Nombre total de pages vues

mardi 30 juin 2015

DTPE 2: reconversion pro avec van Cauwelaert

De tout pour l'été, DTPE.
L'été, le temps de lire, du lourd et du léger, du français et de l'étranger, des romans et des récits. L'été, le temps de relire aussi.


Autant le dire tout de suite, le chien qui figure en couverture du nouveau roman de Didier van Cauwelaert n'est pas un labrador comme l'est "Jules" (Albin Michel, 278 pages), héros de ce roman positif qui est titré de son nom. Jules est le chien d'Alice, devenue aveugle par accident à la fin de son adolescence. Il sera le trait d'union entre elle et Zibal, ingénieur biochimiste et astrophysicien sans emploi, provisoirement reconverti dans la vente de macarons Ladurée à l'aéroport d'Orly.

Car si Alice se trouve à Orly ce matin-là, c'est qu'elle y prend l'avion pour Nice afin d'y subir une opération qui devrait lui rendre la vue. Avant d'embarquer, elle choisit quelques macarons pour elle et son chien. Entend la voix du vendeur, sent la tension de son chien, lui pose quelques questions. Ils ne savent pas encore qu'ils vont se revoir quelques minutes plus tard, lors d'un incident à l'embarquement.

Ils se reverront plus tard évidemment, après le succès de l'opération aux yeux d'Alice. Tout va alors changer dans sa sphère. Privé de son aveugle, Jules va devoir se reconvertir professionnellement. Mais chez qui? Alice, elle, rouvre les yeux sur un monde qui a changé pendant les douze ans qu'elle a passés dans le noir. Tout comme elle-même a évolué, mûri. Quant à Zibal, même viré de son poste de vendeur, il va être appelé à revoir Jules d'abord, Alice ensuite, et à s'interroger sur ses propres choix de vie.

Didier van Cauwelaert signe un bon roman, agréablement écrit, plein de péripéties et de rebondissements, soigné jusque dans les moindres détails. Une comédie romantique qui fait du bien et se pose sur deux sujets méconnus, les chiens d'aveugle et le champ de recherches de Zibal. Bien sûr, plein d'autres personnages vont entrer dans cette danse à trois (lui, elle, le chien) entre Paris et Paris-Plage, attachants et bien décrits. Avec ses trois voix qui se répondent ou se complètent, "Jules" a plus de finesse et de profondeur que son résumé ne pourrait laisser imaginer. On prend vraiment du bon temps à le lire. Les histoires d'amour qui se terminent bien, on y a droit aussi, non? Comme aux histoires de chiens d'aveugle à la reconversion réussie.


7 questions à Didier van Cauwelaert,
passé récemment à Bruxelles

Vous dites porter ce roman depuis longtemps. Qu'est-ce qui vous a décidé à l'écrire maintenant?
Didier van Cauwelaert. (c) A. di Crollalanza.
Vers 12-13 ans, j'ai découvert les chiens d'aveugle et j'ai été fasciné par le binôme humain-chien. Je n'avais pas de chien alors à la maison mais je suis devenu ami avec des aveugles pour être proche de leurs chiens.
Pendant des années, j'ai su qu’il y aurait elle et son chien dans ce livre. J'ignorais qu'il y aurait un homme. Je ne planifie jamais une écriture. J'écris quand les personnages sont là. Quelle urgence va-t-elle alors s'emparer de moi? Quels personnages vont me rapter?
Avez-vous tout de suite opté pour une narration à deux voix alternées, Alice et Zibal?
Cette narration à deux voix s'est imposée tout de suite. C'est un double regard pour le lecteur, le regard de celle qui a vécu de manière fusionnelle avec son chien et le regard de celui qui découvre cela. Comme je ne voulais pas faire parler le chien, j'ai ajouté des passages en italiques.
"Jules" est-il une comédie romantique?
Rien de plus important que les beaux sentiments s'ils ne sont pas mièvres mais s'ils sont une lumière intérieure qu'on porte, à diffuser ou à chercher chez d’autres.
Le roman est sur des blessures complémentaires que mes personnages vont découvrir. J'ai mis beaucoup de temps pour l'écrire car je n'avais pas ma situation. Pour bien parler d'un lien, ici celui entre la jeune aveugle et son chien, il faut le briser. Il me fallait qu'Alice retrouve la vue. J'ai fait le point des références actuelles avec les opérations de cornée. J'avais aussi besoin pour l'histoire qu'elle ait vu avant.
En même temps vous ménagez pas mal de suspense, dramatique sur l'accident d’Alice, plus anecdotique à d'autres moments.
J'écris pour dialoguer avec mon lecteur. Je joue pour le plaisir de mon lecteur et le mien. Alice a besoin de douze ans dans le noir pour devenir ce qu'elle est.
Certaines scène sont même dramatiques.
Quand l'opération réussit, tout s'écroule. Elle se trouve face à une somme d'informations. La scène où le chien ne la reconnaît plus et recule devant elle était bouleversante à écrire. J'aime placer de la détresse dans une situation de bonheur et inversement. Comme dans la vie: des lumières dans le noir et des tuiles dans le bonheur.
Votre livre a aussi une forme de réalisme du présent, notamment votre personnage Zibal, né de parents inconnus en Syrie et adopté par un couple de Français. Un génie qui se retrouve vendeur de macarons.
Zibal s'est fait escroquer dans une précédente vie. Il a 40 ans et est d'un réalisme total.Il sait que pour un recruteur, il est trop âgé, trop diplômé. Que peut-il faire? Vendre des macarons Ladurée. Sa rencontre avec Alice va bousculer sa résignation. Je crois beaucoup en la perturbation, d'abord le labrador, elle ensuite.
Une autre de mes passions, ce sont les découvertes scientifiques. Celles du roman sont vraies, prouvées même si elles ont l'air inventées, comme les bactéries du yaourt ou les plantes à traire. Il n'y a pas que le concours Lépine ! La situation de Zibal est réelle.
On ne ment pas à un chien, écrivez-vous. En avez-vous un ?
Je n'ai jamais acheté d’animal mais j'ai des chiens, toujours des chiens qui m'ont choisi.








lundi 29 juin 2015

DTPE 1: l'utopie du kibboutz avec Yaël Neeman

De tout pour l'été, DTPE.
L'été, le temps de lire, du lourd et du léger, du français et de l'étranger, des romans et des récits. L'été, le temps de relire aussi.

A priori, je n'ai rien contre les kibboutz. Rien pour non plus, si j'y réfléchis. Sauf que je suis tombée sur l'extraordinaire récit de Yaël Neeman, dont le titre est déjà tout un programme, "Nous étions l'avenir" (traduit de l'hébreu par Rosette Azoulay avec la collaboration de Rosie Pinhas-Delpuech, Actes Sud, 266 pages), et que ce livre est un de ceux qui m'ont le plus impressionnée ces derniers mois. Par son ton qui fait qu'on ne le lâche plus et par son propos. Une de ces découvertes qui vous font encore plus aimer la littérature.

Yaël Neeman raconte l'histoire du kibboutz Yehi'am, où elle est née en 1960 et où elle a grandi. Venus de Hongrie, ses parents ont participé à sa fondation. L'écrivaine évoque de très belle manière le quotidien, depuis son enfance jusqu'à la fin de son adolescence, en ce lieu pensé pour le mieux mais dont le projet ne s'est pas concrétisé comme imaginé. Une utopie israélienne en dit-elle, en se remémorant sa vie au jour le jour. Un système où le "je" est gommé au profit du "nous" (dès le titre, identique en hébreu) et dans l'intimité duquel, paradoxe, elle nous entraîne naturellement. "Nous parlions au pluriel", écrit-elle dès les premières lignes qui concernent sa naissance. On va voir évoluer tous ces enfants, regroupés dans une maison pour eux par "expérience de vie socialiste", afin qu'ils soient tous égaux et aient tous les mêmes chances dans la vie, qui ne voient leurs parents que quelques heures par jour - c'est en 1990 qu'une réforme des kibboutz renverra les enfants dormir dans la maison de leurs parents. "Nous habitions des univers parallèles, nous dans la société des enfants, nos parents dans celle des adultes", poursuit l'auteur.

Yaël Neeman restitue un à un ses souvenirs comme autant de perles d'un collier. On est avec elle dans le kibboutz, dans la chambre des enfants, à l'école, dans les champs, chez le coiffeur ou en déplacement en ville. Elle a un art incroyable pour nous convier auprès d'elle durant cette vingtaine d'années passées à Yehi'am. Petits faits de la vie et grands débats illuminent les pages où s'épanouit sa belle écriture, neutre mais précise. Elle raconte et on est avec elle, lectrice vorace. On grandit avec elle, enfance, adolescence, début de l'âge adulte. On va à l'école puis au lycée. On discute presque avec tout ce petit monde. On découvre ses frères et ses amies. On apprend l'itinéraire de vie de ceux qui croient à cette manière de vivre, proche de la nature et respectueuse des autres. On lit de la poésie à tout moment, comme les habitants du lieu. Je dis "on" comme elle dit "nous" car aucun d'entre eux ne peut dire "je". Le système montre ses avantages, le respect du développement de l'enfant sans le brutaliser, les encouragements permanents devant ce qu'il fait, dit ou rêve, une large liberté (suivre les cours ou non par exemple). On apprend que l'auteure a toujours voulu écrire et qu'elle a même tenu une brève correspondance avec une romancière israélienne.

Le système a aussi des limites, comme celles du collectif et de l'obligation pour les adultes de servir à tout moment la communauté. L'auteure pose des faits, attachants, curieux, mal connus et fume comme tout le monde telle un pompier - en couverture, c'est elle, à 21 ans -, elle donne à connaître une manière de vivre qui ne s'est pas développée comme espéré. Elle montre comment elle a dû apprendre péniblement à dire "je" après une crise existentielle. Son ton est toujours juste, ses propos touchants, drôles ou sérieux selon les moments. On y perçoit certes une douce mélancolie mais aucune nostalgie ni regret. "Nous étions l'avenir" est un livre magnifique, bruissant de vie, qui touche au cœur et ravit l'esprit par la beauté douce de ses phrases évocatrices. Il est bien sûr à lire en ces temps d'égos surdimensionnés.

7 questions à Yaël Neeman, de passage à Bruxelles

Vous avez écrit d'autres livres, non traduits. Pourquoi avoir choisi la forme du récit pour celui-ci, écrit 50 ans après les faits, un ton neutre où les événements parlent d'eux-mêmes?
Yaël Neeman. (c) Kaska-Sikora.
C'est mon premier livre "sérieux". Les précédents étaient des livres courts, des exercices, des défis. J'ai commencé à écrire très tard. J'ai mis six ans et demi pour écrire ce livre dont le titre m'est venu en fin d'écriture. Je voulais écrire sur mon enfance et ma jeunesse jusqu'à 18-20 ans. Au début, j'avais aussi envie de raconter ma vie à Tel-Aviv, quand j'avais 23-24 ans, après le kibboutz. On est comme un immigré quand on vient de ce système. Mais j'ai décidé de couper le texte, même s'il est écrit: il deviendra un autre livre avec des histoires courtes après la vie au kibboutz, avec la vie de ma mère en Hongrie...
Vous aviez toujours voulu être écrivain?
Etre écrivain était mon vœu quand j'étais enfant au kibboutz. Mais après, quand je suis arrivée en ville, plus personne ne m'a dit d'écrire, que ce que je faisais était bien. Je devais trouver ma propre voix. J'ai travaillé dans des journaux, pas dans des livres, comme si ma voix s'était bloquée à l'intérieur de moi. C'est une amie de mon âge, qui venait d'un autre kibboutz et que j'ai rencontrée en allant à l'université, qui m'a poussée à écrire ce livre même si elle n'y apparaît pas. Sa mort à cause d'assuétudes, à Tel-Aviv, dans la quarantaine seulement, m'a bouleversée. Penser à elle m'a fait réfléchir à nous et à la vie dans le kibboutz.
J'ai choisi un ton neutre. Je voulais combiner les faits et les éléments philosophiques du kibboutz, ne pas écrire de haut, dire les choses simples, claires, comme si je racontais oralement.
Le livre a-t-il suscité des réactions en Israël où il est sorti en 2011?
J'ai eu beaucoup de réactions à ce livre en Israël où il est un best-seller. Il a suscité beaucoup de discussions. Beaucoup de personnes m'ont aussi dit qu'elles ignoraient le système d'organisation d'un kibboutz. J'ai aussi eu la réaction de personnes qui étaient nées dans un kibboutz.
Je voulais montrer ce qui se passe dans un kibboutz et finir le livre quand je le quitte. Il est alors difficile de trouver la vraie vie. Je voulais montrer les rêves. Beaucoup d'enfants ont eu de gros problèmes après. A mon époque, 50 % des jeunes ont quitté le système du kibboutz. Après, les kibboutz ont changé. Depuis 1990, les enfants dorment avec leurs parents et non plus dans la maison des enfants. Et les salaires sont versés aux parents.
Qu'est-ce qui a été difficile pour vous, devenue adulte?
Il m'a fallu prendre du temps pour dire "je". D'abord, trouver ce "je", ensuite assumer la difficulté de le dire par rapport aux valeurs d'égalité qui sont enseignées.
Par exemple, personnellement, j'ai toujours eu la crainte de ne pas pouvoir étudier la littérature pour la littérature, seulement dans l'idée d'être prof. C'était difficile d'avoir le droit d'étudier. Mon frère qui a onze ans de plus que moi avait l'impression de déserter en quittant le kibboutz. Moi pas. Toutes les familles ont eu des enfants qui se sont perdus. Les parents ne pouvaient pas aider leurs enfants. Ils n'avaient pas d’argent.
La poésie a toujours été présente dans le quotidien au kibboutz.
Une des particularités de notre éducation était qu'elle comportait de la poésie, de la musique, du théâtre. Toutes les nuits après le "bonne nuit", la personne qui nous gardait nous lisait un livre depuis le corridor. Les poèmes étaient comme des couvertures pour nous. Mais ils étaient similaires dans tous les kibboutz.
Vous ne parlez pas de religion dans votre récit. 
C'était une place laïque. En même temps, on pratiquait la circoncision, et le mariage avec un rabbin, mais en ville. C'était une combinaison unique, parfois très étrange, parfois étroite, parfois athéiste, mais il y avait du développement.
Tenez-vous un journal?
Oui et non. Oui, pour signaler que je ne fume plus. Ou, avant, pour indiquer combien de cigarettes par jour quand je fumais. Pas pour raconter ma vie. Pour cela, il y a les livres.










jeudi 25 juin 2015

Les cinq barquettes de fraises de Thomas

Parce que c'est la saison des fraises, tellement appétissantes dans les pages de garde, et parce que c'est la fin de l'année scolaire où les premiers sont mis à l'honneur, et les autres au mieux ignorés, il faut garder quelques minutes pour savourer l'album "Thomas tête en l'air" de Jean-François Dumont (Kaléidoscope, 40 pages). C'est un hommage formidable à tous ceux et celles qui sont un peu tête en l'air, car il n'y a pas qu'une manière d'être n'est-ce pas?

L'ouvrage commence par des scène entendues à l'école, dans toutes les écoles du monde sans doute: "Encore dans les nuages, Thomas tête en l'air, redescends sur terre", "Hou, hou, Thomas tête en l'air, c'est ici que ça se passe!", "Il fait beau là-haut? Thomas tête en l'air, reviens parmi nous!"

Et c'est effectivement d'en haut, comme si Jean-François Dumont s'était accroché au plafond de la classe que la première scène est dessinée, plongée en teintes éteintes montrant bien la différence entre Thomas et ses condisciples. Les autres ont la tête penchée sur leurs cahiers, lui regarde le dessinateur.

Le milieu de la double page sur la classe vue d'en haut. (c) Kaléidoscope.

Très vite, on comprend la présence des fraises en pages de garde: la maîtresse donne un exercice de mathématiques à ses ouailles. "Madame Michel avait acheté cinq barquettes de fraises pour faire de la confiture. Chaque barquette pesait 125 grammes..." Et là, Thomas s'envole pour de vrai. En pleine classe! La maîtresse tente de le retenir. Elle appelle du renfort. Rien à faire. Thomas reste suspendu dans les airs. Pire, il glisse à travers la fenêtre qui s'est ouverte. Si l'auteur a rétabli l'axe habituel des dessins, il présente néanmoins des situations curieuses pour l'école. Et il prend encore plus de hauteur quand Thomas se met à explorer le ciel. Que de belles couleurs pour ces aventures oniriques par rapport à la grisaille de la réalité!

Thomas explore le ciel au-dessus de l'école d'abord. (c) Kaléidoscope.

Les épisodes voletants se succèdent agréablement, et la présence de la couleur bleue monte bien l'altitude du héros. Pas inquiet, il fait la connaissance d'un petit nuage, puis d'autres, et encore d'autres. Tous les moutonneux ont des idées pour résoudre son problème de mathématiques. Et surtout le dernier arrivé qui a carrément espionné Madame Michel en train de faire sa confiture...

Thomas tient enfin la solution et peut répondre sans problème à sa maîtresse qui le félicite et l'encourage. "Thomas tête en l'air" est aussi réussi sur le plan graphique, jouant avec les angles de vue et les couleurs du ciel, que dans son approche décomplexée de la personnalité de Thomas. Bravo et merci pour les Thomas tête en l'air!

 


lundi 22 juin 2015

C'est l'été et il pleut...

Le 21 juin est passé. Il pleut toujours. Qu'à cela ne tienne. Le délicieux album "La flaque" de May Angeli (Les Editions des Eléphants, 32 pages) est pour vous. Une histoire toute simple, pour les plus jeunes, en de superbes gravures sur bois et un texte plein de joie. Elle paraît dans une toute nouvelle maison d'édition jeunesse française dont les maîtres mots sont, à l'image de l'animal qu'elle s'est choisi, force, intelligence, mémoire et grâce.

La première à visiter la flaque. (c) Ed. des Eléphants.
Le charme de "La flaque" vient de la douceur de son ton, de la paix et de la joie qui émanent des images. Un enfant apparaît en couverture mais on ne le reverra pas tout de suite. Les pages de garde montrent un paysage campagnard lavé de pluie. L'histoire se déroule autour de la flaque laissée par la pluie, très appréciée par de nombreux visiteurs déshydratés. Une abeille d'abord, puis deux hirondelles, suivies d'une volée de moineaux, cible d'un chat gourmand. Le matou ratera sa cible et sera trempé, double vexation...

Jouer avec une petite fille?, disent les canards. (c) Ed. des Eléphants.

Le défilé n'est pas encore fini. Arrive à petite vitesse une tortue assoiffée, qui laissera sa place à trois canards pressés de se baigner mais pas de partager leurs jeux. Leur bain a l'air trop bien. Il donne des idées à la petite fille qui passe par là. Elle finira par super bien s'amuser dans la flaque avec un cochon qui se promène. La boue est douce et rafraîchit les pattes, sait ce dernier. Hop, les bottes sont expédiées et c'est pieds nus que la demoiselle s'amuse avec son nouvel ami. A deux, ils font la paire! Au point que la flaque sèche! Il ne reste à la fillette qu'à rentrer à  la maison et à prendre le bain  suggéré par sa maman. Les pages de garde finales montrent le même paysage campagnard, sans une goutte de pluie cette fois.

En voilà deux qui se sont trouvés. (c) Ed. des Eléphants.

Voilà un album tout simple, à hauteur d'enfant, plein de surprises et d'imagination, avec une vraie histoire, des oui et des non, qui respire l'expérience vécue et transmet le plaisir de jouer avec rien. Les gravures en plans assez rapprochés sont magnifiques et leurs tons clairs, jaune, vert, bleu, ocre, confèrent au livre une joie et une bonne humeur contagieuses. Encore une fois, bravo, May Angeli!

A l'attention des libraires, les Editions des Eléphants sont diffusées par Harmonia Mundi.




samedi 20 juin 2015

Pierre Loti et des vues de Paimpol il y a 125 ans

On pourrait facilement ironiser sur le fait de republier en grand format "Pêcheur d'Islande", le best-seller de Pierre Loti (édition illustrée commentée par Alain Quella-Villéger et Bruno Vercier, Bleu autour, 310 pages) en ce mois de juin 2015. Le livre, le plus célèbre de l'auteur, sortit en 1886 chez Calmann-Lévy, et fut immédiatement plutôt bien accueilli.

On pourrait ironiser et on aurait doublement tort.

D'abord parce que le choc thermique entre le titre et la température attendue en juin est loin de se réaliser cette année. A peine 13° à Bruxelles ce samedi soir - un peu comme il y a deux cents ans à Waterloo...

Ensuite parce que ce roman plus que centenaire est avant tout une histoire d'amour et même une histoire d'amour impossible. Sur fond de mer évidemment, et de Bretagne. Tragique et moderne, intemporel. On suit Gaud, la jeune fille qui était riche, et Yann, le sauvage pêcheur pauvre, dans leurs manœuvres d'approche puis dans ce que va apporter ce coup de foudre féminin. Dans le contexte âpre des saisons de pêche de l'époque et avec la mer en personnage omniprésent.

(c) Edmond Rudaux, collection particulière.

La version enrichie qu'en publient les éditions Bleu autour est particulièrement réussie. Elle est illustrée de photos remarquables d'Edmond Rudaux, et de gravures que composa le peintre à partir de ces plaques de verre. Une édition illustrée, dite d'"étrennes", de "Pêcheur d'Islande" parut en effet à l'automne 1892 proposant 128 gravures sur bois de Jules Huyot d'après les compositions d’Edmond Rudaux. Un numéro de "L'Univers illustré" de décembre 1892 publia aussi neuf des compositions de ce dernier, lequel expliqua s'être rendu à Paimpol vers 1890-1891 pour photographier les lieux et les personnes du roman. Une trentaine de ces plaques de verre ont été retrouvées en 1997, et numérisées. Elles ont servi à l'illustration de cette superbe édition et permettent de mieux comprendre la composition des gravures qu'elles ont inspiré et qui figurent également dans le livre.

(c) Edmond Rudaux, collection particulière.

Une belle préface remet l'écriture de "Pêcheur d'Islande" dans le contexte de l'époque de son écriture et de la vie de Pierre Loti. Les auteurs étudient autant le style que l'histoire du roman et indiquent comment il fut reçu à sa sortie. Des informations précieuses et passionnantes.

Après le roman en lui-même viennent d'autres chapitres très intéressants, pages manuscrites, analyse de la part imaginaire et de la part sociale, les conséquences pratiques qu'eut la sortie du livre ainsi que les critiques qu'un tel succès de librairie s'attira.

Tous ces éclairages sont extrêmement passionnants et permettent de mieux comprendre un roman toujours moderne qui s'enrichit ici de nombreuses images jamais vues.

On veut encore des classiques ainsi revisités. "Pêcheur d'Islande" de Pierre Loti est le troisième dans cette collection, après "Le Grand Meaulnes" d'Alain-Fournier en 2013 (lire ici) et "Visites aux paysans du Centre" de Daniel Halévy en 2012.


(c) Edmond Rudaux, collection particulière.



vendredi 19 juin 2015

Un superbe roman pour ados sur les clandestins

Le 20 juin est la Journée annuelle des réfugiés. L'occasion de foncer sur un remarquable roman pour adolescents (dès 14 ans), "Barsakh" de Simon Stranger (traduit du norvégien par Hélène Hervieu, Bayard, 166 pages). La rencontre improbable entre Emilie, jeune Norvégienne nantie en vacances avec sa famille aux Canaries, et Samuel qui, à quelques semaines de ses 18 ans, a quitté son Ghana natal et les siens pour tenter de rallier l'Europe, d'y trouver du travail et des papiers.

Ce très beau roman nous parvient maintenant en traduction française mais il est sorti en Norvège en 2009 - l'auteur avait alors 33 ans - avec le soutien de NORLA, on ne s'en étonne pas (NORLA promeut la littérature norvégienne de qualité). S'il n'a rien perdu de son actualité, la question des réfugiés revient tous les jours dans les médias, il braque l'attention sur une autre mer que la Méditerranée et une autre terre d'asile que Lampedusa ou la Sicile. En effet, ici, les candidats au départ, avec passeurs et mauvaises surprises, tentent de rallier les îles Canaries depuis l'Afrique de l'Ouest, d'où ils peuvent entrer plus facilement en Espagne que via Gibraltar. Une route qui était sans doute plus fréquentée au moment de la sortie du livre qu'aujourd'hui.
"Barsakh", le mot qui donne son titre à ce très beau texte illustré de quelques photos en noir et blanc, est un mot arabe qui, dans l'islam, correspond au stade où, après la mort, on séjourne dans l'attente du jugement dernier. C'est aussi un mot qui est peint sur un mur du port du Sahara occidental d'où Samuel va partir. C'est enfin un slogan, une sorte de défi, que chantonnent les candidats au départ, "Barcelone ou Barsakh" (Barcelone ou la mort).
Simon Stranger est un auteur norvégien.
La construction de ce roman dense qui n'évite aucun des sujets difficiles de l'immigration clandestine (passeurs, violences, traversée, soif, faim, danger de mort, peur) est fort intéressante parce qu'elle fait se rencontrer Emilie, devenue récemment anorexique mais au cœur et au courage immenses, et Samuel, un des Africains rescapés d'une éprouvante traversée de vingt-quatre jours, tout aussi courageux dans sa recherche d'un sort meilleur pour lui et les siens - qu'avait-il à perdre dans ce pays qui avait déjà détruit son père?

L'adolescente faisait un jogging, elle a vu le bateau en piteux état arriver. Il lui a fait signe. Elle a couru les aider, sans réfléchir. Elle a aidé à tirer la barque au sec, à abriter ses occupants dont une maman avec un bébé d'un an, à nourrir les affamés déshydratés. Sans le réaliser, par humanité simple, elle est aussi entrée en clandestinité: de sa famille à laquelle elle ne dit rien, de la police à laquelle elle cache l'arrivée des réfugiés.

Samuel, lui, sait les risque que les migrants encourent sur l'île après ceux qu'ils ont dû affronter en mer. Les mineurs sont accueillis, les majeurs seulement s'ils arrivent à se cacher pendant quarante jours. Les dissensions dans le groupe montrent la gravité de la situation.

Mais entre les deux ados, c'est une rencontre immédiate et profonde. Ils se posent des questions, se racontent et nous racontent leurs existences en des voix qui alternent. On en tremble, on en a mal au ventre parfois. Que d'injustice, que de désillusions. Que d'espoirs aussi. Et c'est Samuel qui a frôlé la mort de près qui posera à Emilie les questions pour la remettre sur le chemin de la vie.

Pas de morale, pas de sentiments mièvres mais une magnifique rencontre qui se construit sur des faits réels, les fréquents troubles alimentaires dans le pays de la première, la fuite d'un pays sans avenir pour le second. Ce croisement de deux réalités sans rapport l'une avec l'autre a permis à Simon Stranger de balancer un formidable roman.



Quelques excellents albums pour enfants sur des enfants réfugiés à découvrir ici.







jeudi 18 juin 2015

Le 18 juin, c'est aussi le jour de Bruno Heitz

Les pages 34 et 35 du tome 9 de "L’Histoire de France" (c) Casterman.

Juste un dessin sur la bataille de Waterloo, en passant, mais pas de n'importe qui, un dessin de Bruno Heitz lui-même!

Il est le redoutablement efficace dessinateur de la série "L'Histoire de France en BD" (textes de Dominique Joly, Casterman Jeunesse) dont le tome 9 vient de sortir: "Napoléon et l'Empire".








Et, en cadeau,  quelques croquis préparatoires totalement inédits.
Appréciez, savourez, dégustez.

Joséphine. (c) Bruno Heitz.

La maman. (c) Bruno Heitz.

Nelson. (c) Bruno Heitz.

Ney. (c) Bruno Heitz.

Murat. (c) Bruno Heitz.










































Et parce que Bruno Heitz est aussi l'empereur des figurines en bois.

Napoléon Bonaparte. (c) Bruno Heitz.





mercredi 17 juin 2015

L'écolier blond de Syrie, Riad S.

Il y a un an, on avait découvert avec enthousiasme l'enfance du dessinateur  Riad Sattouf, petit garçon blond dans la Libye de Kadhafi et dans la Syrie d'Hafez Al-Assad, dans "L'Arabe du futur" (Allary Editions,  160 pages), dont le sous-titre était "Une jeunesse au Moyen-Orient (1978-1984)". Une bande dessinée formidable (lire ici) dont l'auteur ne savait pas alors si les suites qu'il prévoyait seraient publiées. Mais son succès en librairie et à Angoulême en janvier (lire ici) effaça ses craintes.

"L'Arabe du futur 1" (200.000 exemplaires vendus à ce jour) existe même maintenant en quatorze autres langues, anglais, allemand, néerlandais, espagnol et catalan, italien, portugais, danois, suédois, norvégien, finlandais, polonais et même brésilien et coréen. Pas encore en arabe donc.

Aujourd'hui vient de paraître "L'Arabe du futur 2" (Allary Editions, 160 pages) du même Riad Sattouf donc, qui se termine par un prometteur "à suivre" - trois tomes sont en effet prévus, et peut-être même quatre. Cette première suite ne concerne que deux années de l'enfance du fils d'un Syrien et d'une Française, 1984 et 1985, toujours aussi blond. Mais quelles années dans une vie que celles de l'entrée à l'école! Surtout là-bas. On s'en rend compte dès les premières pages.

Auréolé du succès de son Fauve d'or 2015, Riad Sattouf est partout dans tous les médias pour parler de son nouvel album tiré à 75.000 exemplaires, aussi réussi que le précédent, plus détaillé sans doute que le premier qui devait planter le décor. Il suffit d'allumer une radio pour l'entendre (je n'ai pas la télé), d'ouvrir un organe de presse écrite pour y reconnaître ses dessins caractéristiques. Vive les podcasts donc parce que je n'ai pas encore eu le plaisir de le croiser. Mais on relira avec plaisir ses réponses à mes questions de l'an dernier (ici). Selon son éditeur, ses inspirations sont les livres "Tintin au pays de l'or noir" de Hergé, "Le tampographe" de Sardon et "Livret de phamille" de Jean-Christophe Menu.

Toujours doté de son incroyable chevelure, le jeune Riad va cette fois aller à l'école et apprendre à écrire. A écrire l'arabe bien entendu. La langue française lui est enseignée par sa Bretonne de mère. L'écolier blond a maintenant six ans et vit avec ses parents et son petit frère dans la Syrie d'Hafez Al-Assad, dans le village de la famille, Ter Maaleh, pas loin de Homs. Pauvreté et patriotisme, nous voilà. L'auteur a repris ses codes couleurs, rose pour les pages syriennes, bleu pour les pages françaises où de courtes vacances le conduisent du Finistère aux Alpes.

On découvre la vie en famille et la vie à l'école du jeune Riad. La Syrie des années 80, c'est déjà terrible, de violence surtout, d'arrangements ensuite. On y réagit sans doute davantage à cause de ce qui s'y passe ces dernières années ou dans l'actualité récente comme quand on découvre les pages sur Palmyre. Mais pour le petit garçon candide, la vie là-bas est normale. Juste s'il a une petite réaction devant les comportements des adultes.

La maîtresse d'école. (c) Allary Editions.

Cette narration blanche donne encore plus de force au récit. On sourit devant l'achat du cartable local, on s'émeut devant les méthodes de la paradoxale maîtresse d'école (hidjab, mini-jupe, hauts talons), tendre, brutale ou même cruelle. On se dresse devant les pratiques familiales à propos d'une femme qui aurait "fauté" et des arrangements avec la justice par rapport au code d'honneur. Ou comme devant la haine des Juifs enseignée dès le berceau.

L'apprentissage de Riad est rude, mais le petit garçon tient bon, surtout qu'il découvre le dessin avec une cousine. Il admire toujours autant son père qui tente de faire de lui un vrai petit Syrien, et aussi de devenir professeur à l'université, quitte à séduire un général. Il est toujours soutenu par sa mère, un peu en retrait dans ce volume, dont on se demande comment elle a résisté à ces années de solitude en Syrie. En même temps, on remarque avec plaisir que sa tenue de Française n'émeut personne. Que de souvenirs consignés dans ces deux années.

Ce qui est extrêmement réussi dans les deux volumes de "L'Arabe du futur", c'est la délicatesse extrême avec laquelle Riad Sattouf conte les scènes, qu'elles soient drôles ou terrifiantes. Ce deuxième tome confirme que la Syrie d'aujourd'hui n'est pas née de rien, et c'est pour cela qu'il faut le lire, ainsi que le premier qui a été retiré à quinze mille exemplaires.


La récré. (c) Allary Editions.








lundi 15 juin 2015

A Saint-Sulpice, la poésie belge, mais pas que...

Cétait donc le 33e Marché de la poésie à la place Saint-Sulpice de Paris ce week-end qui commença le mercredi 10 juin. Dont la Belgique, Wallonie-Bruxelles et Flandre réunies, était l'invitée d'honneur.
Cinq jours qui ont rassemblé cinq cents éditeurs et trois cents auteurs sous l’œil bienveillant de William Cliff, lauréat le 5 mai dernier du Goncourt de la poésie Robert Sabatier.
Ç'aurait été bien d'y être.  Cela n'a pas été possible.
Pas trop grave, les livres sont toujours disponibles, ambassadeurs parfaits.


Quelques propositions parmi les parutions récentes
 - et pardon si certains des titres n'étaient pas présentés dans le sixième arrondissement.


"Belgium Bordelio"
"Structure/Structuur"
anthologie bilingue
30 auteurs belges
l'Arbre à Paroles & Poëziecentrum
454 pages

Quinze auteurs néerlandophones et quinze auteurs francophones, tous belges évidemment, se partagent les 450 pages de ce recueil entièrement bilingue (traductions en face à face, bordées par une mini-bio dans les deux langues). C'est dire s'ils ont chacun bien de la place pour leurs textes.

"Belgium Bordelio"... le titre prête à rire, au moins à sourire. Qu'est le bordel belge? Celui de l'Etat? Celui de sa culture? Il tend encore plus les zygomatiques quand il s'assortit de son sous-titre: structure! Ah bon? Le désordre de l'ordre peut-être? Ou l'inverse?

Toujours est-il que se succèdent dans cette brique de 560 grammes de joyeux poètes, plus ou moins connus, plus ou moins jeunes, plus ou moins des deux sexes. Les flamands ont été choisis par Jan H. Mysjkin, les francophones par Antoine Wauters. Les deux directeurs de l'ouvrage ont organisé un tirage au sort pour mélanger leurs ouailles ayant publié soit dans "Poëziekrant", soit aux Editions Maelström ou de l'Arbre à paroles. Puis, ils ont revu le choix du sort pour faire en sorte qu'alternent un auteur flamand et un auteur francophone.

Les élus sont, selon leur ordre d'apparition dans le livre:
Christophe Vekeman - Laurence Vielle - Peter Ghyssaert - Milady Renoir - Roger de Neef - Antoine Wauters - Jan H. Mysjkin - Julie Remacle - Renaat Ramon - Antoine Boute - Claude van de Berge - Alexis Alvarez Barbosa - Paul Bogaert - Anne Versailles - Frank Pollet - Tom Nisse - Michaël Vandebril - Véronique Daine - Johan de Boose - Olivier Dombret - Peter Theunynck - Jacques Izoard - Stefan Hertmans - Dominique Massaut - Lies Van Gasse - Serge Delaive - Hilde Keteleer - Karel Logist - Delphine Lecompte - Vincent Tholomé
Un panorama bien complet de ce qu'est la poésie belge et des formes multiples qu'elle emprunte.

* *
*

"La Poésie française de Belgique,
une lecture parmi d'autres"
Yves Namur
Editions numériques Recours au poème
380 pages
ebook uniquement

Cet autre ouvrage collectif réunit, lui, 89 poètes francophones de Belgique, choisis par Yves Namur. Il n'est disponible qu'en version numérique puisqu'il paraît aux Editions numériques Recours au poème que dirige Matthieu Baumier.

Pas un cadastre de la poésie française mais des choix posés par Yves Namur qui s'en explique:
"Le présent travail entendait réserver une place particulière aux voix nouvelles sans pour autant oublier ceux qui sont les représentants majeurs de notre poésie à l'étranger. Ils sont d'ailleurs quasi tous (à une exception près, je pense) à la table des matières de ce livre comme aux catalogues des grands éditeurs. J'ai souhaité par ailleurs donner une place de choix à ces voix de femmes trop souvent écartées, on se demande bien pourquoi. J'aurais pu, je l'avoue, en ajouter bien d'autres.
Une remarque encore: seuls sont ici présents les poètes vivants au moment de la rédaction de ce livre. Ainsi (et ce sont les seuls noms que je citerai ici) sont absents Jean-Claude Pirotte ou André Balthazar qui nous ont quittés voici peu de temps.
Autre remarque sur ce travail et ses contraintes: j'ai ici répondu aux souhaits de l'éditeur me demandant d'insérer a priori des textes inédits. Ce qui ne fut pas toujours simple, certains auteurs restant injoignables, d'autres n’ayant guère ou pas d'inédits sous la main, j'ai cru utile de choisir dans l'œuvre publiée."

Voilà les 89 femmes et hommes poètes choisis, dans l'ordre de leur apparition dans le recueil, c'est-à-dire selon l'année de leur naissance, de l'aîné au plus jeune.
Georges Thinès, Philippe Jones, André Romus, André Schmitz, Liliane Wouters, André Doms, Jacques Demaude, Claire-Anne Magnès, Gaspard Hons, Anne-Marie Derèse, Jacques Sojcher, Véra Feyder, Rose-Marie François, Colette Nys-Mazure, William Cliff, Jacques Crickillon, Michel Voiturier, Anne Bonhomme, Werner Lambersy, Christian Hubin, Françis Chenot, Geneviève Bauloye, Jean-Pierre Verheggen, Jacques Vandenschrick, Anne Rothschild, Robert Gérard, Marc Dugardin, Corinne Hoex, Serge Meurant, Guy Goffette, Daniel Fano, Frans de Haes, Pierre-Jean Foulon, Roland Ladrière, Pierre-Yves Soucy, Pierre Gilman, Jean-Marie Corbusier, Jacques Goorma, Jean-Luc Wauthier, Françoise-Lison Leroy, François Emmanuel, Daniel Simon, Béatrice Libert, Jean-Michel Aubebert, Daniel de Bruycker, Philippe Lekeuche, Thierry-Pierre Clément, Véronique Wautier, Francis Dannemark, Caroline Lamarche, Philippe Leuckx, Eric Brogniet, Philippe Mathy, Sabine Lavaux-Michaëlis, Jacques Keguenne, Lucien Noullez, Pierre Schroven, Claude Donnay, Denys-Louis Colaux, Carl Norac, Serge Núnez Tolin, Karel Logist, Véronique Bergen, Paul Mathieu, Pierre Warrant, Véronique Daine, Vincent Tholomé, Serge Delaive, Cathy Leyder, Laurent Demoulin, Laurence Vielle, Yves Collet, Piet Lincken, Christophe van Rossom, Ben Arès, Marie-Clotilde Roose, Otto Ganz, Hubert Antoine, Fabien Abrassart, Pascal Leclercq, Laurent Fadanni, Harry Szpilmann, Antoine Wauters, Kathleen Lore, Raphaël Miccoli, Eric Piette, Nicolas Grégoire, Maxime Coton.
* *

L'asbl L'arbre de Diane a pour but de promouvoir la littérature et la poésie, à travers différents médias, dont des livres numériques et papier. D'explorer aussi les aspects sonores et radiophoniques de la littérature, ainsi que son rapport avec les technologies et les sciences. Dirigée par Mélanie Godin et Renaud Lambiotte, sa collection "La Tortue de Zénon" réunit les mondes de la littérature, des sciences et des mathématiques. Impossible? Non! Les deux premiers livres viennent de sortir, dont les titres sont déjà tout un programme...

"Les mathématiques
sont la poésie des sciences"
Cédric Villani
L'arbre de Diane
"La tortue de Zénon"
68 pages

Cédric Villani est un mathématicien français qui s'intéresse à la théorie cinétique et au transport optimal. Le directeur de l'Institut Henri Poincaré à Paris, aussi professeur d'université à Lyon, a reçu la célèbre médaille Fields en 2010 pour ses recherches. Il a étendu sa notoriété du domaine des mathématiques à celui de la littérature en publiant un premier roman particulièrement original, "Théorème vivant" (Grasset, 2012, Le livre de poche, 2013) où il est bien sûr question d'un mathématicien. On entend aussi en été sur les ondes de France Inter celui  qui est devenu l'ambassadeur des maths françaises.

Pas étonnant que Cédric Villani déclare que les mathématiques sont la poésie des sciences.
"Si les mathématiques étaient un genre littéraire, ce serait certainement la poésie. L'élément poétique peut venir par l'apparition d'éléments étrangers et inattendus dans un texte. On peut trouver une certaine beauté aux mots qui surgissent avec leur charge de mystère dans un dialogue où ils n’ont rien à faire. Ils appartiennent à une autre langue. C'est un peu comme quand vous écoutez une chanson dans une langue étrangère à laquelle vous ne comprenez rien et que vous y percevez une force tout à fait mélodieuse et mystérieuse."
Dessin d'Etienne Lécroart. (c) L'arbre de Diane.
Comment développe-t-il davantage sa pensée? C'est à retrouver dans le livre qui retranscrit une conférence donnée en mars 2013 à la Maison de la culture de Namur, organisée par le département de maths de l'université du lieu et les Midis de la Poésie. Avec la participation d'Elisa Brune en préfacière et de l'auteur de bande dessinée Etienne Lécroart, membre de l'OuBaPo (Ouvroir de bande dessinée potentielle) pour accompagner les réflexions de Villani.



"Dix rencontres entre science et littérature"
Géodésiques
L'arbre de Diane
"La tortue de Zénon"
144 pages

Dans ce livre se succèdent dix paires improbables, un scientifique et un auteur de littérature qui, ensemble, parlent de science. Le premier lance la discussion à propos de ses recherches, de ses théories, le second s'approprie ces concepts et ces questions et les traite avec sa sensibilité personnelle. Des passerelles qui ont abouti à ce livre et illustrent l'idée de la géodésique, à savoir "le chemin le plus court entre deux points d'un espace métrique". Voilà qu'on ferait des maths sans le savoir, pour la prose, on était prévenu depuis longtemps.

Voici les paires, qui sont illustrées par Nathalie Garot.
André Füzfa .................... Nicole Roland
Jean-Pierre Boon ............ Caroline De Mulder
Petra Vertes .................... Jan Baetens
Philippe Toint ................. Nicolas Marchal
Hugues Bersini ............... Jacques Darras
Vincent Blondel ............. Caroline Lamarche
Mustapha Tlidi ............... Laurence Vielle
Jean-Charles Delvenne .. Vincent Engel
Michel Tytgat ................. Geneviève Damas
Renaud Lambiotte .......... Christine Van Acker

Dessin de Nathalie Garot. (c) L'arbre de Diane.

* *
*

"La Trilogie Lunus"
Serge Delaive
l'Arbre à paroles
Anthologies
296 pages

Serge Delaive, c'est aujourd’hui douze recueils de poèmes, quatre romans, dont "Argentine" (La Différence) qui reçut le Prix Rossel en 2009, un essai et deux ouvrages illustrés.

"La Trilogie Lunus" regroupe trois recueils de poèmes, "Légendaire" (1995), "Monde jumeau" (1996) et "Le livre canoë" (2001). Trois livres qui avaient été imaginés dès le départ comme une trilogie, centrée sur le personnage de Lunus, le double fantasmé de l'auteur. Un voyageur bien entendu, attentif au monde et à ce qu'il voit.

Une réédition soigneusement revue par l'auteur: certains textes ont été retouchés, des poèmes éliminés, d'autres déplacés, deux ont été réécrits en prose... Tous les poèmes ont reçu un titre. Un travail approfondi dont le dernier poème cligne de l’œil au premier et qui a été menée pour les cinquante ans du poète-romancier-essayste-photographe.

* *
*

"Ce monde"
Jan Baetens
Les Impressions nouvelles
96 pages

Dernier poète flamand d'expression française, Jan Baetens explique ce nouveau projet: un texte plus long, une poésie pouvant se lire à haute voix. Sa découverte de "The last World", un poème de jeunesse de John Ashbery, affine encore son choix.

Tout comme une résidence à Venise en 2013 et sa participation à une rencontre autour de Pierre Joris. Double nomadique de "The last World", poème épique évitant le récit, poème à lire par les yeux comme la bouche, entreprise à risques qui devrait connaître plusieurs prolongements.

En sept parties, "Ce monde" aborde aussi en finale la ville de Venise que le poète examine sous toutes ces facettes, malaxe de toutes les façons.

Un extrait du livre à lire ici.

* *
*

"Ostende"
Christiane Levêque
Illustrations de Garène
Les Carnets du Dessert de lune

Deux ans après nous avoir entraînés au "Mokafé" (même éditeur), célèbre établissement de la Galerie du Roi à Bruxelles, Christiane Levêque nous emmène cette fois à Ostende.

Ses mots se posent avec la même fraîcheur et la même bienveillance sur tout ce que son regard déniche et nous transmet. Des portraits, des ambiances, des lieux, finement observés et tellement joliment racontés.
Quelques illustrations de Garène se glissent harmonieusement entre les textes.

* *
*

"8 ans"
Julie Remacle
l'Arbre à paroles
128 pages

C'était quoi la Belgique des années 1980? Réponse dans ces courts textes, rapides comme une mitraillette, précis comme une lunette de visée, directs comme un tir bien ajusté. Le tout dans une écriture complètement poétique, sans illusion sur l'état d'enfance.

Elle est super, cette héroïne âgée de 8 ans. Et on la remercie de partager ainsi avec nous ses choix, ses opinions, ses résistances et ses enthousiasmes.

* *
*

Bien sûr, le Marché de la poésie accueillait aussi des auteurs français. Heureusement!
En voici deux, l'un avec des poèmes de table, l'autre avec un manège érotique. Que demander d'autre?

"Le Bel Appétit"
Paul Fournel
P.O.L., 215 pages

Il est prouvé que lire des recettes fait grossir. Et lire les "poèmes de table" de Paul Fournel? Je crains le pire, tant on se régale devant ces recettes, ces cuisiniers qui les exécutent, au sens propre ou au sens figuré, ces évocations de fruits, de légumes, de fromages, sans oublier les petits beurres LU. Le poète nous raconte tout cela avec fougue, mêlant l'ancien et le nouveau, imaginant d'autres façons tout en rappelant les anciennes.

Lire les titres des poèmes provoque des gargouillis à l'estomac. Lire les textes caresse l'esprit épicurien, amateur de mets et de mots. Chaque sujet est un départ vers des contrées revisitées pour le plus grand plaisir du lecteur. Et sans doute celui de l'auteur.

Pour déguster un peu du livre en ligne, c'est ici.

* *
*

"La Chapelle Sextine"
Hervé Le Tellier
Le Castor Astral
"Escales des lettres"
96 pages

Quelle bonne idée de republier ce "roman circulaire" paru en 2005 à L'estuaire!
On y circule en effet beaucoup, entre les treize femmes et les treize hommes, d'Anna à Yolande, de Ben à Zach, vous voyez l'astuce?, qui sont les sujets de ces 78 nouvelles érotiques aux nombreuses contraintes oulipiennes.

Sexe, vie, amour sont au centre de toutes les questions auxquelles l'auteur ne répond jamais, tout occupé à nous entraîner dans son "marabout-boutdeficelle" entre ses ardents héros: "Anna et Ben", "Ben et Chloé", "Chloé et Dennis", et encore 75 autres combinaisons. Nylon, latex, échanges, tout est bon dans cette chapelle célébrant le sexe avant tout. Ironie et intelligence dans ces micro-nouvelles où les scènes sexuelles décrites sont ponctuées d'un commentaire italique ramenant les choses au niveau zéro du désir.







vendredi 12 juin 2015

Le décès soudain de l'écrivain Alain Nadaud

Alain Nadaud.

Il  est des jours où il vaudrait mieux ne pas allumer son ordinateur. Comme ce soir où je viens d'apprendre le décès soudain de l'écrivain français Alain Nadaud. Il est mort ce vendredi 12 juin à Amorgos en Grèce d'une crise cardiaque à bord de son bateau. Il allait avoir 67 ans le 5 juillet prochain.

Alain Nadaud était un écrivain magnifique, terriblement exigeant envers lui-même et donc envers ses lecteurs. Ce qui lui a valu d'être baladé d'éditeur en éditeur au fil de ses superbes livres - allaient-ils se vendre? Au point de se lasser lui-même. Il avait passé l'âge de ce type de recherche, me disait-il. Et il avait publié fin 2010 "D'écrire, j'arrête" (Editions Tarabuste). Un titre qui inquiétait son entourage. Mais il avait tenu bon, préférant ses proches, ses chiens, ses cours de voile, son bateau avec lequel il allait de Tunisie jusqu'en Grèce.


Et puis, il y avait quand même eu deux nouveaux livres, des essais - "D'écrire, j'arrête", c'était pour la fiction, précisait alors Alain en riant de son bon rire, "Dieu est une fiction" (Serge Safran, 2014) et "Journal du non-écrire" (Editions Tarabuste, 2014).


Pourtant, Alain Nadaud était un écrivain majeur. Un génie méconnu qui était passé à l'émission "Apostrophes" de Bernard Pivot en 1984 pour son premier roman. Il se rappelle de ce moment à ma suggestion.

"Apostrophes", c'était pour moi le sentiment de jouer mon va-tout. Une émission dont, dans mon rêve de devenir écrivain, je m'efforçais de ne manquer aucun numéro. J’y suis passé pour mon premier roman, "Archéologie du zéro" (1984), refusé par douze éditeurs – dont je reconnaissais les têtes dans l'assistance, ayant accompagné les autres auteurs présents sur le plateau. Un fort goût de revanche donc! Le sentiment de tomber dans le vide quand j'aperçois Pivot classer ses fiches: il va me faire passer en premier! Une concentration maximale au moment de répondre, légèrement penché en avant sur les accoudoirs et non pas à la renverse sur son dossier, comme me l'avait recommandé Sollers, mon éditeur. Je suis incapable à présent de me rappeler ce que j'ai dit, mais c'était gagné. Ça avait été court mais bon. Le lendemain, les ventes, qui étaient déjà excellentes, avaient doublé. J'ai publié dix romans ensuite, Bernard Pivot ne m'a plus jamais invité.

L'an dernier, il avait beaucoup travaillé aussi, en compagnie de son épouse, l'artiste tunisienne Sadika Keskes, sur le centenaire du voyage du peintre Paul Klee en Tunisie. On peut écouter ici le "Carnet nomade" que Colette Fellous avait enregistré à cette occasion.

Alain Nadaud était aussi pour moi un ami, tout comme Sadika, son épouse. Son regard, son écoute, sa gentillesse et ses savoirs. Je l'ai rencontré tard, quand il a publié "Le Passage du col" (Albin Michel, 2009). Mais le courant est tout de suite passé et on s'est revu plusieurs fois en France ou en Tunisie.

Un roman dont il a eu l'idée dans un autobus. "Un jour où j'étais à Paris, Fadhel Jaziri, un réalisateur tunisien ("Thalathoun"), m'a demandé de jouer dans un film pour lui, tout de suite. J'ai sauté dans un car Air-France pour l'aéroport. Et là, tout d'un coup, le livre m'est arrivé en entier, avec sa structure, l'histoire des rêves, des vies antérieures. Je n'ai eu qu'à suivre le fil. En général, j'écris mes livres facilement, avec peu de documentation. Même si ça a l'air érudit, j'invente beaucoup. Je trouve vite l'esprit de l'époque, les personnages et la langue. Pour "Une aventure sentimentale", qui se passe au XVIIe siècle, je me suis spontanément mis à écrire dans une langue proche de celle du XVIIe. Cela m'amène à dire que la question des vies antérieures vient de ce que certains livres, comme celui-ci, me sont donnés d'un coup, sans que j'y réfléchisse, au point de me demander: si j'ai une telle facilité, n'est-ce pas parce que je ne fais que me ressouvenir d'existences que j'aurais vécues et que je mettrais en scène dans mes romans? C'est un jeu. Evidemment, je n'y crois pas, mais je trouvais que, du point de vue de la fiction, c'était un bon argument."

"Le passage du col" met en scène un écrivain qui entre au Tibet et se trouve bloqué à la frontière par une avalanche qui coupe la route au véhicule d’Himalaya Tours où il a pris place; des militaires chinois veulent renvoyer les voyageurs au Népal. L'écrivain rencontre là deux lamas qui lui proposent l'hospitalité dans leur monastère à condition qu'il fuie en secret avec eux, la nuit suivante.

Le titre est une expression à double sens, fidèle au style de l’auteur. Car si on pense logiquement aux nombreux cols à franchir dans ces contrées – et l’écrivain-narrateur en fera la rude expérience pendant son éprouvante marche à pied dans la montagne avant de trouver l'abri promis –, on comprend plus loin dans le livre que l'auteur faisait déjà subtilement l'annonce d'un autre sens des mêmes mots, celui qu'impose une naissance, ici celle d'un écrivain, sujet omniprésent dans le récit.

Car lors de ses nuits en haute altitude, l'écrivain narrateur fait des rêves étranges et familiers. Il est successivement pêcheur à Délos, légionnaire romain, moine copiste, peintre d'icônes, secrétaire d'un duc, archéologue, qui ont tous voulu écrire et qui tous lui ressemblent… Il est d'autant plus troublé qu'un des lamas qu'il côtoie lui a révélé que les rêves sont parfois le souvenir d'expériences vécues lors de vies antérieures.

A partir de là, Alain Nadaud a composé un roman prenant, bien dans la ligne de sa manière expérimentée depuis "Archéologie du zéro", complètement atypique lors de sa parution en 1984 chez Denoël – un titre pour lequel il avait essuyé douze refus. Abordant aussi bien les mystères du bouddhisme que les interrogations par rapport à l'acte d'écrire, à la force de la fiction et à la puissance des mots, il mêle le vrai et le faux, le réel et le vraisemblable. Son jeu superbe sur les trompe-l'œil et les mises en abyme nous emmène loin dans le monde et dans le temps, en des terres hautement romanesques. Nadaud raconte tellement bien qu'on ne se méfie de rien, jusqu'à la fin ramenant l’écrivain chez les soldats chinois.

"Le passage du col" peut se lire comme un formidable roman d'aventures, sur les traces du narrateur recueilli par les lamas tibétains, persécutés par la police militaire chinoise, et qui décrypte ses rêves étranges avec leur aide. Mais il peut aussi s'appréhender comme un opus vertigineux sur l'écriture et sa force, éclairant également les romans précédents de l'écrivain.

Parmi ses romans précédents

"Archéologie du zéro"
Denoël, 1984, Folio

Dès ce premier roman, Alain Nadaud opte pour ce romanesque singulier, savant et ludique. Il fait ici état de la découverte d’une nécropole à Alexandrie d’où sont exhumés des documents prouvant l'existence de la secte des Adorateurs du Zéro.




"Le livre des malédictions" 
Grasset, 1995

L'enquête d'un détective privé, une brève histoire d’amour ou de désir, des décors exotiques pour un roman policier et métaphysique.

"Aux portes des enfers"
Actes Sud, 2004

Une enquête géographique, littéraire, historique et légendaire sur les endroits qui, dans l'Antiquité, donnaient accès aux Enfers


"Le vacillement du monde"
Actes Sud, 2006

La vie, peu connue, du moine Louis Legrand, mais à la manière Nadaud





Sans oublier un des derniers

"La plage des demoiselles"
Léo Scheer, 2010

Un récit fouillé et captivant où l'écrivain remonte à sa jeunesse et tente d'identifier le moment où il a décidé de devenir écrivain.
On le découvre adolescent, moniteur parti en colonie de vacances avec son cahier où écrire et découvrant le sexe féminin. On le suit à Nanterre, en plein Mai 68, durant ses études de lettres, toujours captivé par les femmes.
Tout au long de ce livre dense, souvent surprenant, on verra comment femmes et littérature sont liées chez lui. Sa petite machine à écrire Java Script lui sert aussi à taper des lettres d’amour, dont certaines naissent plus pour écrire que pour dire l’amour.
L'âge adulte le mène encore en Mauritanie et en Irak avant qu'il ne revienne à Paris. En filigrane, un écrivain admet peu à peu qu'il n'a pas à choisir d'écrire ou pas. Alain Nadaud est né écrivain et Roland Barthes le lui confirmera à ses tout débuts. 

Un livre qui est aussi l'histoire de sa vie.

Alain Nadaud est en effet né à Paris en 1948. Après des études de lettres à Nanterre en 1967, et avoir exercé différents métiers, il part enseigner la littérature à l'étranger pour des séjours de deux ans (à Nouakchott en Mauritanie, puis à Bassora en Irak). Son doctorat en poche, il repart pour deux ans, en tant que conseiller pédagogique pour l’enseignement du français au Kwara State (Nigéria).

De retour à Paris, il enseigne la philosophie jusqu'en 1985. Après la publication d'"Archéologie du zéro", il entre comme conseiller littéraire aux éditions Denoël, où il a en charge le service des manuscrits. Après un passage chez Ramsay, il entre chez Balland, puis chez Belfond. Il collabore dans le même temps à de nombreuses revues, avant de fonder et de diriger "Quai Voltaire, revue littéraire".

La crise et les regroupements qui surviennent dans l'édition l'incitent à prendre du champ. Nommé directeur du Bureau du livre au Service culturel de l’ambassade de France en Tunisie en 1994, il part ensuite comme attaché culturel au Consulat général de France à Québec. Mais depuis 2002, Alain Nadaud revient en Tunisie tout en se ménageant de nombreux voyages.

Ce soir, je présente mes condoléances à son épouse Sadika, à ses trois filles, à ses petits-enfants et à ses deux belles-filles.