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dimanche 27 décembre 2015

Quand 10/18 se met en habits de fêtes


Un cadeau de dernière minute? Pourquoi pas un livre de poche mais en version "collector"?
10/18 a revêtu quatre de ses titres, et pas des moindres, d'habits de fête, dont une nouvelle agréable couverture illustrée, à rabats de surcroît.


Un demi-siècle plus tard


Les choses
Georges Perec
10/18, 170 pages

"Une histoire des années 60", selon la définition que Georges Perec donne lui-même de son livre. Se rappelle-t-on que "Les Choses" parut en 1965 chez Julliard, à l'initiative de Maurice Nadeau, et reçut la même année le prix Renaudot? Un demi-siècle plus tard, il est passionnant de (re)lire ce roman, celui de Perec qui eut le plus grand succès. Un livre culte qui met en scène Sylvie et Jérôme, jeunes psychosociologues de la classe moyenne qui cultivent une idée matérialiste du bonheur au risque d'être happés par le vertige des choses... Oui, il y a cinquante ans.

Les premières lignes
"L'œil, d'abord, glisserait sur la moquette grise d'un long corridor, haut et étroit. Les murs seraient des placards de bois clair, dont les ferrures de cuivre luiraient. Trois gravures, représentant l'une Thunderbird, vainqueur à Epsom, l'autre un navire à aubes, le Ville-de-Montereau, la troisième une locomotive de Stephenson, mèneraient à une tenture de cuir, retenue par de gros anneaux de bois noire veiné, et qu'un simple geste suffirait à faire glisser. La moquette, alors, laisserait place à un parquet presque jaune, que trois tapis aux couleurs éteintes recouvriraient partiellement."



Le Cercle littéraire des amateurs
d'épluchures de patates
Mary Ann Shaffer et Annie Barrows
traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Aline Azoulay
10/18, 412 pages

Sorti au printemps 2009 en français chez Nil éditions (et en 2014 chez 10/18), le livre aussi délicieux que poignant eut un destin aussi incroyable que sa genèse: un formidable succès tant public (vingt mille exemplaires de la traduction française avaient trouvé preneur en quinze jours de mise en vente) que critique couronna ce roman épistolaire situé durant la Seconde Guerre mondiale. Malgré son titre. En effet, titrer un roman "Le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates", il faut l'oser! Et encore, la traduction française n'est qu'un raccourci de la version originale, "The Guernsey Literary and Potato Peel Pie Society" (Le cercle des amateurs de littérature et de tourte aux épluchures de patates de Guernesey).

Sous l'appellation déconcertante se niche un formidable roman, touchant, surprenant et très addictif, qui mêle littérature, amour et esprit de résistance à l'envahisseur. Sa genèse est déjà un roman en soi. Il est l'œuvre unique de Mary Ann Shaffer, une bibliothécaire et libraire américaine née en 1934. En 1976, elle visite l'île de Guernesey et découvre la vie des habitants sous l'occupation allemande durant la Seconde Guerre mondiale. Vingt-cinq ans plus tard, pressée par son cercle littéraire de se lancer dans l'écriture, elle repense à son excursion anglo-normande – toute sa vie, elle avait rêvé d'"écrire un livre que quelqu'un aimerait assez pour avoir envie de le publier". Elle se lance et opte immédiatement pour la forme épistolaire qu'elle pense plus aisée. Sa première version enchante son entourage et trouve un éditeur. Mais le contrat signé, Mary Ann Shaffer tombe gravement malade. Elle demande alors à sa nièce, Annie Barrows, de poursuivre son travail. Elle décédera en février 2008, peu avant la sortie du livre aux Etats-Unis.

Le roman débute en janvier 1946. Londres se relève péniblement de la guerre. Alors que Juliet Ashton, jeune écrivain, cherche un sujet pour son prochain livre, elle reçoit la lettre d'un jeune fermier de Guernesey, Dawsey Adams, qui possède un livre mentionnant son nom et son adresse. Il lui fait part de son admiration pour l'écrivain Charles Lamb et évoque une affaire de cochon rôti pendant la guerre et la création d'un cercle littéraire local pour échapper aux Allemands. Curieuse, Juliet lui répond, lui pose des questions, s'intéresse à lui, à ses voisins, à leur passé durant la guerre, raconte tout cela à son éditeur, à une amie. Avant de se décider à se rendre sur place, par amitié pour ces amis postaux.

D'autres prennent également la plume: les membres du cercle littéraire, une voisine acariâtre, peu enthousiaste à l'idée que Juliet écrive un roman à partir de ce que les habitants de Guernesey lui racontent. Surtout qu'elle veut y évoquer Elizabeth, personnage finalement central de ce superbe roman. Une jeune originale qui a disparu depuis son arrestation par les Allemands (pour avoir secouru un prisonnier polonais) et a laissé une petite fille née de son amour pour un médecin militaire allemand.

Des séquences du passé se révèlent dans ces échanges épistoliers, d'autres histoires d'amour se construisent au jour le jour. Plein de douceur, de beaux sentiments et de références littéraires, original et percutant, jamais mièvre, cet épatant roman offre une lecture extrêmement réjouissante.

Les premières lignes
"8 janvier 1946
Mr. Sidney Stark, Editeur
Stephens & Stark Ltd.
21 St. James Place
Londres SW1
Angleterre

Cher Sidney
Susan Scott est une perle. Nous avons vendu plus de quarante exemplaires du livre, ce qui est plutôt réjouissant, mais le plus merveilleux, de mon point de vue, a été la partie ravitaillement. Susan nous a déniché des tickets de rationnement pour du sucre glace et de vrais œufs afin de nous confectionner des meringues. Si tousses déjeuners littéraires atteignent ces sommets, je suis partante pour une tournée dans tout le pays. Penses-tu qu'un somptueux bonus l'encouragerait à nous trouver du beurre? Essayons, tu n'auras qu'à déduire la somme de mes droits d'auteur.
A présent, les mauvaises nouvelles. Tu m'as demandé si mon nouveau livre progressait. Non, Sidney, il ne progresse pas."




Un jour
David Nicholls
traduit de l'anglais par Karine Regnier
10/18, 622 pages

Cette excellente comédie romantique et sociale venue de Grande-Bretagne est arrivée en traduction française chez Befond début 2011 (elle sera reprise en 10/18 l'année suivante). Le troisième livre du Britannique David Nicholls, mais le premier à être traduit en français, est l'histoire d'un coup de foudre que ni Emma ni Dexter ne veulent voir. Sous une apparente légèreté, le roman fouille à fond l'humain et la société ! Cette comédie pleine d'humour et de charme raconte le long chemin qui mènera Emma et Dexter l'un vers l'autre tout en pointant, l'air de rien, les grands thèmes de l'actualité britannique des vingt dernières années.

Le roman débute le 15 juillet 1988, à Saint-Swithin. Dexter Mayhew et Emma Morley ont passé ensemble la nuit qui a suivi la remise de leurs diplômes universitaires. La vie s'ouvre devant ces jeunes gens, 23 ans, qui se sont à peine vus durant leurs études. Se seraient-ils trouvés en ce dernier jour? Lui vient d'un milieu bourgeois ; il est sûr de lui, insouciant, frivole. Elle est d'origine modeste, bourrée de complexes et de convictions.

Que vont-ils en faire de cette vie qui les attend? David Nicholls a eu l'excellente idée de raconter leur histoire, non de manière linéaire, mais de 15 juillet en 15 juillet. Un rendez-vous annuel qui photographie les mois écoulés au moyen de procédés graphiques d'écriture variés: narration, dialogues, lettres, flash-back, points de vue d'autres personnages, répétitions volontaires de textes. Une belle trouvaille qui aiguise l'appétit de lecture.

Si Dexter entame son existence adulte par deux ans de vacances, Emma étanche sa passion pour le théâtre. Mais elle peine à trouver du travail et à subvenir à ses besoins. Les petits boulots, comme serveuse dans un restaurant tex-mex, seront pour elle avant de se lancer dans l'enseignement où elle rayonne. Ecrire des livres? Elle y pense plus qu'elle ne le pratique avant que ses choix de vie, faits parfois à reculons, ne lui en donnent l'occasion. Dexter de son côté, deviendra une star de la télé qui découvre les paillettes, avec tout ce que cela suppose: femmes, alcool, drogue… L'ascension, puis la descente…

Les années se succèdent sans que Dexter et Emma se perdent de vue. Ils se voient plus ou moins selon les moments, se chamaillent souvent, pensent en réalité bien plus l'un à l'autre qu'ils ne l'avouent. S'aimeraient-ils?

Comédie romantique, "Un jour" brosse aussi un vif portrait de l'Angleterre récente. "Le livre était une histoire d'amour au départ", me disait à sa sortie David Nicholls. "Mais je voulais aussi décrire l'ambiance de la fin des années 80. Je suis sorti de l'université en 1988, comme Dexter et Emma. Les temps étaient austères, rigoureux. Tout le monde était politisé. Puis, en quatre ou cinq ans, tout cela s'est évanoui. L'époque est devenue frivole. C'était très désorientant."

Bien entendu, le lecteur voit tout de suite le coup de foudre entre Dexter et Emma. Eux pas. David Nicholls s'explique: "J'ai voulu m'inscrire dans la grande tradition des écrits romantiques, où les promis s'aiment mais se querellent sans cesse. Cela a donné de grandes œuvres, dont "Beaucoup de bruit pour rien", de Shakespeare, qui m'émeut plus que "Le Roi Lear". J'aime beaucoup le moment où les querelles s'apaisent et où le couple comprend qu'ils étaient faits l'un pour l'autre. Le challenge d'écriture était d'autant plus intéressant que, dans la vie occidentale moderne, les gens peuvent se mettre ensemble comme ils veulent. Il n'y a plus d'obstacle comme avant: famille, parents, tradition, etc. Comment maintenir alors le suspense? Outre ceux de l'intrigue, j'ai placé des obstacles liés aux étapes par lesquelles passent les héros. Dexter à 23 ans est beaucoup trop frivole et immature pour comprendre qu'Emma est la personne qu'il lui faut. Emma à 25 ans est trop centrée sur ses problèmes pour s'ouvrir et aller vers ce que lui propose Dexter."

Serait-ce à dire q'un jour peut conditionner toute une vie? "Je suis sûr que oui. Il n'y a pas de jour qui n'ait d'influence sur le reste de notre vie. C'est le mot d'ordre du livre. Aucun jour de notre vie n'est ordinaire, banal, ou inutile. Dickens dit que si on enlève un jour, toute la chaîne de notre vie en est modifiée. C'est vrai pour moi. Quand je reviens en arrière sur ma vie, je m'aperçois qu'il y a eu à tel moment, une rencontre, un coup de téléphone, qui aurait pu modifier le cours de ma vie s'il ne s'était pas produit."

Bourré d'humour de tous les types, jusqu'au plus noir, ce roman séduit aussi par la finesse de sa construction, dont on ne s'aperçoit heureusement qu'à la toute fin du livre.

Les premières lignes
"Vendredi 15 juillet 1988
Rankeillor Street, Edimbourg
"Je crois que... ce qui compte, c'est de faire bouger les choses, dit-elle. D'arriver à les changer.
- Comment ça? Changer le monde, tu veux dire?
- Pas le monde tout entier, mais celui qui t'entoure... Si tu pouvais y changer quelque chose, ce serait déjà pas mal, non?"
Le jour allait bientôt se lever. Allongés l'un contre l'autre dans le petit lit, ils marquèrent un silence, puis se mirent à rire d'une voix rauque, cassée par leur longue nuit blanche."



Ainsi résonne l'écho infini des montagnes
Khaled Hosseini
traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Valérie Bourgeois
10/18, 498 pages

Il était vraiment attendu il y a deux ans, le troisième roman de Khaled Hosseini, qui avait déjà réjoui des millions de lecteurs avec "Les cerfs-volants de Kaboul" (2005) et "Mille soleils splendides" (2007), des romans se déroulant entre l'Aghanistan et les Etats-Unis, en parallèle à l'itinéraire de l'auteur. Il est paru chez Belfond en 2013 et a été repris en 10/18 en 2014. Le revoilà sous de nouveaux atours.

Khaled Hosseini est en effet né à Kaboul, en 1965. Cadet de cinq enfants, fils d'un diplomate et d'une professeur de farsi et d'Histoire, il a passé son enfance en Iran, puis à Paris, déménageant au gré des affectations de son père fixées par le ministère des Affaires étrangères. En 1980, alors que l'Afghanistan est occupé par l’armée soviétique, les Hosseini obtiennent le droit d'asile aux Etats-Unis et s’installent à San Jose, en Californie. Après une licence de biologie et des études de médecine, Khaled Hosseini devient interne au Cedars-Sinai Medical Center de Los Angeles en 1996.

En 2001, parallèlement à la pratique de la médecine, il entame l'écriture de son premier roman, "Les cerfs-volants de Kaboul". Le livre sort en 2003 aux Etats-Unis et bénéficie d'un extraordinaire bouche à oreille. Traduit dans plus de 70 pays, vendu à plus de 15 millions d'exemplaires dans le monde, acclamé par la critique, il devient un phénomène international.  Dès sa sortie en 2007, son deuxième roman, "Mille soleils splendides", se classe aussi sur les listes des meilleures ventes aux États-Unis et en Europe.

Marié et père de deux enfants, Khaled Hosseini vit actuellement dans le nord de la Californie. En 2006, il a été nommé ambassadeur par l’UNHCR, l'agence internationale des Nations unies pour les réfugiés. Depuis, l'écrivain s'est investi dans de nombreuses causes humanitaires. A l'occasion d'un voyage en Afghanistan, en 2007, il a créé sa fondation personnelle, afin de venir en aide aux populations réfugiées afghanes. "En tant qu'originaire d'Afghanistan, pays où la population de réfugiés est l'une des plus importantes du monde, la question des réfugiés est une cause dont je me sens proche et qui est chère à mon cœur. Mon rôle est de parler au nom de cette cause et d'être l'avocat public des réfugiés du monde entier."

Après une attente de six ans, la parution du troisième roman de Khaled Hosseini, "Ainsi résonne l'écho infini des montagnes", a été mondialement saluée. Il nous conduit d'un village afghan des années 1950 à la Californie des années 2000, en passant par Kaboul sous les talibans, Paris durant des  seventies et une petite île perdue de l'archipel grec aujourd'hui. Cette fresque historico-familiale nous donne à  connaître les destins de Pari, petite fille de 3 ans vendue par son père veuf trop pauvre, et de son entourage, dont son frère de 10 ans, Abdullah, sous forme d'un roman choral bouleversant.

Après le lien père-fils dans "Les cerfs-volants de Kaboul", le destin des femmes afghanes dans "Mille soleils splendides", Khaled Hosseini prend comme fil rouge de "Ainsi résonne l'écho infini des montagnes" l'amour entre un frère et une sœur.


 Les premières lignes
"Bien. Vous voulez une histoire, je vais vous en raconter une. Mais seulement une. Inutile de m'en réclamer une autre ensuite. Il est tard et un long voyage nous attend demain, Pari et moi. Vous aurez besoin de dormir cette nuit. Oui, toi aussi, Abdullah. Je compte sur toi, mon garçon, pendant que ta sœur et moi nous serons partis. Tout comme ta mère. Bon, une histoire, donc. Ecoutez-moi, tous les deux. Ecoutez-moi bien et ne m'interrompez pas."





1 commentaire:

  1. Bonjour,
    C'est une bonne chose de rhabiller de neuf certains livres, surtout les plus anciens. Ils peuvent paraître d'actualité à ceux qui ne les connaissent pas, ce qui n'est pas mensonge car les grands livres restent toujours d'actualité. De Perec, j'ai bien envie de relire "W ou le souvenir d'enfance".

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