celui à qui est consacré cet ouvrage où le narrateur explique, à la première personne, comment s'organisaient les séances visant à accorder, ou non, l'asile politique aux demandeurs.

L'histoire, écrite l'an dernier, se déroule à Paris au début des années 80. On perçoit tout de suite qu'elle accompagne toujours l'auteur aujourd'hui, le hante au point d'en faire un récit libérateur, un aveu, un apaisement une fois le mystérieux "chemin des morts" du titre emprunté.
A ce moment, l'Espagne s'est libérée du franquisme, est devenue une démocratie. Comment l'Etat français doit-il réagir à la demande d'un Basque, Javier Ibarrategui, qui a fui le général et s'est réfugié en France vingt ans plus tôt, a pris ses distances avec les mouvements d'opposition à Franco mais se dit toujours poursuivi par les ex-franquistes? L'affaire est extrêmement délicate pour le Conseil d'Etat qui choisira toutefois de refuser la demande du candidat réfugié.

François Sureau raconte tout cela avec douceur. On vit les journées du jeune homme, on le voit étudier ses dossiers, se faire son opinion. L'administration était encore à échelle humaine. Les candidats plaidaient souvent leur cause eux-mêmes. Et on réalise combien inexpérimenté était le narrateur.

Les conséquences du refus de la France ne se feront guère attendre. Javier Ibarrategui est assassiné en Espagne comme il l'avait craint. François Sureau dit admirablement combien il a toujours senti que la décision prise était mauvaise, mais qu'elle fut prise quand même. Il s'est alors éloigné du Conseil d'Etat, est devenu juge avant de prêter serment en tant qu'avocat.

"Le chemin des morts" est un livre qui force à ouvrir les yeux sur le monde et sur soi-même.

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