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mardi 31 janvier 2017

Où en est la suppression de la tabelle belge ?

L'autre samedi, j'achète un poche du Livre de poche à Bruxelles: 3,90 euros, pas la peine de demander un service de presse. Evidemment, j'avais complètement oublié que ce ne serait pas le prix facturé en Belgique: 4,40 euros! Non pour les 50 centimes mais pour le principe, j'enrage sur Facebook.


Au-delà du coup de gueule, forcément réconfortant, pointe une question: où en est la suppression de la tabelle belge (lire ici), particularité dont on se passerait bien.

On se rappelle qu'Alda Greoli, ministre de la Culture (notamment), avait promis le 8 juin 2016 lors de la rencontre professionnelle "Le livre, où en est-on?" organisée par la Scam, qu'elle déposerait un projet de décret au Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles afin de la supprimer et de réguler le prix du livre avant la fête nationale belge. Redoutable timing que la ministre a tenu. Elle a déposé son avant-projet le 20 juillet (lire ici).

Bien, bien, l'affaire est donc sur ses rails, mais c'est un train qui roule lentement et a beaucoup de haltes sur son trajet. Ce serait bien l'omnibus du prix unique du livre en Belgique. Le processus est estimé à dix-huit mois.

Alors, que s'est-il passé depuis le 20 juillet 2016?

Contacté par mes soins, Jérôme Hardy, le porte-parole de la ministre explique:
"Rappelons-nous déjà que le texte devra passer quatre à cinq fois au gouvernement. Pourquoi? Il doit passer devant les instances d'avis (c'est fait), deux fois à l'Europe (la Commission - le premier  passage est en cours) et au Conseil d'Etat. À chaque étape, il repasse par la case gouvernement. En fin de parcours, il ira bien entendu au Parlement.Nous visons toujours une mise en œuvre progressive à partir de 2018."

Voilà donc l'avant-décret à mi-chemin et respectant l'horaire annoncé.




vendredi 27 janvier 2017

Sueurs froides: "Chaleur" de Joseph Incardona

Pour se réchauffer de ces températures hivernales, pour s'échapper des scandales politico-financiers qui défigurent le monde, j'ai ce qu'il faut: "Chaleur", le décapant nouveau roman du Suisse Joseph Incardona (Finitude, 162 pages) qui en jette avec sa belle couverture rouge au picto de thermomètre.
On plonge avec ravissement dans ce roman noir qui se déroule lors de championnats du monde d'une discipline dont la plupart des lecteurs ignoraient sans doute l'existence, ceux de sauna!

Pourtant, la compétition existe. Ou plutôt existait jusqu'en août 2010 à Heinola (Finlande) lorsqu'un fait divers tragique entraîna sa suppression. Cette histoire vraie a servi de point de départ à l'auteur à la bibliographie impressionnante pour ce chaud-froid fort bien mené. Il s'en est inspiré mais aussitôt éloigné pour nous concocter un roman palpitant, grinçant, sombre mais empreint d'humanité. Comment une quête d'absolu peut toucher en même temps au tragique et à la grâce.

Les championnats du monde de sauna donc. Des cent deux candidats inscrits aux qualifications, quatre-vingt neuf prendront part au premier tour et cinquante-trois au second. Le nombre va encore fondre en demi-finales et en finale. La finale! Combien de temps un être humain peut-il survivre dans un sauna chauffé à 110° où un demi litre d'eau est versé sur le poêle toutes les trente secondes?

Joseph Incardona nous donne à connaître les candidats au titre. Celui qui le possède depuis trois ans, Niko Tanner, un géant finlandais bien enrobé, star du porno. Le challenger, Igor Azarov, un ancien sous-marinier russe, petit et sec, qui le talonne de très près. Des contraires. On rencontrera aussi le Révérend, le Turc, l'Outsider, et tout le petit monde, moral ou non, qui arpente ce championnat hors du commun. Autant de vies, de secrets, de rêves tournée vers un but unique, suer, atrocement souffrir et gagner.

Bien sûr, le romancier ne se contente pas de suivre les étapes de la compétition. Dans une langue très agréable, glissant anecdotes, surprises et références, il nous entraîne aussi bien dans le milieu des starlettes du porno que dans celui de la Commission européenne ou dans les diversions à l'ennui imaginées par les Finlandais. Tout cela est fort bien mené, entre Igor qui se fait du remords sur son passé parce qu'il sait son avenir limité et Niko qui ne vit qu'au présent. Des existences tendues vers un but qui peut sembler dérisoire mais où courront néanmoins quelques gouttes d'amour autour et alentour de la tragédie finale.

Avec son sujet original, "Chaleur" donne des sueurs froides en même temps qu'il réchauffe un peu sur la force de l'âme humaine. Ses personnages sont magnifiquement mis en scène et cet événement minuscule devient tout à coup grand. A découvrir.





mercredi 25 janvier 2017

Emmanuel Guibert couronné à Angoulême

Emmanuel Guibert.

Emmanuel Guibert est le lauréat du prix René Goscinny 2017, une belle manière d'inaugurer le festival d'Angoulême qui se tient du 26 au 27 janvier.
Prix René Goscinny.

Voilà ce que dit le jury:
"Certains hommes sont des caméléons, d'autres empruntent des identités, d'autres enfin sont des dessinateurs. Emmanuel Guibert, né en 1964, est tout cela à la fois, par la manière amoureuse dont il se glisse dans l'intimité de gens qui lui sont proches pour la sublimer par son geste créateur. Le photographe Didier Lefèvre ou l'ancien soldat américain Alan Ingram Cope sont ainsi devenus les personnages de récits où biographie et autobiographie fusionnent en un flux indémaillable. Emmanuel Guibert parvient en effet à convertir les personnes qu'il a connues et admires en héros simples mais édifiants. Son écriture s'articule alors à une pratique très réfléchie du dessin, dont la beauté plastique est souvent subjuguante. En parallèle, Emmanuel mène une carrière de scénariste pour la bande dessinée jeunesse où ses héros figurent d'ores et déjà au panthéon des lectures les plus appréciées des cours d'école. La série Ariol, à ce titre, dresse un portrait très contemporain de l'enfance d'aujourd'hui. C'est pour la diversité de son œuvre, sa capacité à perpétuellement se renouveler, pour l'intelligence et la sensibilité avec lesquelles il réfléchit à la place de l'auteur et du narrateur dans sa mise en scène des biographies, que les membres du jury du Prix Goscinny ont décidé de couronner Emmanuel Guibert pour l'ensemble de son œuvre."

Une excellente occasion de relire une grande interview faite avec Emmanuel Guibert à Bastia en 2013 à propos de "La guerre d'Alan" (ici). 



mardi 24 janvier 2017

Grégoire Delacourt m'a posé un lapin

Grégoire Delacourt.
Ouvrir un roman avec joie et appétit et réaliser qu'au tiers des pages on n'a toujours pas accroché, telle est la mésaventure qui m'est arrivée avec le nouveau titre de Grégoire Delacourt, "Danser au bord de l'abîme" (JC Lattès, 364 pages), tout juste paru. J'ai pourtant poursuivi ma lecture jusqu'à la fin sans jamais parvenir à trouver une porte d'entrée à ce livre. Mésaventure de lectrice.

Pourtant, le livre est un des poids lourds de la rentrée d'hiver, ce qui n'est pas disqualifiant.

Pourtant, je me réjouissais à l'idée que Grégoire Delacourt se glisse à nouveau dans la peau d'une femme, Emma en l'occurrence, une femme de quarante ans qui a tout pour être heureuse (Olivier, gentil mari, trois enfants ados, un travail, du temps et de l'argent) et choisit de tout quitter pour vivre avec Alexandre, un journaliste rencontré par hasard. Un coup de foudre partagé, idée romanesque à souhait.

Pourtant, j'ai lu quasiment tous les livres de l'auteur de "L'écrivain de la famille" (lire ici et ici). Je les ai appréciés différemment mais j'avais été très emballée par "On ne voyait que le bonheur".

Pourtant, j'avais toujours été sensible au style de l'écrivain passé par la publicité, précis, sans gras, avec de belles trouvailles.

Alors, pourquoi ai-je si peu dansé au bord de l'abîme?

Je n'ai pas cru à l'histoire d'Emma et Alexandre sous forme de compte à rebours, ni au drame atroce que l'héroïne va vivre seule, ni à sa longue retraite dans un camping près de la mer, ni à son difficile retour auprès des siens, ni à son voyage sur la route des vins, ni au dénouement final. Ni à tous les autres épisodes rocambolesques que je ne dévoilerai pas.

Je n'ai pas retrouvé le style de Delacourt mais des mots assemblés pour faire sortir les mouchoirs. Comme la succession des événements de l'histoire. L'auteur a-t-il tout risqué dans ce nouveau livre? Ou a-t-il tenté de contenter un public de midinettes?

Pourtant, il y a dans "Danser au bord de l'abîme" des airs d'opéra, de beaux personnages secondaires, l'amie de toujours Sophie, la nouvelle amie Mimi, monsieur Boghossian, les allusions à la véritable histoire de la chèvre de M. Seguin. Mais trop de pathos et trop d'invraisemblances pour me convaincre et m'emporter.

J'attends donc le prochain roman de Grégoire Delacourt et vous glisse son conseil de lecture que je vais m'empresser de suivre, "Les Bottes suédoises" de Henning Mankell (traduit du suédois par Anna Gibson, Seuil, 2016, lire ici).



Edmonde, complexe femme phénix

Edmonde Charles-Roux.

Aurait-elle porté un "pussy hat", ce petit bonnet rose à oreilles de chat qui symbolise la résistance des femmes à la politique du nouveau président américain Donald Trump? Qu'aurait-elle pensé de la marche parisienne anti-IVG hier à Paris? Et du premier tour des primaires de la gauche en France?

Edmonde Charles-Roux s'était sans doute faite plus discrète dans les dernières années de sa vie. Mais à lire la passionnante biographie que Jean-Noël Liaut lui consacre, "Elle, Edmonde" (Allary Editions, 222 pages), allusion à son second roman, "Elle, Adrienne", on ne peut s'empêcher de se poser ces questions. Quelle vie a eue cette féministe de la première heure! Longue bien sûr, mais qui en a bien cumulé bien dix en 95 ans. Un parcours entre passions, liberté, engagement et indépendance.

Pas sûr qu'Edmonde Charles-Roux soit très réputée en Belgique, et surtout chez les plus jeunes. Et c'est bien dommage vu l'exemple humaniste qu'elle a donné tout au long de son existence. Je confesse que moi-même je connaissais plusieurs facettes de cette personnalité hors-pair, présidente de l'Académie Goncourt, romancière, journaliste, épouse du maire de Marseille et ministre de François Mitterrand Gaston Defferre, notamment, mais que j'avais de la peine à les placer dans le bon ordre chronologique. L'ouvrage de Jean-Noël Liaut m'a permis de réorganiser tout cela et m'a en plus offert un moment de lecture exaltant! Sacrée bonne femme, formidablement racontée par ce biographe qui a la force d'écriture d'un romancier.

Jean-Noël Liaut.
Fervent admirateur de son sujet qu'il n'a rencontrée que quatre heures en 2008 mais dont il garde un souvenir ardent, Jean-Noël Liaut souhaitait signer la première biographie qui lui serait consacrée. Et il voulait qu'elle paraisse au moment du premier anniversaire du décès de la veuve de Gaston Defferre. Il a tenu son pari. Très réussi, son livre, "Elle, Edmonde" est sorti ce 5 janvier, la vieille dame étant décédée dans la nuit du 20 au 21 janvier 2016.
2016, année morose pour la littérature. "C'est un livre intime", me dit-il, de passage à Bruxelles. "Même si je l'ai écrit dans des conditions dantesques, au milieu des travaux qu'on faisait dans ma maison (près de Bordeaux). Mais je n'entendais rien, j'étais avec elle."

Un fameux boulot de recherche, d'enquête et d'écriture que le biographe a abattu en moins de douze mois, soutenu par la poigne contagieuse de son sujet. "L'énergique Edmonde n'aurait pas lâché", s'est-il souvent dit pour s'encourager. Depuis, il n'hésite pas à utiliser sa formule magique en d'autres circonstances.

Le livre est donc là, passionnant de bout en bout. Exercice d'admiration mais pas hagiographie. "Elle a été une sacrée bonne femme. Mais je ne l'idéalise pas. Je parle de sa pingrerie par exemple, du fait qu’elle n'avait pas de scrupules pour arriver à ses fins, par exemple quand elle fouille sans autorisation les tiroirs de Coco Chanel. Mais elle avait intelligence, flair et talent. Je fais le portrait d'une femme complexe. D'une femme vivante qui a aussi pu être dure quand elle a été trahie, que ce soit en littérature ou en politique."

Construit de manière chronologique, l'ouvrage relate l'itinéraire de la Marseillaise, née par accident à Neuilly-sur-Seine le 17 avril 1920. Qu'il est passionnant de reconstituer ainsi le puzzle de la vie de l'être d'exception qu'a été Edmonde Charles-Roux. "Quel destin elle a eu! Si un roman reprenait les éléments de sa vie, on reprocherait à l'auteur d'avoir la main lourde." Née dans une famille bourgeoise, Edmonde Charles-Roux a été infirmière pendant la guerre, résistante, amoureuse, croisée socialiste, journaliste à "Elle", rédactrice en chef de "Vogue" (1954 à 1966), ambassadrice culturelle, romancière, biographe, jurée puis présidente de l'Académie Goncourt, épouse de Gaston Defferre… "On peut distinguer dix vies dans la sienne! Elle a vécu une succession de naissances, de renaissances, comme un phénix."

"Edmonde" avait la volonté d'être indépendante malgré son milieu bourgeois. Elle a été très aimée par son père mais elle a eu une mère froide, dure, sans cœur. Elle est toujours restée très proche de sa sœur et de son frère. Elle a eu une longue vie, faite de phases, de cycles. "Il est frappant de voir qu'elle a été super bien entourée dans tous les domaines qu'elle a côtoyés. Elle a rencontré ce qu'il y a de plus talentueux durant la deuxième moitié du XXe siècle. Mais elle avait des ennemis en coulisses."

Liberté et engagement ont été les deux maîtres-mots d'Edmonde Charles-Roux. A son époque, elle a assumé sa liberté sexuelle. "Elle était une grande bourgeoise vivant dans un hôtel particulier. Mais c'était une libertine. Il y avait toujours des hommes à ses côtés. Elle aimait les hommes et surtout les machos. Je n'ai pas voulu faire de catalogue raisonné de ses amants. Mais j'ai indiqué les plus célèbres. Elle n'a pas eu d'enfant. Elle n'aurait jamais voulu faire à un enfant ce que sa mère lui a fait. Par contre, on sait peu de choses de sa vie privée. A-t-elle subi un ou des avortements? A-t-elle eu des maladies vénériennes? On n'en sait rien. Elle était très secrète là-dessus."  Politiquement, elle a été peu correcte, elle a eu toutes les audaces. "Edmonde Charles-Roux donne l'envie d'être intense", conclut son biographe.

Truffé d'informations et d'anecdotes savoureuses, "Elle, Edmonde" est un récit passionnant qui fait revivre une grande dame à laquelle on ne pense pas assez souvent. Et presqu'un siècle d'histoire récente dans les différents pays d'Europe où l'ont menée ses pas.


Quelques images de la vie d'Edmonde Charles-Roux


La guerre à vingt ans.

















Dans les années 60.


















Avec Aragon, chapeauté, son mentor littéraire.


Portrait par Robert Doisneau qu'elle avait engagé
à "Vogue".
Retrouvés dans de très anciennes notes d'interview (1993), ces mots que m'avait glissés le photographe Robert Doisneau qu'Edmonde Charles-Roux avait fait travailler pour elle à "Vogue":

"Etais-je correspondant à Paris pour "Vogue"? J'ai fait cela pendant deux ans, mais je ne pouvais plus tenir à la fin C'était pas mon truc. Trop mondain. J'avais un smoking de location. J'allais le prendre le soir des grands bals (il y avait des épingles à nourrice dans les manches, parce qu'il n'était pas à ma taille)."




Premier roman, Prix Goncourt 1966.


1
Le roman que Jean-Noël Liaut
recommande, sur Coco Chanel (1971).
La bio que Jean-Noël Liaut
recommande, sur Isabelle Eberhardt
 (1988 et 1995).




















Avec Yves Saint-Laurent en 1972.












Son Académie Goncourt: Edmonde Charles-Roux (présidente), Régis Debray,
Philippe Claudel,  Didier Decoin, Françoise Chandernagor, Tahar Ben Jelloun,
Patrick Rambaud, Pierre Assouline, Bernard Pivot et Robert Sabatier.















Obsèques à Marseille en 2016.






vendredi 20 janvier 2017

Donald Ray Pollock, pour revaloriser ce prénom

Donald Ray Pollock. (c) Jean-Luc Bertini.

Avec ou sans lunettes, l'écrivain américain Donald Ray Pollock ne se fait guère remarquer. Physiquement, veux-je dire. Le natif de l'Ohio est mince, discret. Il mange peu, ne boit pas plus. Il parle doucement, sourit souvent. A se demander comment les fantastiques histoires qu'on découvre dans ses livres se développent derrière ce grand front ("Tout est dans ma tête", me dira-t-il). Son premier roman, "Le Diable, tout le temps" (Albin Michel, 2012, Le livre de poche, 2014, 120.000 exemplaires en français, 40.000 en grand format et 80.000 en poche), avait enthousiasmé le public et la critique (lire ici).

Le second roman de Donald Ray Pollock, "Une mort qui en vaut la peine" ("The Heavenly Table", très bien traduit de l'anglais par Bruno Boudard, Albin Michel, collection "Terres d'Amérique", 564 pages) est d'un genre différent. Mais tout aussi passionnant. Une épopée grinçante mettant en scène la cavale de trois frères, Cane, Cob et Chimney, qu'on dévore avec appétit. A noter que le titre de la traduction française est celui que l'auteur avait proposé sans succès à son éditeur américain.

Ce deuxième roman, mais troisième livre en français (Donald Ray Pollock est aussi l'auteur d'un recueil de nouvelles, "Knockemstiff", paru chez Buchet-Chastel en 2010), se déroule bien entendu chez lui, dans l'Ohio, mais trente ans plus tôt que "Le Diable".

On fait tout de suite la connaissance des fils Jewett, qui ont entre 17 et 21 ans. Ils vivent en compagnie de leur père veuf, ruiné et obsédé par la religion. Il faut imaginer la vie de ces quatre hommes pauvres dans ce bout de campagne en 1917. Peu de travail dans les champs de coton, pas d'argent, quasi rien à manger, des rats qui courent partout, les animaux malades. La violence, physique et verbale. A des centaines de kilomètres de là, les époux Ellsworth et Eula Fiddler constatent la disparition de leur fils unique, envolé avec de larges provisions contre la soif. Alors que la guerre gronde en Europe et que l'armée engage sans relâche.

Pendant tout le premier quart du livre, Donald Ray Pollock alterne les chapitres entre les deux familles. Il poursuivra ce dynamique changement de personnages jusqu'à la fin du récit, élargissant le nombre d'intervenants au fur et à mesure que progresse l'intrigue mais sans jamais lâcher les Jewett et les Fiddler, invitant ainsi le lecteur à forger également ce fantastique récit.

Très vite, le vieux Pearl Jewett va mourir et ses trois fils vont prendre la route ensemble pour essayer de s'en sortir. Cane est l'aîné. Il a promis à sa mère mourante de s'occuper de ses frères, Cob le simplet, Chimney, le musicien tête brûlée. Le trio tente de mettre en pratique l'histoire d'un roman à trois sous dont le héros, Bloody Bill Bucket, s'est incarné à leurs yeux à force de lectures répétées - ils n'ont que deux livres, la Bible et "La vie et les aventures de Bloody Bill Bucket". Cela signifie voler des chevaux et devenir des braqueurs de banque pour gagner leur vie. En théorie.

Car n'est pas hors-la-loi qui veut et les frères Jewett vont tout de suite l'expérimenter. Assez rapidement, ils seront poursuivis par les autorités de tous les lieux où ils passent et précédés d'une très fâcheuse réputation. Pendant que Donald Ray Pollock nous raconte tout cela avec un impeccable brio, multipliant les scènes annexes drôlement bien menées, il nous tient bien entendu aussi informés de ce que vivent les autres personnages de ce fantastique roman. Des itinéraires qui vont finir par se croiser sans qu'on s'y attende. En filigrane de ce texte prenant, l'écrivain interroge: le paradis rêvé ne serait-il pas pire que l'enfer vécu? On est suspendu aux chapitres de cette fresque aussi noire que drôle, à l'humour sarcastique, pleine de péripéties et de belles rencontres, qui ferraille avec des questions aussi importantes que la violence, le racisme, la pauvreté, la sexualité, la religion, le mal et la rédemption.


Dix questions à Donald Ray Pollock

A voir votre deuxième roman, la forme longue semble être celle qui vous convient.
J'ai été bien plus à l'aise que je ne me l'étais imaginé parce qu'il n'était déjà pas évident de passer de la nouvelle au roman. Je l'ai réussi avec "Le Diable, tout le temps" et aussi avec mon deuxième roman, "Une mort qui en vaut la peine", qui est mon troisième livre puisque j'ai commencé par des nouvelles. Je travaille en ce moment à mon troisième roman et je me dis que c'est dans ce genre littéraire que je me sens le mieux. Finalement, les romans sont ce qu'il y a de plus facile à écrire pour un écrivain. La poésie est le genre le plus difficile. Ensuite viennent les nouvelles.

Vous remerciez une personne de vous avoir tanné pour terminer ce roman. C'était difficile?
C'est toujours très difficile de terminer un livre. Personne ne lit mon texte avant la fin du premier jet, sauf mon chien - Patsy, ma femme, est mon "grammar coach". Je remercie ici un ami proche. Ma femme et moi le rencontrons avec sa femme une ou deux fois par semaine. Chaque fois, il me demandait si mon bouquin était terminé. A un moment, j'en ai eu marre. Et pour ne plus l'entendre,  j'ai terminé d'écrire le livre. Le remerciement est un clin d'œil à cela. Moi, en tant qu'écrivain, quand je rencontre un autre écrivain, je ne lui demanderai jamais quand il aura fini un livre.

Mais moi qui ne suis pas écrivaine, je vais alors vous demander quand sera terminé votre troisième roman…
Cela ne me déplaît pas de me projeter dans le futur. Pour la première fois, je me suis donné une date de fin. Mon troisième roman sera plus court, se déroulera dans l'Ohio bien entendu et verra un retour aux années 1950-1960. Il sera terminé pour la fin janvier 2018 au plus tard (traduction en français sans doute un an après). Longtemps je n'ai pas été aussi discipliné. Mais j'ai lu la biographie de l'écrivain Harry Crews et je me suis dit que cela allait m'obliger à travailler. Après "Le Diable", je suis resté deux ans sans écrire.

Vos deux romans se déroulent dans l'Ohio bien entendu, mais ont en commun qu'une Guerre mondiale se déroule alors en Europe, la Deuxième pour "Le Diable", la Première pour "Une mort…"
Si c'est délibéré, je n'en suis pas conscient. Dans "Le Diable", j'avais besoin que le livre se passe après la Deuxième Guerre mondiale: le père d'un ami de jeunesse a été prisonnier dans un camp japonais, un de mes oncles est mort à Hiroshima et j'ai perdu deux autres oncles dans cette guerre. Pour mon deuxième roman, c'est le camp Sherman qui m'a servi de base. Un camp militaire que les Américains ont établi dans l'Ohio quand ils sont entrés en guerre. Mais après, en cours d'écriture, je me suis écarté de la réalité et j'ai romancé les faits. Les années 1915 sont une époque d'innovations techniques, téléphone, automobile, avion, sanitaires, une ère de changement. Le monde ancien s'efface au profit du monde moderne. Tous ces changements ont été déclenchés par la Première Guerre mondiale.

Comment sont nés les personnages de ce second roman?
La plupart d'entre eux, je les ai créés. Les frères sont venus à trois. Mais quand j'ai découvert  qu'en 1917, il y avait 7.000 toilettes extérieures dans un si petit endroit, je me suis dit que cela devait poser problème. D'où mon inspecteur sanitaire qui, lui, est authentique.

Comme dans votre premier roman, vous mettez en place un grand nombre de personnages très intéressants dont on se doute qu’ils vont à un moment se croiser. Est-ce votre manière d’écrire?
C'est la seule façon dont je m'imagine écrire un roman. Je ne travaille pas avec un tableau accroché au mur, plein de post-it et de notes. Tout est dans ma tête. Quand je relis ce que j'ai écrit, cela me donne d'autres idées. Je change telle ou telle chose. Je déplace une scène.

C’est intéressant de voir le culte que vouent les frères Jewett à Bloody Bill, un personnage de roman de gare qui devient une sorte de fil rouge à leur épopée.
Ce n'est pas un des thèmes principaux du livre. Ce qui m'intéresse, c'est que les livres peuvent changer la vie des gens, les influencer par rapport à des décisions à prendre.

Les trois frères font référence à Bloody Bill comme d'autres à la Bible ou à Shakespeare.
Eux, ce livre, ce roman de gare, est tout ce qu’ils ont, là où d'autres ont la Bible et Shakespeare. Ils ont aussi une Bible mais pour eux qui ont de 17 à 21 ans, Bloody Bill est plus tentant que la Bible. Il est leur Bible.

Ce roman paraît plus sexuel et plus drôle que le précédent.
J'avais envie d'écrire un livre différent, pas aussi noir, pas seulement  pour le lecteur mais aussi pour moi. "Le Diable" était si sombre… J'ai eu envie de faire sourire le lecteur, ou même rire. J'avais aussi envie que, pour une fois, il y ait quelques gens bien, comme le couple Ellsworth et Eula, comme Jasper même si, chez lui, il y a des choses qui ne sont pas ordinaires.

La référence à l'usine à papier est-elle une manière de vous inviter dans le livre? Vous, votre père et votre grand-père y ont travaillé.
J'ai souhaité écrire sur un endroit fictif, la ville de Meade n'existe pas même si elle est très évocatrice de la ville où je vis aujourd’hui, Chillicothe. Les rues existent véritablement. Donc par souci d'authenticité, j’ai mis l’usine à papier.





mercredi 18 janvier 2017

Lire Asli Erdogan ce jeudi à Bruxelles

Aslı Erdoğan.

Le 29 décembre dernier, on apprenait avec soulagement que l'auteure turque Aslı Erdoğan était libérée de la prison des femmes de Bakirköy, à Istanbul. L'écrivaine sera en liberté conditionnelle jusqu'au 14 mars, date de la reprise de son procès (lire ici).

Cela n'empêche évidemment pas la tenue du troisième "apéro poésie" qui lui est dédié, organisé par les Midis de la poésie ce jeudi 19 janvier de 17 à 19 heures à la maison du spectacle la Bellone (rue de Flandre 46, 1000 Bruxelles, entrée libre mais sur réservation à info@midisdelapoesie.be ou 0485 32 56 89 ou ici).
Baptisée #Direasli, la soirée sera l'occasion d'une mobilisation collective en soutien à Aslı Erdoğan bien entendu, mais aussi aux autres romanciers, poètes, intellectuels et professeurs turcs emprisonnés depuis l'été dernier. Et il y en a beaucoup.

La séance se déroulera en trois parties:

  • Présentation de la rencontre et des textes d'ateliers d’écriture proposés en soutien avec Aliette Griz, Milady Renoir, Anne Versailles, Veronika Mabardi, Mélanie Godin.
  • Lecture collective du livre "Le Bâtiment de pierre" (Actes Sud, 2013)
  • Conversation autour de la liberté d'expression.

Elle sera retransmise en direct sur Radio Panik 105.4 FM.


La jeune librairie bruxelloise Tulitu proposera à la vente tous les livres d'Aslı Erdoğan, dont bien entendu le dernier, tout juste sorti.
"Le silence même n'est plus à toi" (traduit du turc par Julien Lapeyre de Cabanes, Actes Sud, 172 pages) est un recueil de vingt-neuf chroniques, parues au cours des dix dernières années, parmi celles qui ont valu à leur signataire d'être arrêtée en août 2016 comme les autres collaborateurs du journal "Ozgü Gündem", contraint à la fermeture.

Il est super intéressant de découvrir ces textes qui, s'ils sont des chroniques publiées dans un journal, ne ressemblent pas à l'article de presse que l'on connaît chez nous même lorsqu'il est dénommé "chronique". Derrière les faits relatés, il y a une plume, celle d'une romancière, d'une poète aussi. Aslı Erdoğan dit souvent "je" dans ces textes, que ce soit pour raconter ce qu'elle a vécu, ce qu'elle pense, ou autre chose. Cela peut paraître déroutant au début, mais on est vite pris par cette écriture forte, particulière, relatant d'une manière différente les événements qui ont fait la triste actualité de la Turquie.

On imagine bien que le recueil a été décidé dans l'urgence. Aslı Erdoğan était incarcérée. Personne ne savait ce qui pouvait lui arriver. Excellente idée donc que cette publication qui permet de découvrir ce pourquoi il lui est reproché mille choses. Un seul regret: les chroniques, extrêmement convaincantes, ne sont pas accompagnées de la date de leur publication. Et à moins de bien s'y connaître en histoire récente de la Turquie, on s'y perd un peu. En même temps, cette atemporalité leur confère une forme universelle qui sied à la défense des droits humains.








mardi 17 janvier 2017

Quand Geneviève Brisac pose sa douceur attentive sur la vie lumineuse de Jenny Plocki

Geneviève Brisac.

Quel bonheur de retrouver Geneviève Brisac romancière! Un roman mais un "roman vrai" que ce splendide "Vie de ma voisine" (Grasset, 176 pages) tout juste paru. Un titre qui amène à un texte fort, bouleversant, déroulant l'extraordinaire destin d'Eugénie Plocki, née en France en 1925 de parents juifs polonais. Eugénie Plocki, dite Jenny, ou Nini, une femme plutôt de l'ombre qui émeut par sa force, son énergie, sa lumière, subtilement dite par une écriture en petites touches. Une voisine dont la rencontre embellit le lecteur.

Les deux femmes se sont présentées l'une à l'autre à la faveur du déménagement de Geneviève Brisac. Jenny a abordé sa nouvelle voisine dans la cage d'escalier de leur immeuble. Elle voulait lui parler de Charlotte Delbo. Dire qu'elle avait très bien connu la rescapée des camps d'Auschwitz et de Ravensbrück à celle qui avait participé à une émission de radio à son sujet (France Culture, 2013, ici).

Y a-t-il un hasard à l'amitié? Charlotte Delbo aura été l'occasion pour elles deux de se parler. Tout de suite, un lien profond va naître, s'épanouir et les unir à jamais. Car les voisines se sont rencontrées, au sens premier et second du terme. Elles se sont trouvées, écoutées. Jenny va se raconter petit à petit à Geneviève, sans jamais s'apitoyer sur son destin. Et cette dernière va renouer avec son ADN, écrire. Partager sur le papier ces conversations, ces thés, ces promenades, ces émotions. Retranscrire l'extraordinaire élan vital de Jenny, qui n'est pas très différent de celui de Charlotte Delbo.

"Vie de ma voisine" relate l'itinéraire de Jenny: petite fille à Paris dans l'entre-deux-guerres ("Nous n'étions pas riches mais tout allait bien"), ado juive traquée et obligée de se débrouiller seule pendant la guerre et l'occupation - sa mère lui apprendra en deux heures à être une femme libre et indépendante -, institutrice adepte des nouvelles méthodes pédagogiques ("Poser les questions qui dérangent. Tout est là. Toujours. C'est l'essence de l'esprit d'enfance"), résistante absolue, militante politique ("A la place de la loi du plus fort, j'ai choisi l'apprentissage de la démocratie"), amoureuse de la liberté. Une orpheline qui a tiré sa force prodigieuse de l'amour qu'elle a reçu de ses parents, confiants en ses capacités à tenir et à avancer, même sans eux. De son amitié depuis toujours avec Monique, "la personne la plus fiable du monde". De sa rencontre avec Jean-René.

Mais le livre est aussi le récit en contrepoint de la construction de ces pages tellement belles, à l'écriture délicate et gracieuse. Une incise ici, une réflexion ou une digression là. La porte-voix et la voix se superposent parfois. Les "je" se confondent de temps en temps. Geneviève? Jenny? L'une et l'autre sont si proches. Immense plaisir à lire ce "roman vrai" dont émanent une incroyable énergie et un espoir constant en ces temps de tristesse. Cette pensée forte, lumineuse, sans auto-apitoiement, aide, donne du courage. "Vie de ma voisine" dit bien plus qu'une vie, ses joies et ses tragédies. Il célèbre une héroïne en mots attentifs qu'on a envie de partager.

Pour lire le début de "Vie de ma voisine", c'est ici.

Pour réécouter la très belle émission de "L'humeur vagabonde" (France Inter) que Kathleen Evin a consacrée au livre, c'est ici.

Geneviève Brisac sera à la librairie namuroise Point-Virgule le vendredi 3 février à 20 heures (1 rue Lelièvre).


lundi 16 janvier 2017

Décès de l'auteure-illustratrice Babette Cole

Babette Cole.

Triste nouvelle que la mort ce samedi 14 janvier 2017 de l'auteure-illustratrice britannique Babette Cole.
Elle était née le 10 septembre 1950 sur l'île de Jersey et se partageait depuis de nombreuses années entre littérature jeunesse et soins aux chevaux dans sa ferme-atelier des Midlands.

Babette Cole, c'est une septantaine d'excellents albums pour enfants publiés depuis 1976,  à l'aquarelle, souvent en format à l'italienne, dont une moitié a été traduite en français dans les années 80 et 90, même si on ne les trouve malheureusement plus guère aujourd'hui. Des albums extrêmement drôles, joyeusement délirants, parfois féroces (ce qui lui a valu des plaintes) sur les sujets très sérieux. Ou quotidiens. Qui ont parfois dérangé les parents alors que les enfants les ont grandement appréciés. Que de merveilleux souvenirs en parcourant sa bibliographie!

Quatre titres-phares

1. Enfants?













L'irrésistible album "Comment on fait les bébés!"  (adaptation française de Marianne Cockenpot, Seuil Jeunesse, 1993) demeurera le best-seller en français de Babette Cole avec plus de 100.000 exemplaires vendus.

On sait que les parents s'obstinent à croire que les enfants en général et les leurs en particulier, ignorent tout de la fabrication des bébés. Un jour donc, rassemblant leur courage, ils se lancent dans des histoires de choux, de roses, de graines, etc, face à leur progéniture. Pour découvrir que leurs rejetons pourraient leur donner un cours détaillé de biologie sur le sujet! Ceux de cet album le font. Si les petits chéris ont des parents au look branché (entre ex-soixante-huitard recasé et baba cool attardé), ils n'en sont pas moins obligés de donner à leurs père et mère une explication pertinente et détaillée sur leur provenance.

Avec un humour féroce, l'auteur règle ses comptes avec ces adultes bourrés d'autant de bonnes intentions que de contradictions. Dans cet album super-malicieux, ce sont les enfants qui expliquent les choses de la vie aux adultes rougissants: à l'aide de croquis, ils leur détaillent les histoires de graines, d’œufs, de tubes, etc. Particulièrement rigolos sont les croquis représentant des parents "au travail"! Rare les livres pour enfants où l'on présente un couple faisant l'amour, avec un air réjoui en plus! Voilà un album avec des dizaines de détails comiques qui provoquera des rires salvateurs et rappellera que l'observation de la nature est une source d'instruction inépuisable...

"Comment on fait les bébés!" (c) Seuil Jeunesse.
"Comment on fait les bébés!" (c) Seuil Jeunesse.
"Comment on fait les bébés!" (c) Seuil Jeunesse.

Une présentation vidéo de l'album par des enfants ici.



2. Mariage?

Autre grand succès de Babette Cole, "Princesse Finemouche" (traduit de l'anglais par Marie-France de Paloméra, Seuil Jeunesse, 1986, qui deviendra "La Princesse Finemouche" lors de son passage en poche chez Gallimard Jeunesse, en Folio Benjamin d'abord, dans la collection "L'heure des histoires" en 2012).

La princesse Finemouche ne veut pas se marier. Elle désire continuer de vivre dans le château avec la Reine-sa-Mère, ses petits chéris non nommés mais les illustrations montrent des monstres, des crapauds et des bestioles en tous genres, et toute sa liberté... Elle va donc mettre les différents princes candidats au défi de lui plaire. Sans succès jusqu'à ce que débarque le Prince Flambard qui ne se doute nullement de son sort futur. L'histoire est très comique et politiquement incorrecte, ce qui la rend encore plus drôle.

On retrouvera l'explosive créature de Babette Cole vingt ans plus tard dans "Vive la Princesse Finemouche" (traduit de l'anglais, Seuil Jeunesse, 40 pages, 2005). La Princesse Finemouche est cette fois bien décidée à avoir un bébé toute seule, puisqu'elle adore jouer avec des bébés dragons. "Du moment que je n'ai pas à épouser un de ces abrutis de princes", glisse-t-elle. Elle va le faire dans cette histoire dingue et hilarante, pleine de références aux contes et qui réserve une fameuse surprise à l'arrivée.

3. Mère?

Premier de ce qui sera une série extrêmement réjouissante, l'excellent "Le problème avec ma mère" (traduit de l'anglais par Marie-France de Paloméra, Seuil Jeunesse, 1983, "J'ai un problème avec ma mère", Gallimard Jeunesse, 1996). Il met en scène un petit garçon qui a une maman bien étrange, qui vit dans une drôle de maison aux créatures fabuleuses. Tous ses copains l'envient. Tant le texte que les illustrations sont enthousiasmantes car son secret n'est pas dévoilé tout de suite (sauf sur la couverture de la version poche).

En 2003 paraîtra la compilation de quatre des histoires burlesques de Babette Cole, sous le titre "Le problème avec..." (traduit de l'anglais par Marie-France de Paloméra, Seuil Jeunesse, 128 pages, 2003). Elles rassemble les albums "Le problème avec ma mère" (1983), "Le problème avec mon père" (1985), inventeur de robots, "Le problème avec ma grand-mère" (1987), extraterrestre, et "Le problème avec mon grand-père" (1988), jardinier aux légumes démesurés. Toujours le sens de l'observation, l'humour utilement grinçant et l'imagination délicieusement farfelue de l'auteure. Quatre ans après la sortie de "Le problème avec mon oncle" (Seuil Jeunesse, 1999), pirate de son état.

4. Divorce?

Comment traiter du douloureux thème du divorce sans sortir les mouchoirs ni éluder les problèmes? En faisant appel à l'extraordinaire Babette Cole et à son album intitulé - marque déposée - "Le dé-mariage" (Seuil Jeunesse, traduit de l'anglais, 1997).
On y fait la connaissance de Démitrius et Clara Lamoureux, deux enfants parfaits mais tristes car leurs parents ne sont d'accord pour rien. Ou plutôt si: ils sont toujours d'accord pour ne pas être d'accord! La Britannique a concocté de formidables pages où elle épingle les travers et offre l'espoir. Sous l'apparence d'une gigantesque farce, "Le dé-mariage" est une histoire morale.


Et tous les autres

Et puis il y a tous les autres, si rigolos, si taquins, si joyeux, rendant différente la vision du quotidien.


Qui a volé le monstre?
Babette Cole
traduit de l'anglais par Dominique Lamb
Nathan, 1983

Le poney Pégase et ses amis recherchent, trouvent et récupèrent le dragon volé à Fergus Mac Miche. Une folle équipée qui fourmille de situations cocasses.


Gare au vétérinaire
Babette Cole
traduit de l'anglais par Jean-Pierre Carasso
Seuil Jeunesse, 1984

Deux vétérinaires se querellent et se chamaillent sur un concours à juger. L'un des deux gruge l'autre. Pour se venger, celui-ci lui joue un tour. A son réveil, il a récupéré une queue et des cornes... Les animaux qu'il va ausculter filent droit mais les gens se moquent de lui.


Le crocodile amoureux
Babette Cole
traduit de l'anglais par Monique Chassagnol
Seuil Jeunesse, 1986

Kanghi le crocodile est tombé fou amoureux d'une autruche, à laquelle il essaie d'apprendre à voler. Mais ce n'est pas réciproque, et finalement, il comprendra que les autruches sont faites pour les autruches, et les crocodiles pour les crocodiles. C'est ce que lui apprendra Kalula, crocodile avec laquelle il va finalement se marier.


Vas-y Léon!
Babette Cole
traduit de l'anglais par Marie-France de Paloméra
Seuil Jeunesse, 1988

Le rat Léon est nul en calcul, nul en orthographe,.. Nul en tout? Non, en sports, Léon est génial. C'est pour cela qu'il est invité à participer à la grande compétition qui oppose différentes écoles. C'est un triomphe: Léon dépasse tout le monde d'une bonne longueur. Mais c'est compter sans le mauvais esprit des autres concurrents qui lui tendent un piège. Notre Léon, qui a plus d'un tour dans son sac, prendra brillamment sa revanche en adaptant à sa condition de rat blessé à la patte les recettes du marsupilami. Les illustrations percutantes soulignent agréablement l'humour de cet album. Deux leçons à retenir: les méchants ne sont pas les plus forts; ceux qui ne sont forts qu'en sports peuvent, en plus, être malins et sympathiques.


Joyeux anniversaire
Babette Cole
Ron Van Der Meer
adapté de l'anglais par Marianne Cockenpot
Seuil Albin Michel Jeunesse, 1990

Un album animé, le seul à ma connaissance en grand format.


Il y aura quelques années plus tard, en 1995, la série animée des "Mini-Babette" au Seuil Jeunesse, "Les poissons", "Les chats", "Les poneys" et "Les chiens"
















Et, en 1997, encore des mini-albums animés sur sa famille cette fois, "Mon frangin", "Ma frangine", "Ma maman" (Seuil Jeunesse). "Dad" a-t-il été traduit en français?













Cet amour de Cupidon
Babette Cole
traduit de l'anglais par Marie-France de Paloméra
Seuil Jeunesse, 1990

Nul n’est à l’abri des flèches de l'affreux moutard dénommé Cupidon qui vise avec art. Variations à l'humour ravageur sur un thème célèbre.


Hourra Ludvina!
Babette Cole
traduit de l'anglais par Marie-France de Paloméra
Seuil Jeunesse, 1991

Ludvina est une ratonne forte en maths qui voudrait devenir chirurgienne. Elle est tellement calée qu'elle arrive dans une pension ultra-chic, pleine d'autres ratonnes atrocement pimbêches. Les jalouses lui font endurer un calvaire, allant jusqu'à la faire accuser de vol. C'est sans compter sur Léon, le frère de l'accusée qui viendra à sa rescousse. La fin est inattendue, prouvant que la vie sourit à ceux et celles qui en veulent. Un livre un peu plus sérieux qu'à l'habitude, évoquant avec humour les problèmes de cohabitation, d'organisation sociale et de hiérarchie dans un groupe.

Tarzanna!
Babette Cole
traduit de l'anglais par Marie-France de Paloméra
Seuil Jeunesse, 1991

Fidèle à sa pensée féministe, Babette Cole s'est emparée de Tarzan pour en faire une Tarzanna. Celle-ci quitte la jungle et ses animaux pour Charlie et son pays. Ils retourneront à la jungle après avoir libéré les animaux du zoo. Les beaux-parents seront de la partie. Une suite de rebondissements drôles et amusants.


Médechien de famille
Babette Cole
traduit de l'anglais
Seuil Jeunesse, 1993
retitré Docteur Dog en 2006

Docteur Dog, le chien-médecin des Gumboyle, vit dans des situations rocambolesques, comiques et parfois périlleuses! Qu'il s'agisse de soigner ses patients, de sauver des vies ou de régler les problèmes familiaux, ce héros sympathique et toujours prêt à apporter son aide à ceux qui en ont besoin.


Fais pas ci, fais pas ça
Babette Cole
traduit de l'anglais
Seuil Jeunesse, 1995

Un traité de civilités par Babette Cole!  Connaissant son humour ravageur, on aura vite compris que ses conseils, trucs et astuces qui apprendront aux plus terribles des enfants à devenir charmants sont la source d'une vaste rigolade. Le rapport entre le texte, sobre, et les images, des aquarelles caricaturales, est détonnant. L'auteur présente une série de catastrophes domestiques résultant d'actes, somme toute, communs à la plupart des enfants: oublier de fermer les robinets, négliger de ranger ses jouets... Quel tourbillon de situations épouvantables (pour les parents), mais si bien observées! Les enfants les apprécieront à leur juste valeur et n'auront cesse de suivre ces conseils puisque la dernière page cataclysmique rappelle que, même si on ne réussit pas du premier coup, l'important est d'essayer!


Raides morts
Babette Cole
traduit de l'anglais
Seuil Jeunesse, 1996

Pourquoi devient-on vieux, chauve et ridé? C'est quoi mourir? Et après la mort? Deux jeunes enfants demandent à leurs grands-parents pourquoi ils sont "tout vieux, tout chauves et tout ridés"? Les grands-parents leur font alors le récit, drôle à souhait, de leur longue vie jusqu'à aujourd'hui. Des questions essentielles et les réponses à mourir de rire de Babette Cole.


Sale gosse!
Babette Cole
traduit de l'anglais
Seuil Jeunesse, 1998

L'histoire d'une jeune fille charmante, Agrippine Coudenet qui répond au doux sobriquet de Sale Gosse. Un vrai petit monstre qui n'arrête pas de faire des bêtises, péter, roter, cracher et cultiver toutes sortes de mauvaises habitudes. Le jour de son anniversaire, Sale Gosse exige une fête sans se douter que des monstres encore plus terribles qu'elle viendront semer la panique!


Le prince, la princesse et le p'tit roi
Babette Cole
traduit de l'anglais par Marianne Cockenpot
Seuil Jeunesse, 112 pages, 1999

Ce livre est la compilation de trois titres rigolos de l'auteur: "Le prince Gringalet" (1987), "La princesse Finemouche" (1986) et "Le p'tit roi Chamboule-tout" (1988). Respectivement une version gag de Cendrillon, le portrait d'une allergique au mariage et la transformation d'un bébé-prince anarchiste en monarque doué et aimé.


J'ai une peur bleue des animaux
Babette Cole
traduit de l'anglais
Seuil Jeunesse, 2000

Tom a une frousse terrible des animaux. Un album rigolo, prenant, exagéré comme on les aime et à la conclusion magistrale!


Poils partout
Babette Cole
traduit de l'anglais
Seuil Jeunesse, 2000

Pourquoi maman a des seins et pas moi? Pourquoi Papa a des poils là où j'en ai pas? Et pourquoi ma copine est formée et pas moi..? Nounours explique que M. et Mme Hormones sont responsables de toutes ces mutations. Tout est passé en revue: les règles, l'érection, la mauvaise humeur de l'adolescence, la voix qui mue, les odeurs sous les bras par une Babette Cole qui n'y va pas par quatre chemins.


Monamour
Babette Cole
traduit de l'anglais
Seuil Jeunesse, 2001

Imaginez une situation des plus classiques: Madame, Monsieur et le chien délicieusement baptisé "Monamour". Babette Cole n'a pas son pareil pour dédramatiser les pires situations, en offrant aux jeunes lecteurs de franches rigolades et des émotions justes. Le chien dont il est question prend très mal l'arrivée dans la famille d'un bébé qui lui bouffe son espace. En résumé, il n'en a que faire. L'auteure va composer des illustrations où une série de maximes de circonstance en ce 14 février de Saint-Valentin, "l'amour, c'est le partage"; "l'amour soulève des montagnes"; "l'amour, c'est parfois faire des folies", prennent forme dans des interprétations câlines: le chien apporte une souris au bébé, soulève son berceau, fait la bringue avec ses copains. Des applications vite arrêtées par le couple des parents la plupart du temps, par la simple réalité à d'autres moments. En parallèle du désarroi d'un Monamour jaloux - il quitte même le toit familial - s'élabore la prise de conscience et la verbalisation par les parents de leur amour pour leur aîné. Tout cela est aussi subtil qu'inattendu tant dans le texte que dans les images, et terriblement séduisant.


Les bonnes manières
Babette Cole
traduit de l'anglais
Seuil Jeunesse, 2001

"Maintenant que vous êtes grands, dit la comtesse Lupin à ses enfants, il est temps pour vous d'apprendre l'art du savoir-vivre. - Qu'est-ce que cela veut dire, chère mère? demande la petite Marie-Charlotte. - Cela signifie se comporter en chien bien élevé, afin de plaire à chacun, répond la comtesse." La comtesse Lupin, aristocrate, lévrier d'Écosse et mère de famille nombreuse, enseigne les bonnes manières à ses enfants. Tout ce qu'il faut savoir sur l'étiquette...


Le livre fou, gluant, puant, poilu
Babette Cole
traduit de l'anglais
Seuil Jeunesse, 128 pages, 2002

La compilation de quatre titres alors manquants de la  Britannique impayable qui, avec ses aquarelles inimitables, marie humour et imagination, causticité et respect des enfants: "Livre qui pue", "Poilus, velus, barbus", "Livre stupide"et "Le livre fou", jusque-là inédit en français. Une escapade vers l'extravagance en quatre étapes qui consigne les redoutables observations de la société par la spirituelle Babette Cole.


Maman ne m'a jamais dit... 
Babette Cole
traduit de l'anglais
Seuil Jeunesse, 40 pages, 2003

Un inventaire réussi des questions enfantines ne trouvant pas toujours réponse. Ces secrets auxquels le héros est sûr de participer quand le moment sera venu mais dont il a déjà une idée fort précise maintenant: pourquoi il doit aller à l'école alors que sa mère - enceinte - en a été renvoyée, d'où vient le nombril, pourquoi ses parents aiment s'isoler dans leur chambre... Veine humoristique et finesse pour aborder les grandes questions de la vie.


Moutard: mode d'emploi
Babette Cole
traduit de l'anglais
Seuil Jeunesse, 2004

Un album qui explique tout ce qui est nécessaire aux futurs propriétaires. Bons et mauvais moutards se font face de double page en double page, catalogue discret de ce qui est, ou n'est pas, une bonne alimentation, une bonne digestion, etc. Les différents systèmes du corps humain sont abordés sous l'angle de la dérision, les titres des chapitres faisant plus référence à la mécanique qu'à un être vivant: arrivée d'air pour appareil respiratoire, système d'injection pour circulation du sang, châssis pour squelette. Et ainsi de suite... Le procédé est fort amusant et les illustrations remplies de détails très méchants ou très drôles, ou les deux. Et on comprend tout de suite les passionnantes discussions qui peuvent naître à la lecture de ce catalogue peu commun.

C'est pour ça!
Babette Cole
traduit de l'anglais par Philippe Paringaux
Seuil Jeunesse, 2007

Ziggi se demande pourquoi il est venu au monde. Embarquement pour le grand vol de la vie en compagnie de ce jeune ado aux cheveux longs, qui joue mollement de la guitare dans sa chambre en se demandant quelle est sa raison d'être et pourquoi tout va si mal. Un vrai ado! Alors que sa triste complainte s'élève dans le ciel, une étoile (sous forme de licorne) lui rend visite. "Accroche-toi", dit-elle, "tu vas faire la balade de ta vie et, ensuite, tu chanteras une tout autre chanson!"  S'en suit un voyage initiatique de "Qui sont tes parents et pourquoi t'ont-ils donné la vie?" à "Pourquoi tes professeurs t'ennuient avec toutes ces choses à apprendre?" Finalement, Ziggi trouvera sa raison d'être. Dans la musique. "Peu importe qui tu es, peu importe d'où tu viens. Nous sommes tous là pour unir nos énergies. C'est comme la musique - tout plein de notes composent une parfaite mélodie!"



(c) Babette Cole.