Nombre total de pages vues

mardi 28 février 2017

Décès de l'auteur-illustrateur James Stevenson

James Stevenson était-il gaucher?

En cherchant le titre exact d'un album pour enfants de l'Américain James Stevenson, internet m'apprend son décès récent, le 17 février dernier, à l'âge de 87 ans. Il était né le 11 juillet 1929.

Il était l'auteur d'une bonne centaine de livres pour enfants au style aisément reconnaissable dont une trentaine a été traduite en français dans les années 1980 et 1990. Principalement à l'école des loisirs. Curieusement, ces livres proches de la bande dessinée, bourrés d'humour et finement observés se vendaient mal en français. Quel talent pourtant pour dédramatiser les situations du quotidien des enfants.

James Stevenson a tout raconté: une pluie continuelle (lire ici), l'entrée à l'école, les terreurs nocturnes, les longs voyages en voiture, un déménagement, l'ennui... Ses jeunes personnages, Marie-Anne et Louis, confrontés à une situation qui leur est désagréable, s'en vont confier leurs soucis à leur grand-père qui leur raconte comment, quand il était lui-même petit, a été mis en présence du même problème, mais dix fois ou cent fois plus fort qu'eux, et comment il s'en est sorti en compagnie de son frère Eddy. L'album se terminant par l'arrivée impromptue d'Oncle Eddy et la dégustation à quatre d'une glace à la fraise. Humour et empathie chez ce grand-père rigolo que James Stevenson a toujours représenté petit avec sa moustache! Ce n'était vraiment pas mieux avant, mais bien pire!

Stevenson s'est aussi lancé dans de délicieuses histoires de sorcières ou de famille ou de mer. Il savait tout faire, ferrant son lecteur dès les premières pages et le menant avec drôlerie ou tendresse jusqu'au dernier mot.

Susan Hirschman, aujourd'hui à la retraite mais qui fut son éditrice chez Greenwillow Books, dit à son propos:
"Chacun de ses livres est différent. Il n'y a pas de mièvrerie, pas de bavardage mais une telle tendresse et une telle vérité. Je pense qu'il avait compris que l'honnêteté est la clé de l'album pour enfants."


James Stevenson a aussi été un des illustrateurs les plus prolifiques du "New Yorker" pendant près de cinquante ans, de 1956 à 2003. Il lui a confié 1988 dessins, rapporte le "New York Times"!


Seul un titre jeunesse de James Stevenson existe encore en français.

"Un jour affreux"
James Stevenson
traduit de l'américain par Michèle Poslaniec
l'école des loisirs, 1985

La rentrée des classes.




Mais on a eu, par date de parution décroissante, les albums suivants. Les anciens s'en souviendront avec émotion et joie.

"Ne me fais pas rire"
James Stevenson
traduit de l'américain par Anne-Sylvie Homassel
Autrement Jeunesse, 2000

Pas le droit de rire en lisant ce livre.


"Brrr!"
James Stevenson
traduit de l'américain par Isabelle Reinharez
l'école des loisirs, 1991

Un hiver terriblement froid.



"Le Lendemain de Noël"
James Stevenson
traduit de l'américain par Michèle Poslaniec
l'école des loisirs, 1991

Deux jouets abandonnés près des poubelles sont sauvés par le chien Charlie.


"Percy et les cinq maisons"
Else Holmelund Minarik
James Stevenson
traduit de l'américain par Isabelle Reinharez
l'école des loisirs, Renardeau, 1990

Quelle est la meilleure maison pour un castor?
"Vite! Tourne la page!"
James Stevenson
traduit de l'américain par Isabelle Reinharez
l'école des loisirs, 1990

Pour se faire ses propres aventures.


"Et Lionel, c'est lequel ?"
James Stevenson
traduit de l'américain par Isabelle Reinharez
l'école des loisirs, 1990

Trois petites histoires marines.



"Une horrible pluie"
James Stevenson
traduit de l'américain par Alain Broutin
l'école des loisirs, 1988

Quand il n'arrête pas de pleuvoir...

"Voudriez-vous bien nourrir notre chat ?"
James Stevenson
traduit de l'américain par Michèle Poslaniec
l'école des loisirs, 1987

Nourrir le chat du voisin absent.


"On ne sait pas quoi faire"
James Stevenson
traduit de l'américain par Michèle Poslaniec 
l'école des loisirs, 1986

Quand on s'ennuie à la ferme.
"Pas d'amis"
James Stevenson
traduit de l'américain par Michèle Poslaniec
l'école des loisirs, 1986

S'ennuyer dans un nouveau quartier.
"Un été avec mon grand-père"
Helen V. Griffith
James Stevenson
traduit de l'américain par Sophie de Vogelas
Gallimard Jeunesse, 1986

La magie de la campagne.


"On est bientôt arrivé?"
James Stevenson
traduit de l'américain par Isabel Finkenstaedt
Père Castor/Flammarion, 1986

Un interminable voyage en voiture.





"Emma"
James Stevenson
traduit de l'américain par Michèle Poslaniec
l'école des loisirs, 1985

Une histoire de sorcières.
"Des amis terribles"
James Stevenson
traduit de l'américain par Michèle Poslaniec
l'école des loisirs, 1985





"Beurk!"
James Stevenson
traduit de l'américain par Michèle Poslaniec
l'école des loisirs, 1985

Concours de potions magiques chez les sorcières.


"Un jour affreux"
James Stevenson
traduit de l'américain par Michèle Poslaniec
l'école des loisirs, 1985

La rentrée des classes.


"La chasse à l'ours"
Wilson Gage
James Stevenson
Gallimard Jeunesse, 1985

Est-ce l'ours qui court après le chasseur, ou  le chasseur qui poursuit l'ours?
"Pire que Pierre"
James Stevenson
traduit de l'américain par Michèle Poslaniec
l'école des loisirs, 1984

Un nouveau bébé est arrivé.
"L'œuf de Pâques"
James Stevenson
traduit de l'américain par Michèle Poslaniec
l'école des loisirs, 1984



"Mon amie la vieille dame"
Charlotte Zolotow
James Stevenson
traduit de l'américain par Marie Farré
Gallimard Jeunesse, 1984

Une vieille dame comme on les adore.

"Qu'y a-t-il sous le lit?"
James Stevenson
traduit de l'américain par A.Colin-Bourrelier
l'école des loisirs, 1983

Peurs après l'histoire du soir.

"On n'a pas sommeil"
James Stevenson
traduit de l'américain par Michèle Poslaniec

l'école des loisirs, 1982


"Le vagabond et l'OVNI"
Janet Schulman
James Stevenson
traduit de l'américain par Catherine Deloraine
Père Castor Flammarion, 1982

Conte écologique et fantaisiste.


"Olivier, Laurent et Violette"
James Stevenson
traduit de l'américain par Michèle Poslaniec
l'école des loisirs, 1982

Un raton laveur, une tortue et un dindon construisent un barrage et un radeau.

"La Machine à souhaits"
James Stevenson
traduit de l'américain par Michèle Poslaniec
l'école des loisirs, 1982

Tenter de renoncer à son dernier souhait émis.

"Monsieur Grincheux"
James Stevenson
traduit de l'américin par Catherine Chaine
l'école des loisirs, 1981

Un monsieur qui n'aime personne.

"Gaspard"
James Stevenson
traduit de l'américain par Catherine Chaine
l'école des loisirs, 1981

Un jeune canard se lie d'amitié avec une grenouille et trois petites souris, à New York.

"Hôtel Beaurivage"
James Stevenson
traduit de l'anglais par Catherine Chaine
l'école des loisirs, 1979

Vacances à l'hôtel.



"Monty"
James Stevenson
traduit de l'américain par Michèle Poslaniec
l'école des loisirs, 1982

Aller à l'école en traversant la rivière sur le dos d'un crocodile.


"Nestor, Hector, Victor et Fred"
James Stevenson
traduit de l'américain par Catherine Chaine
l'école des loisirs, Joie de lire, 1979

Fratrie et solidarité.

Des cailloux aux prochaines Nuits d'encre

L'affiche 2017.

Mais que diable le mot "Cairns", thème du 24e festival Les Nuits d'encre qui va se tenir du 8 au 29 mars en Brabant wallon, veut-il donc dire? On trouve un bout d'explication dans l'affiche que lui consacre Anne Herbauts, coprogrammatrice de la partie jeunesse comme Antoine Wauters l'est de la partie adulte. Un mot français, contrairement à ce que son apparence pourrait suggérer, mais avec une origine celtique.

Une recherche sur internet me dit qu'un "cairn" ou "montjoie" désigne un amas artificiel de pierres placé à dessein pour marquer un lieu particulier.

Je comprends mieux pourquoi je retrouve dans ce festival littéraire ma chère Anne, auteure d'albums où se répondent textes et images. Le lien avec sa dernière exposition en date, "Là où la forêt fait un bruit de mer", à Boitsfort (lire ici), est clair.

Anne Herbauts.
Voici ce qu'Anne Herbauts écrit
sur le sujet.

CAIRNS
Pierres cairns cailloux. 
Mots jalons pour interroger la langue et l'écriture. 
Sens des mots, pouvoir des mots, besoin d'écrire. 
Grands mots, ou mots minuscules. Mots anodins d'éboulis ou mot montagne majestueux. 
La langue et l'écrit et le dit au centre. 
L'empilement des mots, leur agencement. 
Les mots qui font image. Les mots qui font paysage, pays. 
Les mots de l'homme. Du langage.
Poser ou glaner. Egarer ou tracer les phrases, les phases du texte. 
Écrire. Comme s'écrit une vallée avec des traces de moraines. 
Sous le caillou et sous le mot. 
Mots proches et pierres lointaines - mots météores. 
Partir du caillou comme centre d'ondes dans une flaque-miroir de ciel et frondaisons. 
La beauté brute de la langue, l'agencement des mots pour faire cairns. 
Mots en bouche et goût de terre. 
Répétition, bégaiement, phrases caillouteuses. 
Ou lisses comme galet-ruisseau. 
Les facettes irrégulières et rocheuses qui font le sens des mots. 
Le silex comme un œuf qui tranche. 
Le mot outil. 
Le mot ivresse. La crête de caillasse qui cède sous les pas et décroche un bruit d'éboulis quand on lit le livre, quand on dit les mots. Qui remue l'âme et l'esprit.
Le caillou comme départ, banal et magistral.


Antoine Wauters.
D'Antoine Wauters, on n'a plus eu de livre depuis 2014 et son premier roman, l'excellent "Nos mères" (Verdier, lire ici). Mais il a de bonnes excuses. Il est aussi poète et scénariste de film ("Préjudice" d'Antoine Cuypers, 2015), quand il ne dirige pas l'une ou l'autre collection chez un éditeur.


A propos des "cairns", il écrit.

"Pour moi, si l’écriture a un rapport avec la pierre, c'est avec les plus petites d’entre elles, lesvgrains de sable et les infimes poussières qu’on porte en nous. Mon travail, c'est de jouervavec elles, avec ce qui ne parle pas, ce qui se cache, ce qu’on ne parvient pas à dire. Quelquefois, perdu dans ces poussières, j'aperçois des visages familiers: ma mère, ma grand-mère. Elles me font signe, ont des gestes en ma direction. Dans leurs bouches, on leur a mis des pierres et des cailloux. Alors, ce que je fais, c'st les casser, casser ces choses qui les tuent à petit feu, qui les musèlent, qui les étouffent. Je crois qu'crire, c'est aller vers davantage de vie, de joie, jour après jour, en se répétant que les poussières peuvent être récupérées. Que tout ce qui est dévasté peut devenir rond, rond encore, comme un vase. Que c'est possible.
Je pense aussi à ce passage, dans "Nos mères" où il est question de "cairns", précisément: "Par instinct de survie, nous ramassons les cheveux, les restes de la tonte dispersés à nos pieds, et en faisons provision, un temple, un édifice. On appelle ça, dans le dictionnaire français à côté de nous, de la librairie Antoine, page de droite, 313, on appelle ça un "cairn": pyramide de pierres élevée par des alpinistes, des explorateurs, comme point de repère ou marque de leur passage. Et voilà. Voilà ce que fait l'enfant que nous sommes par instinct de survie, en guise de point de repère ou marque de son passage: il amasse devant lui quantité de mèches de cheveux pour en faire un cairn et ne pas devenir fou. Ne pas perdre la boule!".
Écrire, c'est ça: élever des cairns. Laisser des traces. Se souvenir de notre douleur mais aussi - surtout - de notre joie. Il reste en nous beaucoup de joie. Ne l'oublions jamais !"


Au programme de ces Nuits d'encre, détaillé sur le site dédié, rencontres avec les deux parrains, rencontre culino-littéraire, spectacles, lectures, ateliers d'écriture et ateliers pour enfants, exposition, balades littéraires, poésie sans oublier la nuit de la création le vendredi 24 mars.



lundi 27 février 2017

Un Midi de la poésie consacré à Hannah Arendt


L'an dernier, en recevant à l'Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique (ARLLFB) le prix Léopold Rosy pour son essai "Reductio ad Hitlerum" (Presses universitaire de France, 2014), François De Smet citait Hannah Arendt parmi ses "maîtres à penser", soit "tous ceux et celles qui questionnent les évidences" (lire ici).

François  De Smet.
C'est donc François De Smet, philosophe, scénariste et directeur de Myria (Centre fédéral Migrations), qui coordonne la prochaine séance des Midis de la poésie. A la veille de la journée de la femme du 8 mars, elle aura pour thème "Hannah Arendt, ou le mal comme absence de pensée".

Hannah Arendt (1906-1975) est la philosophe et politologue qui marqua les esprits au XXe siècle, notamment quand elle écrivit sur la banalité du mal. Sujet qui revient hélas de plus en plus sous les feux de l'actualité. Femme, juive, Allemande de naissance, naturalisée Américaine, écrivaine, elle fut aussi une sacrée plume qu'on découvrira dans les extraits de "Eichmann à Jérusalem" qui seront lus. Un livre publié en 1963, deux ans après le procès Eichmann qui se tint à Jérusalem et auquel elle assista.

Flonia Khodeli.
Les textes seront lus par la comédienne belge d'origine albanaise Flonia Khodeli. Arrivée avec sa famille en Belgique en 1993, elle a obtenu un premier prix de piano et de musique de chambre au Conservatoire Royal de Musique de Mons. Elle s'est ensuite formée au métier de comédienne au Cours Florent à Paris. Flonia Khodeli a composé des musiques pour les films "Chimio", "Waiting", "Hors les murs", dans lequel elle a aussi joué.


Trois questions à François De Smet

Pourquoi avoir fait le choix de Hannah Arendt pour cette séance des Midis de la poésie qui a lieu la veille de la journée de la femme?
C'est une proposition des Midis de la Poésie. Mélanie Godin (ndlr: directrice des Midis de la poésie) m'a entendu parler de Hannah Arendt et de sa banalité du mal lors d’une manifestation publique et a eu l'idée de me demander de creuser l'idée pour cette occasion. Par ailleurs, c'est vrai, elle est la plus grande figure féminine de la pensée politique, et de la philosophie. Ses apports sont majeurs, selon moi, pour comprendre le monde aujourd'hui. 
Qu'a Hannah Arendt à nous dire aujourd'hui et comment est-elle actuellement perçue?
Son interrogation sur les totalitarismes est célèbre. Mais je dirais que son immense plus-value est d'avoir constamment tenté de comprendre les phénomènes d'ensemble, d'un point de vue macro, tout en creusant sans relâche les tréfonds de l'âme humaine elle-même. Elle restait, je pense, à l'affût de tous les moments dans lesquelles les histories individuelles rejoignent la grande histoire. Elle restera, j'en suis sûr, un témoin-clef de ce vingtième siècle si guerrier, si effrayant, et pourtant si passionnant sur la nature humaine elle-même. 
Pourquoi avez-vous choisi dans son œuvre les textes sur Eichmann à Jérusalem?
C'est une œuvre très connue, mais son choix m'a paru évident. D'abord à cause du sujet. La question du mal, banal ou non, n'a plus cessé de nous hanter et est encore au cœur des débats de société aujourd'hui. Ensuite à cause du style. "Eichmann à Jérusalem" est une compilation des articles qu'Arendt a rédigés pour le "New Yorker" durant le procès. C'est un style tantôt journalistique, tantôt anecdotique, tantôt philosophique qui est agréable à lire, permet son appréhension par chacun et - je l'espère - se révélera dès lors aussi agréable à écouter.

Pour mieux connaître la vie de Hannah Arendt, et non sa pensée, on peut se référer à la bande dessinée de Béatrice Fontanel et Lindsay Grime, "Hannah Arendt" (Naïve, 2015, lire ici).


"Eichmann à Jérusalem" est justement une des lectures d'approfondissement des connaissances que propose François De Smet à la fin de l'excellente bande dessinée en petit format tout juste parue, "Les droits de l'homme, une idéologie moderne" dont il a écrit les textes et que Thierry Bouüaert a remarquablement illustrée (consistant avant-propos de David Vandermeulen, Le Lombard, collection "La petite bédéthèque des savoirs", 88 pages).

Quel défi que de présenter de manière brève mais attrayante les droits de l'homme? Par où commencer? Que conserver? Que raconter? François De Smet s'en sort admirablement parce qu'il a l'idée de donner la parole à la Déclaration universelle des droits de l'homme elle-même! C'est elle qui s'adresse au lecteur en le tutoyant. Et cela marche du tonnerre. Moi qui suis née pile dix ans après elle, mais à Bruxelles, pas à Paris, j'en atteste. Cette BD truffée de détails visuels, dont la sempiternelle bougie à barbelés, est une réussite. Elle nous entraîne dans le laborieux chemin qui a mené à l'élaboration des articles. Elle rappelle qu'on sort tout juste de la Seconde Guerre mondiale, que les équilibres mondiaux ne sont pas les mêmes qu'aujourd'hui. La situation économique non plus. Les compromis et les arrangements présents mais le but final omniprésent. Surtout que se confrontaient plusieurs visions du monde entre Orient et Occident, Nord et Sud, Amérique et Europe.

Le lecteur est constamment interpellé.(c) Le Lombard.

Il est passionnant de découvrir les étapes de cet immense travail de rédaction, autant à travers les textes prenants mais informatifs qu'à travers les images aux teintes sourdes de Thierry Bouüaert. Ce dernier croque les gens célèbres de telle sorte qu'on les reconnaît facilement, la confirmation de leur nom venant souvent un peu plus loin dans le texte. Il rappelle avec intelligence les grands événements historiques. Personnes et lieux se complètent agréablement pour illustrer le manque d'attention aux droits de l'homme. Des droits qui ont été souvent bafoués mais dont le cerveau garde en mémoire les photos d'événements terribles que le dessinateur reprend judicieusement à son compte, mariant photo de presse, bande dessinée et histoire. En une septantaine de pages en petit format mais rudement bien composées - remplies sans que cela ne déborde -, tout est dit, et si bien dit que le lecteur est complètement remué. Prêt à militer pour la sauvegarde de cette déclaration indispensable mais menacée.

Un dessin en vignette qui sera colorisé en brun. (c) Le Lombard.

A lire absolument parce que la presque septuagénaire Déclaration universelle des droits de l'homme est plus que jamais d'actualité, aujourd'hui et demain. L'homme sait qu'il est une menace pour lui-même. Pour ados et adultes.

Un dessin pleine page. (c) Le Lombard.


Pour lire un extrait de la bande dessinée "Les droits de l'homme", c'est ici.



Infos pratiques
Midi de la poésie: "Hannah Arendt, ou le mal comme absence de pensée".
Date: mardi 7 mars, de 12h40 à 13h30.
Lieu: Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique (Petit auditorium), rue de la Régence, 3, 1000 Bruxelles.
Entrée: 6 € (3 € si réduction).
Réservation: info@midisdelapoesie.be ou 0485/32 56 89.


RATP, femmes, livres et l’œil d'Audrey Siourd

Audrey Siourd est aussi pianiste. (c) Gérard Cambon.

L'autre soir à Bruxelles, Saliha, ma voisine de chaise, me dit:
- "Attends, je sors tout juste du métro. Je range mon livre."
- "Ah bon, tu lis dans les transports en commun?"
- "Oui, toujours, et je suis loin d'être la seule."

L'affiche de l'exposition.


Je ne prends pas assez le métro bruxellois pour le savoir mais j'ai confiance en ma bibliothécaire chérie. Sa remarque me fait immédiatement transplaner à Paris où se déroule jusqu'au 5 mars (de 16 à 20 heures) l'exposition visuelle et sonore d'Audrey Siourd "Les Liseuses de bonne aventure (Instantanés de femmes qui lisent dans le métro)". C'est à la galerie La Ville A des Arts, Villa des Arts, 15 rue Hégésippe Moreau, Paris 18.

Une déclinaison parfaite de la phrase de Daniel Pennac extraite de "Comme un roman" (Gallimard):
"Le temps de lire est toujours  du temps volé.  C'est sans doute la raison  pour laquelle le métro  se trouve être  la plus grande bibliothèque  du monde."

Des "liseuses" donc, comme le mot qui désigne les tablettes numériques. Ou celui qui, au singulier, est le titre d'un très beau roman de Paul Fournel (P.O.L., 2012, lire ici en fin de note). Mais des "liseuses" bien vivantes même si elles paraissent être ailleurs que dans le métro.


(c) Audrey Siourd.

(c) Audrey Siourd.

Assises le plus souvent, mais parfois debout ou en mouvement sur un tapis roulant, des femmes lisent. Chacune est dans son livre, dans sa lecture, comme hors du monde ou hors du temps, saisie avec émotion et respect.

Parvenir à de telles attitudes dans les sous-sols parisiens, c'est cela, la magie et la grâce de la littérature.  Encore faut-il qu'un œil féminin, muni d'un appareil photographique, soit là pour capturer ces moments, ces attitudes, ces présences-absences. Cet œil, c'est celui d'Audrey Siourd, femme multiple. Attachée de presse dans l'édition, musicienne, parolière, compositrice, photographe, sans oublier sa vie privée.

Elle nous dit être née le 19 octobre 1976, sans trop savoir ce qu'il s'est passé ce jour-là. Ce jour-là était un mardi où il ne s'est pas passé grand-chose à l'échelle (inter)nationale. Mais la jeune femme partage sa date de naissance avec Agnès Jaoui (1964), Giulia Sarkozy (2011), John Le Carré (1931), Laurent de Belgique (1963), Philip Pullmann (1946) et même Pierre Alechinsky (1927).

(c) Audrey Siourd.

"Il y a un an", explique Audrey Siourd, "une femme aux cheveux carmin  s'est assise en face de moi dans le métro et a ouvert  un livre. Quelque chose de puissant émanait d'elle.  Une force dans sa concentration m'a captivée.  Elle semblait indifférente au brouhaha alentour.  J'ai eu envie de la photographier. Le lendemain,  une autre lectrice s'est installée près de moi.  Le surlendemain, une autre encore. L'idée de faire  une série de portraits de femmes lisant dans le métro  est devenue une évidence."

"Lire dans le métro, au milieu de la foule et de son bourdonnement, est une activité à la fois fréquente – presque banale – et une acrobatie extraordinaire. Embusquée dans ma rame, je me plais à observer  toutes ces vies qui s'entremêlent et toutes ces histoires contenues dans les livres qui flottent au-dessus  et au-dedans de nous."

"Liseuses de bonne aventure" est un projet artistique plurimédia qui entremêle photographies numériques et bande-son originale (lectures de textes, ambiances sonores et petites pièces musicales).  On peut en écouter un extrait ici. Quelle chance ont les Parisiens de pouvoir découvrir ces liseuses!


(c) Audrey Siourd.







vendredi 24 février 2017

Splitch, splatch, pour contenter un monstre

Il y a des avantages à être, comme Colin Boyd, le beau-fils du célèbre auteur-illustrateur britannique Tony Ross. Celui, par exemple, de publier un premier album inspiré par l'heure du bain de son jeune fils et illustré par Beau-Papa: "Le Monstre du Bain" (pas de mention de traducteur, Seuil Jeunesse, 32 pages). Un ouvrage sympathique, qui ne révolutionne pas le genre, mais permet de se régaler des images de l'ami Tony.

"T'es-tu déjà demandé où allait l'eau sale de ton bain?", commence le texte, posé au-dessus du dessin d'une mère à longs cheveux blonds essuyant son gamin tête en bas. Le rouquin se prénomme Jackson et partage son goût pour "le désordre et la saleté" avec son meilleur ami, le nommé Dexter. On voit le duo à l'action et ce n'est vraiment pas triste, surtout leurs séances de foot dans la boue...

"Non mais regarde-toi! Va te laver immédiatement ou le Monstre du Bain va venir te chercher" est la phrase que Maman répète chaque soir à Jackson. Un monstre bien connu qui a comme second plat préféré l'eau sale de la baignoire... D'ailleurs les glouglous qu'on entend quand l'eau s'en va ne sont que les bruits d'aspiration du Monstre équipé d'une paille spéciale!

Le Monstre du Bain a une paille spéciale, très sonore. (c) Seuil Jeunesse.

En grandissant, le gamin finit par se demander si le Monstre du Bain existe vraiment. Si cela ne l'empêche pas de rentrer encore plus crotté que d'habitude après ses jeux avec son pote, il refuse de se laver. Ce qui, évidemment, ne convient pas du tout au Monstre tapi sous le plancher de la salle de bain qui, faute d'eau sale, va devoir se rabattre sur son plat préféré pour se nourrir...

Le Monstre du Bain existe-t-il ou pas? (c) Seuil Jeunesse.

Un suspense final bien amusant pour cette histoire complètement à hauteur de jeune enfant et superbement illustrée par le grand Tony Ross qui sait soigner les détails. Dès 3 ou 4 ans.


Et aussi

Sur des sujets analogues, mystères de la baignoire ou jeux de boue, on avait déjà eu l'excellent l'album "Veux-tu sortir du bain, Marcelle!" du génial John Burningham (traduit de l'anglais par Catherine Deloraine, Père Castor/Flammarion, 1978, épuisé), où le sérieux monologue maternel s'oppose aux rêves de la jeune héroïne, qui file par la bonde à la conquête d'autres mondes - à propos de John Burningham, lire ici.

Près de quarante ans plus tard, "Le bain d'Abel" d'Audrey Poussier (l'école des loisirs, 2014) emprunte la même idée d'évasion par la bonde pour savoir où va l'eau sale.

Plus près de nous, "La flaque" de May Angeli (Editions des Eléphants, lire ici) célèbre les joies des jeux dans la boue avant le bain final.