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mardi 29 septembre 2015

Delphine de Vigan plébiscitée par les libraires

Ainsi donc, Delphine de Vigan arrive, avec son nouveau roman, le quatrième, "D'après une histoire vraie" (JC Lattès, 479 pages), en tête du classement français établi par "Livres Hebdo" qui a demandé à 300 libraires de désigner leurs romans préférés dans la rentrée littéraire - en tout, ils ont cité 205 titres parmi les romans français et étrangers de l'automne.
J'avais lu son gros bouquin à sa sortie, fin août, et il m'avait laissée assez indifférente pour ne pas dire dépitée. Tout ça pour ça?

Je m'en explique ci-dessous. Voyons d'abord qui Delphine de Vigan devance et qui sont les heureux élus du côté étranger.

Palmarès 2015 des libraires

Littérature française
  1. "D'après une histoire vraie", Delphine de Vigan (JC Lattès)
  2. "Profession du père", Sorj Chalandon (Grasset, lire ici)
  3. "Otages intimes", Jeanne Benameur (Actes Sud)
  4. "La terre qui penche", Carole Martinez (Gallimard)
  5. "Un amour impossible", Christine Angot (Flammarion)

Littérature étrangère
  1. "Délivrances", Toni Morrison (Bourgois)
  2. "Intérieur nuit", Marisha Pessl (Gallimard)
  3. "D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds", Jon Kalman Stefansson (Gallimard)
  4. "L'imposteur", Javier Cercas (Actes Sud)
  5. "La neige noire", Paul Lynch (Albin Michel)

Delphine de Vigan.
J'en reviens à "D'après une histoire vraie", roman d'apparence autobiographique.

C'est l'histoire d'une femme écrivain, prénommée Delphine, en panne d'écriture depuis le succès incroyable et imprévu de son précédent roman sur sa famille. Tiens, on dirait Delphine de Vigan et "Rien ne s'oppose à la nuit", son livre sur sa mère bipolaire sorti en 2011.
Cette romancière de papier est en couple avec un animateur d'émission télé sur les livres qui s'appelle François. Ooohhh, dans la vraie vie, Delphine de Vigan partage depuis quatre ans celle de François Busnel, qui anime chaque semaine depuis 2008 "La grande librairie" sur France 5.
La narratrice égrène les noms de quelques amies auteures, ou donne le titre de leurs livres. Par exemple Nathalie Kuperman ou Delphine Coulin. Plus loin, elle parlera d'Agnès Desarthe avec qui elle était au cours ou de Lionel Duroy qui aide des personnalités à rédiger leur biographie.

On serait donc dans une histoire vraie, comme le suggère le titre à une nuance près? C'est la question qui revient sans cesse dès l'apparition rapide d'un nouveau personnage féminin, L., qui débarque un soir par hasard, mais est-ce un hasard, et va peu à peu prendre possession de Delphine. L., à dire tout haut, qui se présente comme une nègre-star. Qui connaît donc le milieu de l'édition et le métier d'écrivain.

Le livre est vertigineux par moment, quand on voit l'araignée L. tisser sa toile, armée de tout ce qu'elle sait de Delphine, aussi fragile qu'aveugle, et l'y coincer, l'isolant d'un entourage peu présent mais que la narratrice tient aussi volontairement à distance. Cette dernière est tellement sous l'emprise de L. qu'elle dépasse sa panne d'écriture... Bien sûr, tout cela a un petit air de "Misery", le roman que Stephen King publia en 1987 et qui fut porté à l'écran en 1990 par Rob Reiner.

On avance dans le roman qui décoche toujours des noms de vraies personnes, souvent parisiennes. Qui conte par le menu le quotidien de Delphine et L. désormais. Leur temps ensemble, leurs conversations, leurs déplacements, leurs rares affrontements. C'est assez long et nous mène vers la finale dont Delphine de Vigan a semé tous les éléments, jusqu'au dernier mot du livre.

Est-ce le style de l'auteure, assez transparent, est-ce la longueur du texte, ne dépassant guère le quotidien, est-ce le côté "regardez comme je construis bien mon roman", je n'ai pas été convaincue de la sincérité de l'auteur et je n'ai pas été portée par son histoire. D'où mon "tout ça pour ça?" Pas grave, Delphine de Vigan figure dans les premières sélections de plusieurs prix: Goncourt et Goncourt des Lycéens, Renaudot et Médicis, après avoir été finaliste du Grand prix du roman Fnac (lire ici), attribué finalement à Laurent Binet. Les prochains jours verront tomber les deuxièmes sélections des différents prix, qui éclairciront forcément les lignes.

Pour lire le début de "D'après une histoire vraie", c'est ici.




mercredi 23 septembre 2015

Douze bonnes raisons d'aller à Moulins


- Je ne serai pas là les prochains jours.
- Tu pars?
- Oui, à Moulins, au Festival des illustrateurs.
Et c'est là que l'interlocuteur siffle "Waw", souffle "Quelle chance", grogne un peu mais se réjouit quand même. Son front clignote de l'envie d'aussi gagner l'Allier.

Car le Festival des illustrateurs, bisannuel, organisé par les Malcoiffés, n'est pas un festival comme les autres. Il allie exigence et bonne humeur, professionnalisme et réjouissances, mélange les anciens et les nouveaux. Les rencontres sont nourricières, les expositions s'installent dans différents lieux de la ville, les officiels mais aussi une cathédrale, une imprimerie, une librairie, un salon de thé.

Sa troisième édition se déroule cette semaine, du jeudi 24 au dimanche 27 septembre. Programme ici.


Huit illustrateurs sont conviés en Auvergne.

Dessin de Sempé.
Sempé, le papa du Petit Nicolas et de Catherine Certitude (lire ici), sera là, non pas physiquement mais au travers de son exposition au Salon d'honneur de la mairie et par les voix de Martine Gossieaux, galeriste qui expose son œuvre, et Marc Lecarpentier, écrivain. L'occasion de découvrir les originaux de cet art unique de traiter le grave par le léger et l'humour.


Nicole Claveloux, dont le site officiel, très bien fait, se trouve ici. Une œuvre immense et magnifique, allant de Grabote dans la revue "Okapi" aux contes classiques en passant par des petits cochons, des loups, des bisous, des bigorneaux, des bébés, des enfants, des ours, et même des psys.
Que de souvenirs pour les aînés, elle a débuté en 1966. Que de découvertes à faire pour les plus jeunes. Un hic, seule une petite dizaine d'albums pour enfants est encore disponible en librairie, certains en rééditions plus ou moins réussies.  Pour les autres, les bibliothèques peut-être, et, inlassablement, les vide-greniers.

Quelques titres de Nicole Claveloux.



Claude Ponti, dont je vous ai déjà tout dit. Ici, ici, et ici (notamment). Ou encore ici.

Et à propos du Muz qu'il a créé en bonne compagnie, sur une idée jaillie un soir d'octobre 2003, entre Namur et Bruxelles, dans une petite voiture grise, c'est ici.





D'Ingrid Godon, Belge néerlandophone mais parlant très bien français, on aura la toute fraîche traduction de "Ik denk"  (lire ici), devenant naturellement "Je pense" (textes de Toon Tellegen, traduction de Maurice Lomré, La joie de lire). Un livre qui prolonge le précédent "J'aimerais" (lire ici).
Il sera tout juste sorti de presse, ce nouvel album pour les grands, et je ne l'ai même pas encore vu. Par contre, ses originaux avaient été exposés à Gand l'an dernier.


Ce sera aussi l'occasion de jeter un œil sur ses deux albums pour les petits, "Lila et..." et "Léo et..." (textes d'Imme Dros, illustrations d'Ingrid Godon, traduits du néerlandais par Maurice Lomré, La Joie de lire).
Trois épisodes chaque fois, entre vie quotidienne et questionnement philosophique, illustrés avec vivacité.

Susanne Janssen est d'origine allemande mais vit en France. Ses illustrations de contes classiques, "Le Petit chaperon rouge", "Peter Pan", "Hänsel et Gretel", sont des merveilles, malheureusement épuisées. Trop exigeantes sans doute pour qu'elles soient rééditées.

Susanne Janssen.


Marion Fayolle est une jeune illustratrice française qui publie surtout chez de petits éditeurs comme Magnani ou Notari. Des albums proches de la ligne claire et souvent mignons, parfois coquins.

Marion Fayolle.


Mélanie Rutten est l'autre Belge invitée, révélée par les Editions MeMo de Nantes. Autodidacte, elle suit des cours d'illustration avec sa compatriote Kitty Crowther, qui la marque profondément.
Son dernier album en date, "Les sauvages" (MeMo, 40 pages), raconte l'équipée nocturne de deux enfants, une fille et un garçon. Jeux de lumière et de couleurs soutiennent cette expédition où les expériences se vivent sur la rivière, sur le radeau et dans l'île.


Claire Dé a un travail plastique et photographique qui s'exprime dans des livres publiés aux Grandes Personnes et des installations. C'est fou comme elle nous lave le regard, nous invitant à regarder autrement ce qu'on voit tous les jours, donnant une fibre artistique aux plus banals objets de notre quotidien.

Claire Dé.

On devrait également voir Michel Galvin à Moulins, lauréat 2015 du Grand prix de l'illustration (lire ici).


Enfin, pour son dixième anniversaire, le Musée de l'illustration jeunesse (MIJ) de Moulins présente dix personnages qui ont marqué l’histoire de la littérature jeunesse.
  • Babar (Jean et Laurent de Brunhoff)
  • Bécassine (Joseph Pinchon)
  • Martine (Marcel Marlier)
  • Petit Ours Brun (Danièle Bour)
  • Le Prince de Motordu (Pef)
  • Ernest et Célestine (Gabrielle Vincent)
  • Mimi Cracra (Agnès Rosenstiehl)
  • Marcel (Anthony Browne)
  • Tobie Lolness (François Place)
Documents rares et illustrations originales seront exposés à cette occasion...

Cette troisième édition du Festival des illustrateurs donnera également l'occasion de découvrir la production de onze petites maisons d'éditions:
  • A pas de loups (Laurence Nobécourt)
  • BJbookseditions (Benoît Jacques)
  • Bleu autour (Patrick Rötig)
  • Editions Courtes et longues (Stéphane Gendreau)
  • Grains de sel (Revue Georges)
  • L'atelier du coin (Association Arc en ciel)
  • L'atelier du poisson soluble (Stépahne Queyriaux)
  • La Maison est en carton (Marion Jaillet)
  • La poule qui pond (Valentin Mathé)
  • Le goût des autres (Brigitte Bogros)
  • Pavupapri (Cécile Gambini)

Et après tout cela, on aura bien mérité de grignoter quelques biscuits dûment griffés du nom et du logo du festival.





jeudi 17 septembre 2015

Les jurées du prix Femina donnent leurs choix


Hé bien, les voilà, les dames du prix Femina qui sera remis le 4 novembre.
Leurs sélections présentent quinze romans français et dix-sept étrangers.
Du côté français, comme elles arrivent les dernières ou presque, on n'a pas beaucoup de surprises mais on ne saurait leur reprocher leurs choix. Six femmes sont présentes, sur quinze auteurs.
Trois livres sortis chez Gallimard, trois Grasset, deux Stock. L'apparition de Brigitte Giraud, Diane Meur et Helène Lenoir, et aussi le beau premier roman d'Alexandre Seurat, sorti au Rouergue.
Du côté étranger, j'ai l'impression que les douze jurées sont venues épier ce qui se trouve sur mes étagères "à lire vite": quinze de leurs choix sont aussi les miens...

Les sélections
Romans français
  • Christine Angot, "Un amour impossible" (Flammarion)
  • Nathalie Azoulai, "Titus n'aimait pas Bérénice" (P.O.L)
  • Laurent Binet, "La septième fonction du langage" (Grasset)
  • Christophe Boltanski, "La cache" (Stock)
  • Charles Dantzig, "Histoire de l'amour et de la haine" (Grasset)
  • Mathias Enard, "Boussole" (Actes Sud)
  • Michaël Ferrier, "Mémoires d'Outre-mer" (Gallimard)
  • Brigitte Giraud, "Nous serons des héros" (Stock)
  • Hédi Kaddour, "Les prépondérants" (Gallimard)
  • Hélène Lenoir, "Tilleul" (Grasset)
  • Charif Majdalani, "Villa des femmes" (Seuil)
  • Diane Meur, "La carte des Mendelssohn" (Sabine Wespieser)
  • Judith Perrignon, "Victor Hugo vient de mourir" (L'Iconoclaste)
  • Boualem Sansal, "2084" (Gallimard)
  • Alexandre Seurat, "La maladroite" (Rouergue)

Romans étrangers
  • Martin Amis, "La zone d'intérêt" (Calmann-Lévy)
  • Oya Baydar, "Et ne reste que des cendres" (Phébus)
  • Najwa Barakat, "La langue du secret" (Actes Sud)
  • Stefan Brijs, "Courrier des tranchées" (Héloïse d'Ormesson)
  • Javier Cercas, "L'imposteur" (Actes Sud)
  • Jane Gardam, "Le maître des apparences" (JC Lattès)
  • Kerry Hudson, "La couleur de l'eau" (Philippe Rey)
  • Laird Hunt, "Neverhome" (Actes Sud)
  • Paul Lynch, "La neige noire" (Albin Michel)
  • Alice McDermott, "Someone" (La Table ronde)
  • Dinaw Mengestu, "Tous nos noms" (Albin Michel)
  • Anna North, "Vie et mort de Sophie Stark" (Autrement)
  • Sasa Stanisic, "Avant la fête" (Stock)
  • Owen Sheers, "J'ai vu un homme" (Rivages)
  • Jon Kalman Stefansson, "D'ailleurs les poissons n'ont pas de pieds" (Gallimard)
  • Agata Tuszynska, "La fiancée de Bruno Schulz" (Grasset)
  • Zoé Valdès, "La femme qui pleure" (Arthaud)

Le jury du prix Femina se compose de douze femmes: Evelyne Bloch-Dano, Virginie Despentes,  Solande Fasquelle, Claire Gallois, Anne-Marie Garat, Paula Jacques, Christine Jordis, Camille Laurens, Mona Ozouf, Danièle Sallenave, Josyane Savigneau, Chantal Thomas.

Rendez-vous le 2 octobre pour la sélection suivante.

Autres sélections
Goncourt et Goncourt des lycéens, ici
Renaudot, ici
Médicis, ici
Wepler, ici
Décembre, ici
Jean Giono, ici
Flore, ici

En tenant compte de ces huit sélections (Goncourt et Goncourt des lycéens ne comptant que pour un), et en se limitant à la fiction française, ce sont 80 romans qui sont mis à l'honneur. Certains plusieurs fois bien entendu.
Boualem Sansal (Gallimard) apparaît sans cinq sélections: Goncourt, Renaudot, Médicis, Flore et Femina.
Hedi Kaddour (Gallimard) dans quatre: Goncourt, Médicis, Giono et Femina.
Les triplés sont nombreux, neuf romanciers aux mains variées: Christine Angot (Gallimard), Nathalie Azoulai (P.O.L.), Laurent Binet (Grasset), Christophe Boltanski (Stock), Delphine de Vigan (JC Lattès), Mathias Enard (Actes Sud), Michael Ferrier (Gallimard), Simon Liberati (Grasset) et Cherif Majdalani (Seuil).







La sélection du Prix de Flore maintenant

Le Prix de Flore a été fondé en mai 1994, autour d'une table du "Café de Flore" à Paris, dans le but de couronner un auteur au talent "prometteur", les critères de sélection étant l'originalité, la modernité, la jeunesse. Le prix  consiste en un chèque de 6.100 euros ainsi qu'un verre de Pouilly gravé à son nom, à consommer sans modération durant une année au Flore.

Son jury a sélectionnée dix titres, dont deux écrits par des femmes et trois publiés chez Grasset, pour le prix qui sera remis le 10 novembre prochain.

Les dix titres sélectionnés
  • Laurent Binet, "La septième fonction du langage" (Grasset)
  • Julien Blanc-Gras, "In utero" (Au diable vauvert)
  • Pierre Ducrozet, "Eroica" (Grasset), lire ici
  • Emilie Frèche, "Un homme dangereux" (Stock)
  • Héloïse Guay de Bellissen, "Les enfants de chœur de l'Amérique" (Anne Carrière)
  • Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah, "Burn out" (Seuil)
  • Jean-Pierre Montal, "Les années Foch" (Pierre-Guillaume de Roux)
  • Jean-Noël Orengo, "La fleur du capital" (Grasset)
  • Daniel Parokia, "Avant de rejoindre le grand soleil" (Buchet-Chastel)
  • Boualem Sansal, "2084" (Gallimard) 

Le jury, présidé par Frédéric Beigebeder, est composé de Jacques Braunstein, Manuel Carcassonne, Carole Chrétiennot, Michèle Fitoussi, Jean-René Van Der Plaetsen, François Reynaert, Jean-Pierre Saccani, Bertrand de Saint-Vincent, Christophe Tison, Philippe Vandel, Arnaud Viviant.

Rendez-vous le 15 octobre pour une nouvelle sélection.

Les lauréats précédents
  • 2014 Aurélien Bellanger, "L'aménagement du territoire" (Gallimard)
  • 2013 Monica Sabolo, "Tout cela n'a rien à voir avec moi" (JC Lattès)
  • 2012 Oscar Coop-Phane, "Zénith-Hôtel" (Finitude)
  • 2011 Marien Defalvard, "Du temps qu'on existait" (Grasset)
  • 2010 Abdellah Taïa, "Le jour du roi" (Seuil)
  • 2009 Simon Liberati, "L'hyper Justine" (Flammarion)
  • 2008 Tristan Garcia, "La meilleure part des hommes" (Gallimard)
  • 2007 Amélie Nothomb, "Ni d'Eve ni d'Adam" (Albin Michel)
  • 2006 Christine Angot, "Rendez-vous" (Flammarion)
  • 2005 Joy Sorman, "Boys boys boys" (Gallimard)
  • 2004 Bruce Benderson, "Autobiographie érotique" (Payot)
  • 2003 Pierre Mérot, "Mammifères" (Flammarion)
  • 2002 Grégoire Bouillier, "Rapport sur moi" (Allia)
  • 2001 Christophe Donner, "L'Empire de la morale" (Grasset)
  • 2000 Nicolas Rey, "Mémoire courte" (Au diable vauvert)
  • 1999 Guillaume Dustan, "Nicolas Pages" (P.O.L.)
  • 1998 Virginie Despentes, "Les Jolies choses" (Grasset)
  • 1997 Philippe Jaenada, ""Le Chameau sauvage" (Julliard)
  • 1996 Michel Houellebecq, "Le Sens du combat" (Flammarion)
  • 1995 Jacques A. Bertrand, "Le Pas du loup" (Julliard)
  • 1994 Vincent Ravalec "Cantique de la racaille" (Flammarion)

Autres sélections
Goncourt et Goncourt des lycéens, ici
Renaudot, ici
Médicis, ici
Wepler, ici

Premiers bilans dès que les dames du Femina révèlent leurs choix.





Le prix Giono a aussi publié sa première liste

C'est toujours une jolie sélection que celle du prix Jean Giono qui sera remis le 14 octobre, soutenu par Pierre Bergé comme le prix Décembre (lire ici) notamment.

Le Grand Prix Jean Giono couronne l'ensemble de l'œuvre d'un auteur de langue française ayant défendu ou illustré la cause du roman. Le Prix du Jury, non attribué ces dernières années, distingue un ouvrage de langue française (roman, récit ou recueil de nouvelles) faisant une large place à l'imagination, dans l'esprit de Jean Giono, et révélant un vrai talent de "raconteur d'histoires".

Trois femmes, sur douze auteurs. Trois Gallimard, deux Flammarion, deux Seuil. Quelques nouveaux noms entre des auteurs déjà sélectionnés ailleurs.

Les douze titres sélectionnés
  • Clélia Anfray, "Le Censeur" (Gallimard)
  • Olivier Bleys, "Discours d'un arbre sur la fragilité des hommes"  (Albin Michel)
  • Mathias Enard, "Boussole" (Actes Sud)
  • Hubert Haddad, "Mâ" (Zulma)
  • Isabelle Jarry, "Magique aujourd'hui" (Gallimard)
  • Hédi Kaddour, "Les Prépondérants" (Gallimard)
  • Jean-Yves Laurichesse, "La loge de mer" (Le temps qu'il fait)
  • Alain Mabanckou, "Petit piment" (Seuil)
  • Charif Majdalani, "Villa des femmes" (Seuil)
  • Laurent Seksik, "L'Exercice de la médecine" (Flammarion)
  • Pierre Senges, "Achab (séquelles)" (Verticales)
  • Alice Zeniter, "Juste avant l'oubli" (Flammarion)

Le jury est composé de Sylvie Giono-Durbet et Pierre Bergé (président), Françoise Chandernagor (Académie Goncourt), Paule Constant (Prix Femina), Gilles Lapouge, Claude Mourthé, Erik Orsenna (Académie Française), Pierre Pain, Franco-Maria Ricci, Yves Simon, Frédéric Vitoux (Académie Française).

Prochaine sélection le 8 octobre. Remise du prix le 14 octobre.

Les lauréats précédents
  • 1990 Yves Beauchemin, "Juliette Permerleau" (de Fallois)
  • 1991 Michel Calonne, "Les Enfances" (Viviane Hamy)
  • 1992 Grand Prix: François Nourissier, "Gardien des ruines" (Grasset);  Prix du Jury: François Bontempelli, "L'Arbre du voyageur" (Grasset)
  • 1993 Grand Prix: Félicien Marceau, "La terrasse de Lucrezia" (Gallimard); Prix du Jury: Marc Bressant, "L'Anniversaire" (de Fallois)
  • 1994 Grand Prix: Jacques Laurent, "L'Inconnu du temps qui passe" (Grasset); Prix du Jury: Georges-Olivier Chateauraynaud, "Le Château de verre" (Julliard)
  • 1995 Grand Prix: Vladimir Volkoff, "Le Grand Tsar Blan"c (de Fallois/L'âge d'homme); Prix du Jury: Amélie Nothomb, "Les Catilinaires" (Albin Michel)
  • 1996 Grand Prix: Michel Déon, "La Cour des Grands" (Gallimard); Prix du Jury: Laurence Cossé, "Le coin du voile" (Gallimard)
  • 1997 Grand Prix: Jean-Marie Le Clézio, "Poisson d'Or" (Gallimard); Prix du Jury: Jean-Pierre Milovanoff, "Le Maître des Paons" (Julliard)
  • 1998 Grand Prix: Sylvie Germain, "Tobie des Marais" (Gallimard); Prix du Jury: Dominique Muller, "Les caresses et les baisers" (Seuil)
  • 1999 Grand Prix: Jean d'Ormesson, "Le rapport Gabriel" (Gallimard); Prix du Jury: Michèle Desbordes, "La demande" (Verdier)
  • 2000 Grand Prix: Ahmadou Kourouma, "Allah n'est pas obligé" (Seuil); Prix du Jury: Daniel Arsand, "En silence" (Phébus)
  • 2001 Grand Prix: Jean Raspail, "Adíos, tierra delfuego" (Albin Michel); Prix du Jury: Isabelle Hausser, "La table des enfants" (de Fallois)
  • 2002 Grand Prix: Serge Rezvani, "L'amour en face" (Actes Sud); Prix du Jury: Stéphane Héaume, "Le Clos Lothar" (Zulma)
  • 2003 Grand Prix: Robert Merle, "Le glaive et les amours" (saga Fortune de France)(de Fallois); Prix du Jury: Yasmina Reza, "Adam Haberberg" (Albin Michel)
  • 2004 Grand Prix: Pierre Moinot, "Coup d'État" (Gallimard); Prix du Jury: Laurent Gaudé, "Le Soleil des Scorta" (Actes Sud)
  • 2005 Grand Prix: Danièle Sallenave, "La Fraga" (Gallimard); Prix du Jury: Armel Job, "Les Fausses Innocences" (Robert Laffont)
  • 2006 Grand Prix: Pascal Quignard, "Villa Amalia" (Gallimard); Prix du Jury: François Vallejo, "Ouest" (Viviane-Hamy)
  • 2007 Grand Prix: Jacques Chessex, "Le Vampire de Ropraz" (Grasset); Prix du Jury: David Foenkinos, "Qui se souvient de David Foenkinos?" (Gallimard)
  • 2008 Grand Prix: Amélie Nothomb, "Le Fait du prince" (Albin Michel); Prix du Jury: Jean-Marie Blas de Roblès, "Là où les tigres sont chez eux" (Zulma)
  • 2009 Grand Prix: Dominique Fernandez, "Ramon" (Grasset);  Prix du Jury: Brigitte Giraud, "Une année étrangère" (Stock)
  • 2010 Grand Prix: Charles Dantzig, "Pourquoi lire?" (Grasset); Prix du Jury: Jean-Baptiste Harang, "Nos cœurs vaillants" (Grasset)
  • 2011 Metin Arditi, "Le Turquetto" (Actes Sud)
  • 2012 François Garde, "Ce qu'il advint du sauvage blanc" (Gallimard)
  • 2013 Pierre Jourde, "La Première Pierre" (Gallimard)
  • 2014 Fouad Laroui, "Les tribulations du dernier Sijilmassi" (Julliard)

Autres sélections
Goncourt et Goncourt des lycéens, ici
Renaudot, ici
Médicis, ici
Wepler, ici



mercredi 16 septembre 2015

Et un Grand prix pour Michel Galvin, un!



Joie d'apprendre que Michel Galvin est le lauréat du Grand prix de l'illustration jeunesse 2015 décerné par le musée du même nom, installé à Moulins, pour son magnifique album "La vie rêvée" (Rouergue, 2014).
Il recevra physiquement son prix, doté de 3.000 euros, à Moulins, le jeudi 24 septembre, en ouverture du Festival  des illustrateurs, biennal et organisé par les Malcoiffés, qui s'y déroulera du 24 au 27 septembre.

Je reviendrai la semaine prochaine en détail sur ces belles journées à vivre en Auvergne dont le programme est consultable ici.

Ces nouveaux lauriers sont d'autant plus réjouissants que Michel Galvin avait déjà reçu la Pépite 2014 de l'album à Montreuil (pour en savoir un peu plus sur ce formidable artiste, lire ici).


Les lauréats précédents du Grand prix
  • 2014 Delphine Jacquot (lire ici)
  • 2013 May Angeli (lire ici)
  • 2012 Jean-François Martin
  • 2011 Zaü
  • 2010 Régis Lejonc
  • 2009 Anne Herbauts
  • 2008 Juliette Binet 



mardi 15 septembre 2015

La première sélection du prix Décembre


Intitulé Décembre mais remis en novembre, le lundi 2 cette année, le prix Décembre vient d'annoncer quels sont les quatorze livres, romans et essais, qui font partie de sa première sélection. Cinq sont écrits par des femmes. Simon Liberati y trouve une quatrième sélection, Christine Angot une troisième.

Créé en 1999, soutenu par Pierre Bergé, le prix Décembre couronne une œuvre littéraire en langue française publiée dans l'année, quel que soit son domaine, roman, nouvelles, essai...

La sélection
  • Pierre Adrian, "La piste Pasolini" (Editions des Equateurs)
  • Christine Angot, "Un amour impossible" (Flammarion)
  • Jean-Michel Delacomptée, "Adieu Montaigne" (Fayard)
  • Michaël Ferrier, "Mémoires d'Outre-mer" (Gallimard)
  • Stéphanie Hochet, "Un nom anglais" (Rivages)
  • Jérôme Leroy, "Jugan" (La Table ronde)
  • Simon Liberati, "Eva" (Stock)
  • Laure Murat, "Flaubert à La Motte-Picquet" (Flammarion)
  • William Marx, "La haine de la littérature" (Minuit)
  • Judith Perrignon, "Victor Hugo vient de mourir" (L'Iconoclaste)
  • Patrick Roegiers, "L'autre Simenon" (Grasset)
  • Sébastien Rutés et Juan Hernandez Luna, "Monarques" (Albin Michel)
  • Monica Sabolo, "Crans-Montana" (JC Lattès)
  • Gilles Sebhan, "Retour à Duvert" (Le Dilettante)
Le jury du prix Décembre 2015 se compose de Josyane Savigneau (présidente), Laure Adler, Pierre Bergé, Michel Crépu, Charles Dantzig, Cécile Guilbert, Patricia Martin, Eric Neuhoff, Dominique Noguez, Amélie Nothomb, Philippe Sollers et Arnaud Viviant.

La prochaine sélection sera dévoilée le mardi 20 octobre.

Pour les sélections des prix Goncourt et Goncourt des lycéens, c'est ici.
Pour celles du Renaudot ici, du Médicis ici, du Wepler ici.




La première sélection du prix Médicis 2015







La voilà, la liste des quinze romans français dont un tiers écrits par des femmes et des treize étrangers sélectionnés par le jury du prix Médicis 2015, qui sera remis le 5 novembre.
Quatre Gallimard dans la sélection française, deux Seuil, deux Grasset.
A noter que plusieurs auteurs apparaissent dans plusieurs listes. Boualem Sansal et Delphine de Vigan sont présents sur celles du Goncourt (lire ici), du Goncourt des lycéens, du Renaudot (lire ici) et du Médicis. Hédi Kaddour apparaît au Goncourt, au Goncourt des lycéens et au Médicis. Quatre mousquetaires font le doublé Renaudot Médicis, Christophe Boltanski, Charles Dantzig, Aram Kebadjian et Fabrice Guénier. A noter encore la présence de Sophie Divry, sélectionnée par le Wepler (lire ici).
Mais tous les jurys n'ont pas encore révélé leurs sélections. On attend encore le prix Décembre, le Femina et l'Académie française qui s'annonce la dernière mais tirera la première, le jeudi 29 octobre.

La sélection du prix Médicis

Romans français

  • Nathalie Azoulai, "Titus n'aimait pas Bérénice" (P.O.L.)
  • Christophe Boltanski, "La cache" (Stock)
  • Charles Dantzig, "Histoire de l'amour et de la haine" (Grasset, lire ici et ici)
  • Alain Defossé, "Effraction" (Fayard)
  • Olivier Demangel, "111" (éditions de la Fanfare)
  • Maryline Desbiolles, "Le beau temps" (Seuil)
  • Sophie Divry, "Quand le diable sortit de la salle de bain" (Noir sur blanc)
  • Fabrice Guénier, "Ann" (Gallimard)
  • Hédi Kaddour, "Les prépondérants" (Gallimard)
  • Aram Kebadjian, "Les désœuvrés" (Seuil)
  • Laure Limongi, "Anomalie des zones profondes du cerveau" (Grasset)
  • Fabrice Loi, "Pirates" (Gallimard)
  • Antoine Mouton, "Le metteur en scène polonais" (Bourgois)
  • Boualem Sansal, "2084"  (Gallimard)
  • Delphine de Vigan, "D'après une histoire vraie" (JC Lattès)

Romans étrangers

  • Oya Baydar, "Et ne reste que des cendres" (Phébus)
  • Javier Cercas, "L'imposteur" (Actes Sud)
  • Jane Gardam, "Le maître des apparences" (JC Lattès)
  • Hakan Günday, "Encore" (Galaade)
  • Deepti Kapoor, "Un mauvais garçon" (Seuil)
  • Alessandro Mari, "Les folles espérances" (Albin Michel)
  • Eirikur Orn Norddahl, "Illska" (Métailié)
  • Anna North, "Vie et mort de Sophie Stark" (Autrement)
  • Joyce Carol Oates, "Carthage" (Philippe Rey)
  • Nathaniel Rich, "Paris sur l'avenir" (Editions du Sous-sol)
  • Robert Seethaler, "Une vie entière" (Sabine Wespieser)
  • Jon Kalman Stefansson, "D'ailleurs, les poissons n'ont pas de pieds" (Gallimard)
  • Agatha Tuszynska, "La Fiancée de Bruno Schulz" (Grasset)


Rendez-vous le 7 octobre pour la deuxième liste des romans français et étrangers et... celle des essais.



jeudi 10 septembre 2015

Les maux d'enfant de Sorj Chalandon, éreinté par un père dangereusement fou

Journaliste depuis 2009 au "Canard enchaîné" - qui fête ses cent ans ce 10 septembre 2015 -  après trente-quatre années passées au quotidien "Libération", Sorj Chalandon publie son septième roman, "Profession du père" (Grasset, 318 pages). Magnifique, prenant et bouleversant, sur une enfance, celle d'Emile, un gamin tenu dans l'ombre d'un père fou, mythomane et violent. De sa belle langue sobre, il dresse un portrait d'adulte masculin sans concession, dans la France des années 1960, manipulateur atroce qui terrorise épouse et fils, un furieux dont ses proches ont peur de réveiller les colères. Des crises épouvantables qu'un rien, ou même rien, suscitent à répétition.

Comme pour ses ouvrages précédents (lire ici, ici et ici), Sorj Chalandon a puisé dans sa vie, dans son enfance et sa jeunesse ici, l'idée de ce nouveau titre. La mythomanie d'un père y est admirablement condensée dans le titre. Mais il en a fait un roman, dans lequel le lecteur peut se glisser, découvrir, trembler mais aussi sourire parfois. Espérer peut-être.

Ce roman sur son père, Sorj Chalandon tournait autour de puis longtemps. Depuis son premier livre en réalité. Il s'en explique dans un texte écrit pour son éditeur.
"J'ai voulu écrire ce roman en 2004. Et puis j'ai renoncé. À la folie de mon père, j'ai préféré la terreur de son fils. Raconter "Le Petit Bonzi", ma jeunesse lyonnaise. Mais l'ombre de ce père étouffait secrètement chaque mot.

J'ai voulu écrire ce roman en 2005. Et puis j'ai renoncé. Mais j'ai donné au Bosco le visage d'un père que je n'avais pas. Et aussi une douceur, une beauté, une grandeur, lui offrant "Une promesse" qu'il ne tiendrait jamais.

J'ai voulu écrire ce roman en 2006. Et puis j'ai renoncé. Mais ce père rôdait dans "Mon traître". C'est son âge que j'ai légué à Tyrone, frère d'Irlande, et aussi son regard. Dans "Retour à Killybegs", j'ai offert au soldat républicain mon enfance battue, sans que mon père le soupçonne.
J'ai voulu écrire ce roman en 2008. Et puis j'ai renoncé. Mais j'ai partagé un hâbleur, fort en gueule, fier à bras, qui raconte ses exploits de guerre alors qu'il a longé les murs comme tant d'ombres. J'ai encombré Beuzaboc des mensonges de mon père. Mais "La Légende de nos pères" est passée dans sa vie sans qu'il comprenne.

J'ai voulu écrire ce roman en 2011. Et puis j'ai renoncé. J'ai fait le choix d'aller à Beyrouth en guerre, pour monter "Antigone" sur la ligne de front. Mais une fois encore, dans la violence des uns pour les autres, dans le cauchemar et la barbarie, j'avais emmené mon père.

Il a été interné d'office le 18 décembre 2013. Il a fermé les yeux et il n'a plus parlé. Au dernier jour, pour qu'il meure sans entrave, on lui a ôté ses sangles de lit. "Voulez-vous lui dire au revoir?", m'a demandé le docteur. J'ai refusé. Nos adieux étaient faits.

Un jour de printemps, j'étais assis dans la salle de cérémonie d'un crématorium. Et là, dans le silence gêné, ce désert sans famille, j'ai su que l'heure était arrivée. Après la douleur de l'enfant lyonnais, la trahison d'Irlande, les mensonges de mon père et mes blessures d'homme, j'ai voulu en finir avec sa folie.

Mais pour tourner la page, il m'a fallu l'écrire.

J'ai commencé ce roman devant son cercueil, le mardi 25 mars 2014 à 14h30."

Aujourd'hui, Sorj Chalandon l'a écrit, ce roman, et nous propose un texte bouleversant une nouvelle fois. Tant de violence, à la fois physique et psychique, tant de cruauté, tant de satisfaction à faire du mal. André Choulans, le père, était-il conscient de ses actes, de ses délires? Denise, la mère, en a été le témoin pétrifié, la victime, rabrouée sans cesse, bousculée, frappée, niée. Le fils a tout pris dans la figure. Il fallait l'élever à la dure, l'Emile, en faire le complice des divagations paternelles. Un père qui aurait été successivement chanteur, footballeur, professeur de judo, parachutiste, espion, pasteur pentecôtiste et conseiller personnel du général de Gaulle. Qui avait un ami américain, un héros évidemment, que personne n'a jamais vu mais auxquels ses proches croyaient dur comme fer. On rirait de ces élucubrations si le sauvage n'était aussi destructeur, si l'homme n'était autant activement de droite, prêt à défendre l'OAS, et s'il n'avait embarqué manu militari son fils dans ses funestes projets.

Sorj Chalandon montre magnifiquement l'existence pitoyable d'Emile Choulans, douze ans, qui, sans guère de repères dans l'existence, accepte la loi du père. La subit. Sait aussi les risques qu'il y a à tenter de lui échapper. Qui résiste à sa manière en trouvant refuge dans le dessin - on le surnomme Picasso - et en reproduisant lui-même le comportement paternel honni sur un camarade de classe. Jusqu'à ce qu'il prenne ses distances quand il sera écarté d'eux par ses parents.

Le romancier a choisi d'entamer et de terminer son texte par l'incinération du père au crématorium. Au cœur de cette boucle, la vie d'Emile, par tranches et épisodes, à la maison et à l'école, fils unique éreinté par la mythomanie de son géniteur. Le jeune ado a morflé. Devenu adulte, il a fait face à sa manière et a tenté de comprendre, son père bien entendu mais aussi sa mère. "Profession du père" est un roman dur qui n'épargne pas son lecteur, rend compte sans juger, partage des vies et s'achève sur une phrase sublime.

Douze questions à Sorj Chalandon

Sorj Chalandon. (c) JF Paga.
Quel a été l'élément déclencheur de ce roman qui met des mots sur vos maux d'enfant?
La mort de mon père, interné en hôpital psychiatrique, le 21 mars 2014. C'est devant son cercueil, promis à la crémation, que j'ai su que le temps était venu.
Ce livre, venu de votre vie, "couvait" depuis longtemps, mais c'est un roman, une autre histoire que la vôtre évidemment?
Ce livre couvait depuis l'enfance. Si mon père était parti en 2005, je pense qu'il aurait été le premier de mes romans. Et peut-être le seul. Une alchimie complexe entre ce livre et "Le Petit Bonzi". Je sais que sans la mort de mon père, il n'aurait pas vu le jour. Je ne voulais pas qu'il le lise. Et il ne le lira pas. Non que je craignais sa réaction, mais pour lui éviter cela. Mon deuil avait été fait de son vivant et je n'avais plus rien à attendre, ni explication, ni regrets.
Le titre était là depuis toujours, non?
Depuis toujours, oui. Depuis l'école primaire, lorsque je ne savais pas quoi répondre à la question "Profession du père" et que celui-ci me disait: tu n'as qu'à écrire agent secret. Mon seul doute, pour le titre, tenait à la ponctuation. Point d'exclamation ou rien. Le silence l'a emporté.
Est-il une façon de clôturer un dossier douloureux comme vos livres précédents ou votre enfance était-elle déjà "réglée"?
Je ne clos rien. Je tourne une page après l'avoir écrite et puis lue. Je vis avec mon traître irlandais en moi, avec la guerre en moi, avec mon père en moi. Ce livre n'a rien réglé. Ce n'était pas son but. Je voulais partager un effroi, qui hésite entre la tragédie et la comédie, entre le lugubre et le drôle. La folie peut avoir des ressorts comiques.
Ce qui est fou, c'est qu'Emile n'a pas d'autres repères que son père fou, affabulateur et violent, et sa mère effacée. Comment s'en sort-il alors? Parce qu'il est un Picasso?
Emile vit dans une secte avec sa mère, dont le père est un gourou. Pas de voisin, d'ami, de proche. Une cellule close dans une maison cadenassée. Son père est à la fois le repère, l'exemple et la vérité. Comment un enfant peut-il douter de son père? Ce n'est pas de ses mensonges qu'il se protège en dessinant, mais de ses coups. Dessiner, c'est déjà espérer ce que sera demain.
Son asthme n'est pas que physique.
Même si j'ai de l'asthme, ces crises sont une allégorie mélangeant le bégaiement de Bonzi et l'air manquant d'Emile. Les mots ne sortent plus, l'air ne rentre pas. L'enfant est enfermé.
Quand est apparu le personnage de Luca Biglioni et la manière dont Emile va se comporter avec lui?
Dans ma vie, tout simplement. Comme Emile, j'avais décidé de partager mon secret avec un camarade de classe. Mais si le père ment à l'enfant, l'enfant ne ment pas à son ami. Il l'agrège à sa vie pour l'affronter à deux.
C'est le roman de la violence quotidienne, banale, invisible, physique et psychologique. Le livre a-t-il été dur à écrire? Comment vous sentez-vous, aujourd'hui, qu'il est là?
Dur à écrire, oui. Et je reste pas doué pour le bonheur.
"Prêt à vivre", écrivez-vous à propos d'Emile. La résilience est donc possible après une telle enfance?
Elle l'est. Mais les cicatrices sont visibles. En fait, ce livre est une cicatrice. Mais qui parle plus du père que de l'enfant. J'ai voulu faire le portrait d'un homme fou, pas d'un enfant malheureux. Des enfants maltraités, il y en a plein les romans. Je ne tenais pas à ajouter Emile à la longue cohorte. En revanche, des pères comme le sien – brutal, certes – mais aussi metteur en scène, transformiste, conteur délirant, scénariste de sa propre vie sont des personnages rares. Et tant mieux. Vivre, c'est aussi accepter cet enfance-là.
C'est aussi un livre sur l'histoire de la France, l'Algérie française,  le général de Gaulle, etc., que la Belgique connaît moins. Ont-ils été dans l'arrière-plan de votre vie?
L'histoire de France traverse la vie d'Emile, mais la Belgique n'est pas étrangère à De Gaulle ou à la guerre d'Algérie. C'est une voisine trop attentive pour avoir oublié le général et la décolonisation. Ce qui est important, ce n'est pas De Gaulle mais qu'un père fasse un matin croire à son fils qu'une organisation secrète lui ordonnait de le tuer.
Ce père, l'avez-vous aimé?
Je l'ai craint.
Quel père êtes-vous?
Un père normal. Qui protège le sommeil de ses enfants.



mardi 8 septembre 2015

Premières sélections pour le prix Renaudot


On l'aurait oublié, on serait vite rappelé à l'ordre! La saison des prix littéraires a bel et bien commencé et les annonces de sélections vont se succéder à bon rythme au cours des prochaines semaines. Jusqu'aux finales de la fin octobre et surtout du début du mois de novembre. Le 3 en ce qui concerne le prix Renaudot, chez Drouant, dans une salle voisine de celle qui accueille les jurés du prix Goncourt; le prix Renaudot qui vient de communiquer ses premières sélections ce mardi soir, dix-huit romans et huit essais.

Panier plein pour Grasset, absent actuellement de la liste Goncourt, avec trois romans. Pareil pour le Seuil, Gallimard et Stock en ayant deux chacun. Et la présence de trois romancières dans les dix-huit livres retenus, dont Delphine de Vigan, également en lice pour le Goncourt - tout comme Boualem Sansal et Simon Liberati.

Romans
  • Yves Bichet, "L'Eté contraire" (Mercure de France)
  • Laurent Binet, "La septième fonction du langage" (Grasset)
  • Christophe Boltanski, "La Cache" (Stock)
  • Charles Dantzig, "Histoire de l'amour et de la haine" (Grasset)
  • Agnès Desarthe, "Ce cœur changeant" ( L'Olivier)
  • Delphine De Vigan, "D'après une histoire vraie" (JC Lattès)
  • Fabrice Guénier, "Ann" ( Gallimard)
  • Eric Holder, "La Saison des bijoux" (Seuil)
  • Philippe Jaenada, "La petite femelle" (Julliard)
  • Aram Kebabdjian, "Les Désœuvrés" (Seuil)
  • Arnaud Leguern, "Adieu aux espadrilles" (Le Rocher)
  • Jérôme Leroy, "Jugan" (La Table ronde)
  • Simon Liberati, "Eva" (Stock)
  • Cherif Madjalani, "Villa des femmes" (Seuil)
  • Frank Maubert, "Les Uns contre les autres" (Fayard)
  • Patrick Roegiers, "L'autre Simenon" (Grasset)
  • Boualem Sansal, "2084" (Gallimard)
  • Alice Zeniter, "Juste avant l'oubli" (Flammarion)

Essais
  • Pierre Adrian, "La Piste Pasolini" (Les Equateurs)
  • Patrick Besnier, "Henry de Régnier" (Fayard)
  • Serge Bramly, "La Transparence et le reflet" (JC Lattès)
  • Sony Labou Tansi, "Encre, sueur, salive et sang" (Seuil)
  • Frédéric Pajak, "Manifeste incertain 4" (Noir sur blanc)
  • Judith Perrignon, "Victor Hugo est mort" (L'Iconoclaste)
  • Jean-Michel Ribes, "1001 morceaux" (L'Iconoclaste)
  • Gilles Sebhan, "Retour à Duvert" (Le Dilettante)

Les deux prochaines sélections auront lieu les 6 et 27 octobre.

Le jury du Renaudot, présidé cette année par Jean-Noël Pancrazi, se compose de Patrick Besson, Dominique Bona, Frédéric Beigbeder, Georges-Olivier Châteaureynaud, Jérôme Garcin, Louis Gardel, Franz-Olivier Giesbert, Christian Giudicelli et Jean-Marie Gustave Le Clézio.









lundi 7 septembre 2015

Les douze livres sélectionnés par le prix Wepler


Souvent un peu à côté des lignes des autres prix, épris de liberté et d'inventivité,  le prix Wepler-Fondation la Poste 2015 vient de révéler les douze titres retenus pour sa 18e édition.

Rappelons qu'il a été créé en 1998 par la librairie des Abbesses (Paris 18e), émanation de la librairie indépendante. Il est né de deux constats: le sentiment d'étouffer dans le jeu parfois trop prévisible des rentrées littéraires et l'existence de grands auteurs parfois méconnus, peu lus du public.

Le Prix est doté de 10.000 euros,  une somme de 3.000 euros allant à la mention spéciale accordée à un livre se distinguant par son caractère inclassable.

Il a pour partenaires la Fondation La Poste, mécène français, et la brasserie Wepler, reine de la Place Clichy. Organisé par Marie-Rose Guarniéri, à la tête de la librairie des Abbesses, autour d'un jury tournant composé de professionnels et de lecteurs, il réaffirme "son indépendance, son engagement et son exigence visionnaire qui explore sans limite aucune les territoires de la création romanesque". Il entend remettre la littérature au centre du débat en primant des écrivains qui mettent à l'épreuve la forme romanesque et défrichent la langue: des écrivains qui sortent du marketing.

Le prix Wepler-Fondation La Poste 2015 vient d'annoncer sa première sélection de douze titres dont un tiers écrits par des femmes: deux livres publiés chez P.O.L., un Gallimard, un L'arbalète et un Verticales, un Mercure de France, six chez de petits éditeurs dont les deux nés de l'ancien Attila et un Robert Laffont.

Les voici, par ordre alphabétique d'auteur
  • "Archives du vent", de Pierre Cendors (Le Tripode)
  • "Comme Ulysse", de Lise Charles (P.O.L.)
  • "Une forêt d'arbres creux", d'Antoine Choplin (La Fosse aux ours)
  • "Quand le diable sortit de la salle de bain", de Sophie Divry (Noir sur blanc)
  • "Le présent infini s'arrête", de Mary Dorsan (P.O.L.)
  • "Mémoires d'outre-mer", de Michaël Ferrier (Gallimard)
  • "La sœur", de Pascal Herlem (L'arbalète/Gallimard)
  • "Animarex", de Jean-François Kervéan (Robert Laffont)
  • "L'oragé",de Douna Loup (Mercure de France)
  • "Entre les deux il n'y a rien", de Mathieu Riboulet (Verdier)
  • "Achab (séquelles)", de Pierre Senges (Verticales)
  • "Farigoule B astard", de Benoît Vincent (Le Nouvel Attila).

Le lauréat sera proclamé le lundi 9 novembre et le prix sera décerné, comme d'habitude, à la brasserie parisienne Le Wepler.

Les lauréats précédents, constituant une fort intéressante bibliothèque

  • 2014 Jean-Hubert Gailliot, "Le soleil" (L'Olivier); mention spéciale à Sophie Divry,  "La condition pavillonnaire" (Noir sur Blanc/Notabilia)
  • 2013 Marcel Cohen, "Sur la scène intérieure, Faits" (Gallimard); mention spéciale à Philippe Ramhy, "Béton armé" (La Table Ronde)
  • 2012 Leslie Kaplan, "Millefeuille" (P.O.L); mention spéciale à Jakuta Alikavazovic, "La blonde et le bunker" (L'Olivier)
  • 2011 Eric Laurrent, "Les Découvertes" (Minuit); mention spéciale à François Dominique, "Solène" (Verdier)
  • 2010 Linda Lê, "Cronos" (Christian Bourgois); mention spéciale à Jacques Abeille, "Les jardins statuaires" (Attila)
  • 2009 Lyonel Trouillot, "Yanvalou pour Charlie" (Actes Sud); mention spéciale à Hélène Frappat, (Par effraction" (Allia)
  • 2008 Emanuelle Pagano, "Les mains gamines" (P.O.L); mention spéciale à Céline Minard, "Bastard Battle" (Léo Scheer)
  • 2007 Olivia Rosenthal, "On n'est pas là pour disparaître" (Verticales); mention spéciale à Louise Desbrusses, "Couronnes, boucliers, armures" (P.O.L)
  • 2006 Pavel Hak, "Trans" (Seuil); mention spéciale à Héléna Marienské, "Rhésus" (P.O.L)
  • 2005 Richard Morgiève, "Vertig" (Denoël); mention spéciale à Zahia Rahmani, "Musulman "Roman"" (Sabine Wespieser)
  • 2004 François Bon, "Daewoo" (Fayard); mention spéciale à Jean-Louis Magnan, "Anti-Liban" (Verticales)
  • 2003 Éric Chevillard, "Le vaillant petit tailleur" (Minuit); mention spéciale à Alain Satgé, "Tu n'écriras point" (Seuil)
  • 2002 Marcel Moreau, "Corpus scripti" (Denoël); mention spéciale à Thierry Beinstingel, "Composants" (Fayard)
  • 2001 Yves Pagès, "Le théoriste" (Verticales); mention spéciale à Brigitte Giraud, "À présent" (Stock)
  • 2000 Laurent Mauvignier, "Apprendre à finir" (Minuit); mention spéciale à Richard Morgiève, "Ma vie folle" (Pauvert)
  • 1999 Antoine Volodine, "Des anges mineurs" (Seuil); mention spéciale à Vincent de Swarte, "Requiem pour un sauvage" (Pauvert)
  • 1998 Florence Delaporte, "Je n'ai pas de château" (Gallimard)



vendredi 4 septembre 2015

Isabelle Monnin révèle des photos de famille

Prenez une romancière et un chanteur, confrontez le travail de fiction de la première à l'imagination du second, attendez à peine... Vous aurez un ouvrage peu commun, le splendide "Les gens dans l'enveloppe", superbe roman et passionnante enquête d'Isabelle Monnin que complètent douze chouettes chansons écrites par Alex Beaupain, inspirées bien entendu des textes, et interprétées en partie par les personnes rencontrées lors de l'enquête (JC Lattès, 384 pages et 1 CD)!

Isabelle Monnin. (c) Claire Garate.
Le sujet du livre se dévoile dès le titre. Ce sont "les gens dans l'enveloppe". Pourquoi "dans l'enveloppe"? Isabelle Monnin s'en explique en quatrième de couverture: "En juin 2012, j'achète à un brocanteur sur internet un lot de 250 photographies d'une famille dont je ne sais rien. Les photos m'arrivent dans une grosse enveloppe blanche quelques jours plus tard. Dans l'enveloppe, il y a des gens, à la banalité familière, bouleversante. Je décide de les inventer puis de partir à leur recherche. Un soir, je montre l'enveloppe à Alex. Il dit: "On pourrait aussi en faire des chansons, ce serait bien.""

Lors de son passage à Bruxelles, la romancière me précise:
"J'ai acheté un lot de photos il y a trois ans. Cette famille me rappelait le décor de mon enfance. D'abord un lot de 60 polaroids. Puis le vendeur m'a proposé un lot de 200 autres photos papier de la même famille. J'étais attirée. Il n'y a pas de hasard. Mais je n'ai pas acheté les photos pour en faire un livre. Je trouvais juste dingue de les avoir. Elles étaient un petit trésor que je cachais dans mon tiroir. Un jour, à peu près un an après mon achat, s’est levée l'idée d’en faire un livre. Elle était limpide, évidente, claire. Je me suis dit que c'était donc une très bonne idée!"
"Les gens dans l'enveloppe" est une œuvre littéraire aussi originale que réussie, réunissant sous la même couverture un roman, une enquête et des chansons. Sans oublier l'album photo! Allons-y dans l'ordre de la lecture.

Le roman est entièrement composé à partir des photographies de l'enveloppe. Isabelle Monnin imagine une jeune fille, à qui elle donne le prénom de Laurence, ses parents, sa grand-mère, d'autres membres de la famille. Les photos inspirent l'ancienne journaliste qui y retrouve son décor d'enfance personnel. Son empathie donne naturellement vie à ces portraits de papier, son aisance de romancière leur imagine mille épisodes, jusqu'en Argentine. Cela et son attention à la langue rendent la lecture extrêmement réjouissante.
"C'est mon quatrième roman, mais je creuse toujours mon même sillon, la trace de la vie des gens - pour moi, toutes les vies sont intéressantes. J'ai voulu trouver la vérité de leur histoire par une fiction et par une enquête. Mon roman est aussi de la sociologie. Les photos racontent une histoire: l'absence de mère, une grande tristesse, le petit nombre d'enfants, le fait que les photos aient été abandonnées... Tout cela permet de raconter une histoire. Un autre écrivain les aurait-il vues qu'il en raconterait sans doute une autre. Alex Beaupain est intervenu lors de mon enquête, j'avais fini la fiction."
Bien sûr, en lisant le roman, on se pose plein de questions sur les personnages, sur les "gens dans l'enveloppe". Quels destins la romancière leur donne-t-elle! Sans savoir alors qu'on y trouvera  réponse dans la seconde partie du livre, une enquête de près de deux ans. Car Isabelle Monnin a retrouvé dans la vraie vie les héros qu'elle avait créés sur le papier. Et il est formidable de suivre toutes les phases de son enquête dûment datée - il n'y a que deux ans qu'elle a quitté le journalisme - avec lesquelles résonnent plusieurs éléments de sa vie personnelle.
"Pour moi, le plus vertigineux de ce livre est d'avoir rencontré mes personnages. Ensuite, qu'en partant à la recherche d'inconnus, j'en vienne à parler de moi. L'écueil du livre aurait été de ne pas retrouver les "gens dans l'enveloppe". Mais je n'avais pas de crainte qu'ils ne me parlent pas. Finalement, ce livre est plus l’histoire d'une rencontre qu'une enquête."
Un livre qui se lit avec de plus en plus d'avidité au fur et à mesure qu'on avance dans les chapitres. Le déroulé de l'enquête montre tant de coïncidences entre la fiction et la réalité! La découverte de l'emplacement du village, pas loin du berceau familial de l'auteure. La chance que la maison des photos anciennes soit à vendre. La rencontre de nombreuses personnes qui se souviennent du passé et, bien entendu, celle avec les "gens" eux-mêmes! C'est passionnant de bout en bout. Mais il faut être douée pour avoir perçu tout ce que ces photos disaient silencieusement. Et ouverte aux autres pour que leurs voix réelles sonnent ainsi. La découverte des "gens dans l'enveloppe" et de leurs existences en phases d'approche successives est un vrai bonheur.
"Les premiers lecteurs du livre ont été les "gens dans l'enveloppe" eux-mêmes avant même mon éditrice. Ils n'ont rien enlevé au texte, juste précisé certaines choses ou changé quelques détails. Aujourd'hui, nous sommes toujours en contact. Et la maison est toujours à vendre."
La lecture des "Gens dans l'enveloppe" terminée, on se dit que la focale sur le personnage principal s'est déplacée entre la partie fiction et la partie enquête et qu'il ressort des pages une grande impression de solitude, que les "gens" ont apprivoisée, chacun à leur manière. Voilà un livre qui réjouit par son inventivité, son empathie et son goût pour les mots. Avec ce quatrième roman, Isabelle Monnin creuse aussi son sillon de romancière qui compte.

De son côté, Alex Beaupain a aussi rencontré les "gens dans l'enveloppe". Il leur a demandé leurs chansons préférées. En a écrit dix pour eux. Il en interprète certaines, a appelé ses potes Camélia Jordana,  Clotilde Hesme ou Françoise Fabian pour d'autres. Il a même invité les "gens dans l'enveloppe" à interpréter des chansons ou à lire des textes. Tout cela est extrêmement réussi et plaisant.

A noter que tous les textes des chansons sont repris dans le livre et qu'on peut lire le début de ce bijou qu'est "Les gens dans l'enveloppe" ici.

jeudi 3 septembre 2015

Première sélection pour le prix Goncourt 2015

Les jurés Goncourt 2015. (c) Micheline Pelletier.

L'Académie Goncourt vient de rendre publique sa première sélection de quinze romans en lice pour le prix qui sera remis le 3 novembre 2015.

A noter que deux nouvelles sélections seront communiquées les 6 et 27 octobre, restreignant ces choix, ajoutant éventuellement un titre oublié.

A noter aussi que cette liste de quinze romans moins celui de Mathias Enard, déjà lauréat du prix, soit quatorze est celle sur laquelle travailleront les jeunes du Prix Goncourt des lycéens.

La première sélection présente trois livres Gallimard, trois Stock dont un du printemps, deux P.O.L., deux Flammarion, un Seuil, un Actes Sud, un Albin Michel, un Lattès et un Plon. Soit sept titres pour les maisons du groupe Madrigall (rachat de Flammarion par Gallimard), un éditeur primé l'an dernier et deux qui n'ont jamais eu la distinction française suprême. Mais aucun Grasset!
On dénombre quatre femmes parmi les auteurs sélectionnés. Quatre femmes de trop? Sachant que le Goncourt 2014 est allé à Lydie Salvayre pour "Pas pleurer"(Seuil)...
On y retrouve aussi deux auteurs candidats malheureux au prix du roman Fnac décerné le 1er septembre à Laurent Binet pour "La septième fonction du langage" (Grasset).

Voici les quinze élus.

  • Christine Angot, "Un amour impossible", Flammarion
  • Isabelle Autissier, "Soudain, seuls", Stock (lire ici)
  • Nathalie Azoulai, "Titus n'aimait pas Bérénice", P.O.L.
  • Olivier Bleys, "Discours d'un arbre sur la fragilité des hommes", Albin Michel
  • Mathias Enard, "Boussole", Actes Sud
  • Nicolas Fargues, "Au pays du p'tit", P.O.L.
  • Jean Hatzfeld, "Un papa de sang", Gallimard
  • Hédi Kaddour, "Les Prépondérants", Gallimard
  • Simon Liberati, "Eva", Stock
  • Alain Mabanckou, "Petit piment", Seuil
  • Tobie Nathan, "Ce pays qui te ressemble", Stock
  • Thomas B. Reverdy, "Il était une ville", Flammarion
  • Boualem Sansal, "2084", Gallimard
  • Denis Tillinac, "Retiens ma nuit", Plon
  • Delphine de Vigan, "D'après une histoire vraie", JC Lattès

Je rappelle que le jury réunit Bernard Pivot, président, Paule Constant, Pierre Assouline, Régis Debray, Françoise Chandernagor, Didier Decoin, secrétaire, Edmonde Charles-Roux, Philippe Claudel, Patrick Rambaud et Tahar Ben Jelloun.