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mardi 27 septembre 2016

La guerre civile en Ukraine russophone, oui, mais avec l'humour distanciant de Cédric Gras

Cédric Gras. (c) Julien Falsimagne.

Les guerres se suivent et s'effacent les unes les autres. Pour le moment, on ne parle, et à raison, que d'Alep. Les guerres se dépassent dans le fil des actualités. S'effacent-elles pour autant? Non, bien sûr. Mais on oublie. Tiens, si je vous dis Ukraine, vous la datez de quand, cette guerre récente? La révolution de Maïdan. 20..? Non, c'est l'hiver à 2014. Hier.

L'écrivain Cédric Gras n'en a rien oublié, lui qui a été en poste là-bas depuis 2004. "J'ai passé dix ans en ex-URSS, dont cinq ans en Russie et quatre ans en Ukraine, à Donetsk, pour l'Alliance française", me dit-il, de passage à Bruxelles. "J'ai fondé plusieurs Alliances françaises, à Vladivostok, puis à Donetsk. Mais en 2014, ce fut la guerre. J'ai dû la fermer et partir; je suis allé alors à Karkov. Une Alliance française, c'est comme une petite PME ukrainienne. J'étais le directeur d'une association ukrainienne, j'étais polyvalent. Entre la culture, littérature, musique, etc., et l’économie, celle du charbon, dans le Donbass (l'Ukraine russophone)." Ce qui lui a offert le titre de son premier roman, le brillant "Anthracite" (Stock, 335 pages). Un road-movie tragi-comique dans ces zones en guerre civile.

Un premier roman mais un cinquième livre. "Avant", précise Cédric Gras, "j'ai publié quatre livres, trois chez Phébus et un chez Stock. Un recueil de nouvelles et trois récits de voyage." - chez Libretto et Folio en format de poche. Ici le jeune écrivain voyageur - il est né en 1982 - entre de plain-pied dans la fiction, sans délaisser ses terres favorites. Il met en scène deux amis d'enfance qui se retrouvent à l'occasion de la guerre civile. Vladlen est le chef d'orchestre de l'opéra de Donetsk et Emile est cadre dans l'industrie charbonnière. "Vladlen, contraction de VLADimir et LENine, était un prénom usuel hier", explique l'écrivain. "Les derniers sont nés dans les années 1970-1980. Le "mien" est donc de la dernière série. Quant à Emile, je lui ai donné ce prénom pour Zola, chantre des bassins miniers." Deux personnages fictifs mais qui réunissent chacun une dizaine de personnages réels.

Au-delà des anecdotes des prénoms, l'ancien violoniste réussit à nous captiver avec son histoire ancrée dans l'Histoire. "Lors de la guerre d’Ukraine", se souvient-il, "je me suis retrouvé dans la situation de vouloir comprendre les uns et les autres. D'où les deux personnages qui représentent chacun une des deux parties en présence."

On suit avec intérêt Vladlen, Emile, et les femmes qui sont dans leur ombre. Essénia, la violoniste de l'orchestre, personnalité libre s'il en est, Zlata dont l'existence a fait un détour par le Portugal. L'occasion de mieux saisir ce qu'est le quotidien d'une guerre civile et de ses prémices, combien elle intervient sur les êtres, les couples, les familles. Rien d'ennuyeux toutefois car Cédric Gras pratique une forme d'humour qui tient l'horreur à distance tout en l'invitant dans le récit. Il y a la fuite éperdue des deux personnages principaux à bord de leur vieille Lada, poursuivis par des séparatistes peu engageants. Mais très engagés. La traversée de leur Donbass natal en guerre, les rencontres qu'ils y font. L'avenir à redéployer.

"Dans ce roman", sourit l'auteur, "je n’ai rien inventé. La situation était assez ubuesque pour qu'on s’arrête là. Il y a eu les faits. J'ai pris des notes, eu quelques conversations. J'ai fait ma petite cuisine à partir de ces éléments." En commençant l'écriture par le milieu, par la scène du check-point, le "blok-post" comme on dit là. "Les check-points, c'est comme ça que commence une guerre civile, partout dans le monde", remarque-t-il au passage.

Cédric Gras.
"Le road-movie demande des anti-héros", conclut l'auteur de ce roman aussi passionnant qu'original qu'est "Anthracite". "Je voulais dénoncer par l'humour l'absurdité de cette guerre. Je me suis beaucoup amusé à l’écrire. J'ai été pris personnellement dans ce conflit, avec des sentiments contradictoires. Ecrire ce livre a été une manière de faire dialoguer mes deux façons de voir le conflit, de l'exorciser et de passer à autre chose."
Cédric Gras nous offre un premier roman à facettes comme un morceau d'anthracite brillant qu'on tournerait dans sa main.




mercredi 21 septembre 2016

Tendre, drôle et lumineuse Claire Franek

Claire Franek.

Quand l'auteure-illustratrice jeunesse Claire Franek s'est éteinte en mars de cette année (lire ici), elle avait terminé un ultime album pour enfants, bouclant une belle œuvre de vingt ans. Le voici aujourd'hui en librairie, ce "Grand spectacle" merveilleux (Rouergue, 40 pages). Plus précisément, "Claire Franek présente le grand spectacle", selon la couverture. En rouge orange et bleu moyen. Une sobriété joyeuse pour un album délicieux, complètement à hauteur d'enfant.

Première image du "Grand Spectacle" (c) Rouergue.
Ce sont justement des enfants qui en sont les héros. Zoé, Victor et Aziza d'abord - Noahm, Camille, Raphaël et Bilal les rejoindront plus tard. Ils décident de monter un spectacle. Bien sûr, il leur faut répéter. On assiste à l'élaboration du scénario, deux amoureux et leur bébé, et aux commentaires qu'il suscite (dont des cheveux courts pour une maman?). Les variantes proposées et acceptées (transposer l'action chez les chats) contournent certains écueils mais en créent d'autres... Surtout quand d'autres jeunes acteurs apparaissent et se joignent au jeu.

Dernière image du "Grand Spectacle" (c) Rouergue.
Les scènes sont croquées avec humour et tendresse. Les sujets de discussion, chats, chiens, hippopotames, licornes, coiffures, tricot, ennui, clichés divers, séduction, bagarres, bouderies, mariages, bébés, perlent d'un quotidien observé avec amour et retransmis avec finesse. Ils sont tellement proches de nous, ces enfants qui se déguisent un peu en animaux. Acteurs, ils nous reflètent notre société sans en avoir l'air. Croqués avec expressivité, ils sont bien plus que des enfants de papier. La preuve: ce qu'ils préfèrent, comme presque tous les enfants du monde, c'est répéter encore et encore leur "grand spectacle". Et là ils sont tous d'accord... L'enfance, l'âge du jeu! A partir de 6 ans.

Quel livre lumineux et joyeux que ce dernier album de Claire Franek! Un moment de beauté et de bonheur vibrant de vie qui rappelle discrètement combien le théâtre a toujours été important pour son auteure. Il était d'ailleurs le sujet de son premier album, "Qui est au bout du fil?", sorti en 1996 et que les éditions du Rouergue republient aujourd'hui pour accompagner le "Grand spectacle": la semaine d'un marionnettiste présentée avec originalité. Vingt ans séparent les deux titres mais l'esprit créatif n'a pas changé, contrairement au dessin de Claire Franek qui a fort joliment évolué. On la regrettera toujours.



Pages de garde de début et de fin du "Grand Spectacle". (c) Rouergue.




jeudi 15 septembre 2016

12 h 31. Mystérieux, innovant et chronométré, tel est le nouvel album de Claude Ponti

Claude Ponti. (c) EDL-Eduardo Redondo.

09 h 55. J'ouvre le nouvel album de Claude Ponti, "Le mystère des Nigmes", à paraître le 16 novembre à l'école des loisirs. Trop bien, il commence à 22 h 22, une heure que j'ai remarquée chaque soir, des années durant. Tiens, tiens, le "square Albert-Duronquarré", on a déjà vu ça quelque part...

09 h 56. Le livre est grand, au même format que le précédent, "L'Affreux moche Salétouflaire et les Ouloums-Pims", sorti fin novembre 2015 (lire ici). Un peu plus petit que "Georges Lebanc" (l'école des loisirs, 2001), auquel il fait référence. Malheureusement, Georges Lebanc ne bouge plus. On va découvrir pourquoi.

10 h 58. L'album raconte une autre "kastatroffe" (lire ici et ici), celle que vivent les Souris Archivistes qui voient disparaître "les textes, les mots, les lettres" de leurs grands livres. Ceux où elles consignent tout ce qui se passe sur le square. Mais elles ont des indices, des pattes de mouches, et vont se lancer à la recherche des voleurs de mots, des voleurs d'identité, des voleurs de souvenirs, des voleurs de tout en quelque sorte... même de la vie.

Les pages 2 et 3 du "Mystère des Nigmes" de Claude Ponti. (c) edl.

11 h 05. Ce nouvel album est pontien en diable, avec sa quête initiale, son vocabulaire imaginatif et ses jeux de mots incroyables, ses dessins pleins de surprises, ses constructions précises, ses machines inouïes qui, toutes, fonctionnent. Ses monstres inquiétants et ses scènes de nature paisible. Sa liberté de dessiner sur plusieurs images, à travers toute la page, en jouant encore sur les mots. Mais c'est aussi un Claude Ponti qui innove que l'on découvre: de nouveaux personnages, des souris et des bourdons pour commencer, des Totémimiques et des Anges coussins plus loin, des références à des albums antérieurs, l'idée de chronométrer l'histoire, de recourir aux notes de bas de page, pour de vrai et pour de faux...

11 h 23. Je suis toujours l'histoire avec bonheur, en rigolant et en savourant les trouvailles de texte et d'images. Les oies Rim Skikor et Sakoff, la tirade à propos de "Carla Manio Lia, fille de Manio Carla Lio, fils de Carla Mania Liu", l'apparition de la cathédrale bruxelloise Saints-Michel-et-Gudule, de vues de parcs nantais, de bancs bien entendu.

11 h 34. Je cherche toujours avec les Souris et leurs alliés quel monstre a mis le Square en panne et "engroinfre les mots". La réponse sera, comme souvent chez Claude Ponti et dans la vie, chez les enfants, ce qui nous vaut une superbe image sur double page. Un début de solution, puisqu'elle est à trouver chez la Feuilloizelle, un oiseau de feuilles. De nouvelles énigmes à résoudre en perspective.

"Le mystère des Nigmes" de Claude Ponti. (c) l'école des loisirs.

11 h 45. L'album se poursuit en joyeuse quête initiatique avec épreuves, dangers et amis prêts à aider. Les mots choisis, régal de jeux et de surprises, font aussi quelques incursions dans le domaine de la philosophie, à propos de la mémoire, des souvenirs, des mystères... Exemple: "Sans la mémoire de ce qui est arrivé, comment savoir le goût du chocolat et en avoir envie? Comment savoir ce que l'on a détesté et le refuser? Comment savoir ce que l’on sait et ce que l’on ne sait pas?" Bigre!


Le monstre à combattre (c) edl.

11 h 56. Je poursuis, enchantée, la lecture de cet album très réussi, riche de plein d'histoires parallèles, de questions et de réponses, de personnages craquants ou terrifiants, de mots autorisés ou interdits."Le mystère des Nigmes" est "merveilleussimeux". Claude Ponti s'en dit "content". Il ne sera pas le seul. Mais comme il faut encore dormir beaucoup de fois avant qu'il ne soit disponible, j'en reste là et y reviendrai lors de sa sortie.






jeudi 8 septembre 2016

Treize raisons d'aimer Colum McCann


Colum Mc Cann sera à Vincennes ce week-end. (c) Belfond.

  1. Le dixième livre en français de Colum McCann nous parvient cette année: "Treize façons de voir" (un court roman et quatre nouvelles, traduit de l'anglais (Irlande) par Jean-Luc Piningre, Belfond, 308 pages) et il est excellent. Il se savoure comme un bon vin malgré les multiples formes de violence qu'il relate.
  2. L'écrivain irlandais né à Dublin en 1965 et installé aux Etats-Unis depuis 1986 est un des soixante invités au Festival America qui se tient de vendredi à dimanche à Vincennes (lire ici). Il parle aussi bien qu'il n'écrit et l'entendre est toujours un bonheur.
  3. Son nouveau livre est atypique, ni un roman comme les six qu'il a déjà écrits ("Le Chant du coyote", "Les Saisons de la nuit", "Danseur", "Zoli", "Et que le vaste monde poursuive sa course folle" lire ici, "Transatlantic", lire ici),  ni un recueil de nouvelles comme il en a déjà publié deux ("La rivière de l'exil" et "Ailleurs en ce pays"), ni un recueil de textes comme l'est "Etre un homme" (lire ici).
  4. "Treize façons de voir", le roman bref qui donne son titre au recueil met en scène un juge à la retraite, M. Mendelssohn, 82 ans, fâché avec la vie (son état de dépendance) et avec sa vie (un fils décevant et une fille qui a déménagé en Israël) et qui va être victime d'une agression brutale en rue.
  5. Dans la nouvelle "Quelle heure est-il, maintenant, là où vous êtes?", McCann renoue avec l'Afghanistan et les soldats que l'Amérique y envoie. Mais cette fois-ci, il s'agit d'une femme, imaginée la nuit de Noël.
  6. "Sh'khol" est la terrible histoire de Thomas, 13 ans, et de ses parents séparés qui doivent faire face à la disparition de leur fils adopté après une baignade en mer.
  7. "Traité" nous fait suivre l'angoisse d'une religieuse autrefois violée dans la jungle colombienne et qui reconnaît son agresseur à la télévision.
  8. "Comme s'il y avait des arbres" est l'histoire sordide d'un gamin de 17 ans, Jamie, qui, renvoyé du lieu où il travaillait pour cause de drogue, s'en prend au couteau à un ouvrier roumain.
  9. Ces cinq histoires valent bien plus que leurs résumés qui ne rendent pas compte de la beauté de la langue de Colum McCann. Il faut vraiment les lire pour savourer tout son talent, mis ici au compte de la violence, quotidienne ou à l'échelle du monde. "Ces récits", note l'auteur, "ont leurs propres voix, mais si leur provenance vous intéresse (...), veuillez visiter mon site colummccann.com" (en espérant que le site fonctionne...).
  10. Colum McCann a été lui-même victime d'une lâche agression en juin 2014, alors qu'il avait presque terminé d'écrire ces nouvelles. Ce qui l'a incité à modifier certains passages du livre. "Il me semble", écrit-il, "que parfois nous écrivons notre vie à l'avance, et que, d'autres fois, nous sommes seulement capables de regarder derrière nous. Mais en fin de compte, chaque mot que nous écrivons est autobiographique, peut-être plus encore quand nous essayons d'éviter toute autobiographie".
  11. On peut lire un extrait de "Treize façons de voir" ici.
  12. Tous les livres de Colum McCann sont publiés (et disponibles) chez Belfond et ensuite ils passent en poche chez 10/18.
  13. Ces/ses mots magiques: "Malgré tout ce qu'elle doit à l'imagination, la littérature prend des chemins inimaginables."


mardi 6 septembre 2016

Gosh! Un prélude bruxellois au festival America de Vincennes


Le week-end prochain, du 8 au 11 septembre précisément, se tiendra en divers lieux de Vincennes (Paris) la huitième édition du formidable Festival America, conviant tous les deux ans le public à rencontrer une fameuse brochette d'écrivains américains. On y a croisé les plus grands, de Toni Morrison à Russell Banks en passant par Margaret Atwood et Richard Ford, et ceux qui font que les titres qui nous parviennent de la littérature américaine sont des découvertes ou des enchantements (ou les deux). Mais aussi ceux et celles qui sont en train de devenir les plus grands de demain.

En effet, l'équipe du festival fondé en 2002 par Francis Geffard, également libraire et éditeur de littérature étrangère, a à cœur de braquer les feux des projecteurs sur les auteurs dont les textes, même les premiers, sont excellents et donc à découvrir grâce aux mots de leurs traducteurs (souvent) attitrés. Chaque édition suit un thème (lire ici, iciici et ici). Cette fois-ci, ce sera "L'Amérique dans tous ses états": commémoration du 240e anniversaire de l'indépendance des Etats-Unis, fin du deuxième mandat de Barack Obama, préparation des nouvelles élections présidentielles, quinzième anniversaire des attentats du 11 septembre. De la politique, mais surtout de la littérature car les écrivains présents reflètent à merveille l'état de leur société, l'interrogent, la bousculent ou la recréent. Ce qui enchante chaque fois le public présent en nombre à Vincennes (plus de 36.000 personnes en 2014).

Si une cinquantaine d'écrivains américains se retrouveront pour quatre jours de débats, de rencontres et de tables rondes avec le public français, cinq d'entre eux seront à Bruxelles ce mercredi 7 septembre (20h15) en prélude au week-end à Vincennes. Et pas des moindres! James Ellroy, Rachel Kuschner, Kevin Powers, Jane Smiley et David Treuer. Cela se passera, en anglais, à Flagey, à l'initiative de Passa Porta, de Flagey et du Festival (infos ici).

La soirée se déroulera en deux parties. D'abord un débat, modéré par Frank Albers, entre Rachel Kushner, Kevin Powers, Jane Smiley et David Treuer qui se penchent tous sur l'histoire de leur pays dans leurs livres. Ensuite, ce sera la figure mythique du roman noir américain qui répondra aux questions de Jérôme Colin.

Après cela, retour à Paris pour la tenue du festival America lui-même. Une cinquantaine d'écrivains donc, dont Marlon James, Laura Kasischke, Greil Marcus, Colum McCann, Stewart O'Nan,  Don Winslow, Joseph Boyden, Laird Hunt, Hector Tobar... Cela commencera dès jeudi soir avec la soirée James Ellroy. Soirée d'hommage à Jim Harrison le lendemain. Puis deux jours débordant de rencontres, débats, tables rondes, dédicaces, expositions, joutes de traduction, prix littéraires... Le catalogue complet se trouve ici, les infos pratiques ici.

Dans cet énorme programme, j'aurai le plaisir d'animer quatre rencontres.

  • "L'Amérique des humbles" avec David Joy, Alice McDermott et Willy Vlautin (samedi  à 15 heures)
  • "Destins de femmes" avec Cynthia Bond, Molly Prentiss et Andria Williams (samedi à 17 heures)
  • "Les jeunes années" avec Derf Backderf, Christopher Bollen et Cynthia Bond (samedi à 19 heures)
  • "Les drames de la vie" avec Karen Joy Fowler, Forrest Gander et Bret Anthony Johnston (dimanche à 16 heures).


En guise d'apéritif à cette extraordinaire littérature américaine, je vous propose l'épais recueil "20 + 1 short stories/nouvelles" (Albin Michel, "Terres d'Amérique", 648 pages) qui fête les vingt ans de la collection "Terres d'Amérique", créée par Francis Geffard en 1996. Oui, celui de la librairie Millepages à Vincennes, oui, celui du Festival America, oui, celui du Grand prix de littérature américaine (lire ici). De "Bonnes nouvelles d'Amérique" comme dit à juste titre le bandeau qu'on déguste comme autant de saveurs différentes.

Le principe du livre est tout simple: composer une anthologie des meilleures nouvelles parues dans la collection "Terres d'Amérique" qui a, au fil de ses 20 ans pour le moment, fait connaître au public français un nombre incroyable de fabuleux écrivains américains. Avec le choix éditorial fort de la nouvelle, genre boudé par le public français, souvent à tort, par méconnaissance en général de ce genre que l'autre côté de l'Atlantique transforme en bijoux de textes.

Voilà 21 textes courts donc, à lire ou redécouvrir. Vingt d'entre eux proviennent de recueils déjà publiés dans la collection au cours des vingt années écoulées. On y retrouve avec joie les noms de ces auteurs aussi aimés que différents: Sherman Alexie, Joseph Boyden, Dan Chaon, Michael Christie, Charles D'Ambrosio, Craig Davidson, Anthony Doerr, Louise Erdrich, Ben Fountain, Holly Goddard Jones, Richard Lange, Benjamin Percy, David James Poissant, Eric Puchner, Jon Raymond, Elwood Reid, Karen Russell, Wells Tower, Brady Udall et Scott Wolven. Ainsi qu'un inédit, dû à Callan Wink, dont le livre paraîtra au printemps prochain. Un festival d'écritures, un foisonnement de littérature.

Pour feuilleter le recueil "20 + 1 short stories", c'est ici.

Pour écouter Francis Geffard parler de sa collection, c'est ici.


Parcours d'un éditeur hors du commun

Francis Geffard.
Lecteur, libraire, éditeur de la collection "Terres d'Amérique", directeur littéraire du département étranger d'Albin Michel, organisateur du festival America,... Francis Geffard a publié près de 200 livres en vingt-cinq ans, dont les trois quarts sont de la littérature. Un parcours où différents éléments du destin semblent s'être donné la main.

Lecture. "Petit, je lisais. J'ai toujours adoré les livres, pour ce qu'ils renvoient d'évasion, de distraction et apportent de connaissances. La richesse de la littérature, c'est de donner la possibilité d'être dans la peau de tas de gens, d'époques, de cultures et de pays différents, de parvenir à une expérience collective alors qu'on est un individu."

Littérature nord-américaine. "Dès l’adolescence, j’ai trouvé chez les auteurs américains quelque chose de particulier, un dynamisme, une modernité. J’ai lu des auteurs qui n’étaient pas forcément des contemporains: Hemingway, Dos Passos, Fitzgerald, Faulkner, etc. A 20 ans, je suis allé pour la première fois en Amérique du nord. J’ai découvert le pays et sa littérature en anglais."

Librairie. "La même année, j'ai ouvert une librairie, contre l'avis de mes parents. J'ai beaucoup soutenu la littérature américaine dont on découvrait la diversité. Longtemps, les seuls auteurs traduits étaient ceux qui étaient connus chez eux. Depuis les années 80 s'est mis en place un travail pointu sur la littérature étrangère. La France s'ouvrait sur le reste du monde."

Edition. "Les Indiens ont joué dans le fait que je devienne éditeur. De par le caractère récent de leur rencontre avec les Européens et le reste du monde, les Indiens ont dans leur histoire les grands mécanismes qui ont été à l'œuvre sur terre et ont prévalu à ce qu'on impose notre mode de vie et nos façons de penser au reste de la planète. Le monde indien était l'occasion de porter un regard décalé sur l'Amérique. Les écrivains indiens n'étaient presque pas traduits! Il y avait quelque chose à faire. En les publiant, j'ai mis les doigts dans la prise."

Direction littéraire. "Tous les ans, je reçois 500 manuscrits et j'en choisis huit ou neuf. Ce sont des parcours avec des gens chez qui on perçoit quelque chose de particulier ou de différent, une petite musique un peu singulière. Quand j’ouvre un livre, je ne cherche rien, si ce n'est que quelqu'un m'emmène quelque part et me fasse ressentir des émotions, éprouver des sentiments, naître des réactions. Je suis persuadé que ce sont les écrivains qui font les éditeurs, et non l'inverse. Nous sommes des chiens truffiers un peu particuliers."








vendredi 2 septembre 2016

Une très belle expo rétrospective célèbre les cinquante ans d'illustration de Marie Wabbes

Marie Wabbes.

Marie Wabbes, on la croise depuis toujours dans tout ce qui concerne la littérature de jeunesse (lire ici). On peut aussi la rencontrer lors d'expositions du designer Jules Wabbes, son premier mari, de concours de chevaux, d'événements sur les ours en peluche ou de rencontres à propos de camélias. Entre autres.


Un tout petit aperçu.

Marie Wabbes, on découvre ses albums pour enfants (plus de 200 aujourd'hui) aux quatre coins du monde (lire ici). En Belgique et en France bien entendu où elle rencontre toujours aussi volontiers les enfants des écoles qui lui font fête - plusieurs titres mériteraient d'être réimprimés. En Angleterre et aux Etats-Unis puisqu'elle a également publié des livres là-bas. En Afrique où elle a animé de nombreux ateliers pour jeunes auteurs-illustrateurs.

Ceci n'étant, si on peut dire, que la partie émergée de l'iceberg. Car Marie Wabbes a bien d'autres cordes à son arc artistique. On ne le sait pas toujours. On les découvre avec un immense plaisir à l'exposition "Images d'enfance" que lui consacre la Bibliothèque Wittockiana jusqu'au dimanche 25 septembre (infos pratiques ici).

Une exposition rétrospective qui couvre cinquante années de son travail et en présente les différentes facettes dans une mise en scène fort agréable. Il y a des livres bien entendu, mais aussi des dessins originaux, des cartes de vœux, des maquettes, des affiches, des objets, des vidéos.


Ours en peluche et autres objets.

Les "mariés" et leur portrait.

Affiches.
On (re)découvre avec un infini plaisir les différentes branches du travail de Marie Wabbes, dans l'esprit de l'arbre stylisé qui occupe le centre de l'expo Par exemple, le temps de ses débuts, sous le pseudonyme de Florence: des centaines de dessins pour le journal "Le Soir" auquel elle collabora de 1953 à 1968 et ses premiers albums à l'école des loisirs. En 1965, elle illustre "Olivier le Page" et "La mère Framboise", sur des textes de Marcel Vermeulen. Suivront plusieurs titres de la "Vache Caroline", sur un texte de Jean le Paillot, aussi à l'école des loisirs.

Après ce seront, chez divers éditeurs et sous son vrai nom, en vrac, les "Petit Lapin", les "Petits européens", les "Charlie", les "Rose", et tous ces excellents albums aux thèmes essentiels de l'enfance, tendresse, amour, doudou, séparation, agression, protection, migration, nature ("Petit Doux n'a pas peur", "Je voudrais que tu m'aimes", "L'enfant qui venait de la mer", "Petit cœur d'ours"...),  sans oublier les documentaires gourmands sur les pommes, les tomates, les fraises, le chocolat, la soupe, l’œuf, le miel...

Petit Chaperon.
Petit Lapin. 












Une lectrice devant un tissu créé pour Dujardin.
L'exposition met aussi à l'honneur les célèbres tissus que Marie Wabbes a créés pour la maison Dujardin, les portraits d'ours en peluche qui l'ont rendue célèbre et ont été exposés à plusieurs reprises, diverses vitrines présentant plein de formidables surprises à découvrir. Aux murs, on peut encore lire différents livres non publiés dont on ne comprend pas pourquoi ils n'ont pas intéressé les éditeurs. Partout un hommage constant à  la nature, aux animaux et à la vie.


Portraits d'ours.

Portrait d'ours.