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jeudi 29 juin 2017

Humour et tremblements, aliens et terriens

Kesako? Album, bédé, documentaire? Matthieu Sylvander et Perceval Barrier ne s'avancent pas trop à définir leur dernier album jeunesse, "Tout sur les tremblements de terre" (l'école des loisirs, 40 pages), le précédent étant le remarqué "Manoel, le liseur de la jungle" (lire ici). Une gestation lente, six fois celle d'une éléphante, soit onze ans, mais au final, un bébé particulièrement réussi, original, à nul autre pareil, mêlant satire sociale, infos et tablette tactile!

"Tablette tactile". (c) edl.
À la fois livre de géologie et manuel de construction, cet album dont le personnage principal est une tablette tactile, répondant au nom indien de Tablette Tactile et dotée de deux plumes, envoie une solide claque sur le nez de ceux qui se sentent tout-puissants. Une claque solide, mais drôlement bien amenée, longuement pensée. Anaïs Vaugelade qui a épaulé les deux garçons lors de leurs débuts en littérature de jeunesse dit de cet album:
"Il arrive qu'on attende un livre pendant longtemps, qu'enfin il paraisse, et qu'il soit décevant. Il arrive aussi qu'il soit encore mieux que prévu, et (guess what?) c'est le cas de celui-là. Matthieu Sylvander est auteur de textes-à-se-faire-pipi-dessus-de-rire ET sismologue, combinaison assez frappante pour que tout éditeur normal songe à tirer un livre de là, mais les évidences de l'éditeur ne sont pas forcément celles de l'auteur n'est-ce pas? ONZE ANS! Onze années d'insinuations et d'insistances, de harcèlements et de lettres anonymes avec menaces variées pour qu'enfin paraisse "TOUT SUR LES TREMBLEMENTS DE TERRE". De Matthieu Sylvander, avec au dessin le jeune et génial Perceval Barrier. Applaudissements!"
L'histoire se déroule dans la "Plaine Immense et Tremblotante", entre rivière, cactus et tipi. Et, bien sûr, mais on en avait eu un indice dans le titre, tremblements de terre.

"Brooooooooooom", font-ils. Aigle Tremblotant le sait: il voue sa très longue vie à les compter et à entailler le totem en conséquence avec son couteau à compter. Il en a dénombré 2.556.761 quand l'histoire commence. Par Wacondah! Quand elle finira, il en sera à 2.556.767! Entre les deux, de multiples épisodes et une fameuse aventure!

L'arrivée de Bob. (c) l'école des loisirs.
L'Indien est cool, flegmatique même, entre sa tablette, son totem et son tipi. Jusqu'au jour où il reçoit la visite de Bob, un Américain qui a autant la folie des grandeurs (et de son enrichissement) qu'il est dénué de sens pratique. On le voit empiler des briques et des projets de construction comme la Perrette du pot au lait, sans réaliser qu'il est en zone de tremblements de terre. La réalité va vite le rattraper et elle donne lieu à des scènes très comiques. Entre dégringolades de briques et leçons de construction par Tablette tactile, on assimile toutefois les rudiments de la maçonnerie. Ceux de la sismologie lors des expériences de Bob. Et de la géologie grâce à une terre ronde et composée de chocolat (oui oui, et avec noisette en son centre).

Bob et son pot au lait. (c) l'école des loisirs.

Cela peut paraître idiot. Ce ne l'est absolument pas. "Tout sur les tremblements de terre" s'inscrit plutôt dans une nouvelle ligne d'albums, étranges, drôles, riches, instructifs, entre documentaire décalé et fiction teintée d'absurde, rehaussés du talent d'auteurs et d'illustrateurs de qualité.
Comme Anaïs Vaugelade avait donné à l'automne dernier son livre d'anatomie et de bricolage "Comment fabriquer son grand frère?" (lire ici).

Néanmoins, fort des nouveaux apprentissages dispensés par Tablette Tactile, Bob arrive à édifier un immeuble qui résiste à un premier tremblement de terre. Est-il sauvé pour autant? Aigle Tremblotant, qui a revêtu depuis le début le veston de son visiteur, en doute. Et il a une fois de plus raison. "Broooooooom", 2.556767... Et c'est là que l'Indien persévérant entourloupe magnifiquement l'Impatient étranger...

L'album aurait pu s'arrêter là, mais c'était oublier le premier métier de l'auteur: deux pages "bonus" détaillent davantage le métier de sismologue. En chemin, on aura ri, appris et réfléchi à la condition d'humain et au respect de la nature.








Dans une couverture aux tons similaires, jaune et noir, Muriel Zürcher, en culotte aux textes, et Stéphane Nicolet, en slip aux illus, livrent leur hilarant "petit guide de survie de l'alien en milieu humain", titré plus simplement "Terriens mode d'emploi" (Casterman, 64 pages). "Un ouvrage scientifique, drôlatique, cosmique, bref... unique", nous en dit un Copernic chaussé des lunettes roses en forme de cœur de Susie Morgenstern tandis qu'un Galilée armé d'une banane affirme: "Un manuel trop stylé pour grave se poiler... Je me suis régalé!" A noter que le précieux manuel a déjà été traduit en jupitérien.



Qu'y trouve-t-on? Le carnet de notes du Professeur T. Malluné, diplômé en Terrienologie, alien de son état. Une foule d'informations classées en quatre niveaux de difficulté: débutant, intermédiaire, confirmé, expert. Comme si les Terriens étaient cette fois observés par l'autre bout de la lorgnette. Leurs habitudes en prennent pour leur grade, répertoriées par l'imperturbable professeur.

Première leçon. (c) Casterman.
De forme didactique, les textes sont hilarants de bout en bout, par leur humour et leur côté décalé. Qu'ils prennent les mots au pied de la lettre, épinglent des modes de vie étranges à leurs yeux car souvent contradictoires ou émettent des commentaires. Très expressifs, les dessins leur rajoutent encore une solide couche d'humour. Surtout qu'ils détournent régulièrement des éléments visuels connus, tableaux ou photos - la liste des œuvres détournées apparaît en début d'ouvrage. "L'homme de Vitruve" de Léonard de Vinci change d'aspect avec son slip tricoté main en laine qui gratte et le professeur fait remarquer qu'il a dégénéré en cinq siècles en ne possédant plus que 4 tentacules! Les GPS (Grands Professeurs Scientifiques) valent aussi leur pesant de cacahuètes. Sans parler de la technologie utilisée par les Terriens pour étudier les aliens.

Troisième leçon. (c) Casterman.

Le ton est donné, et on n'est encore ici qu'au début du niveau 1. On va avoir droit à un feu d'artifice d'observations on ne peut plus (im)pertinentes sur nos coutumes d'humains qui se verront disséquées de bout en bout mais toujours vues du point de vue de l'alien. Où atterrir (pas dans une cour d'école pendant la récré), apprendre à identifier les humains malgré leurs camouflages, ami ou ennemi, dangers, communication, vocabulaire, dire bonjour, alimentation, famille, loisirs, émotions, animaux domestiques, souvenirs... Ce n'est pas un guide, c'est une encyclopédie!

Même la Tour de Babel de Bruegel l'ancien est analysée. 

Muriel Zücher et Stéphane Nicolet ont dû bien s'amuser en pondant leur ovni. Tant mieux, car ils partagent généreusement avec leurs jeunes lecteurs le plaisir qu'ils ont eu à concevoir ces bienvenues observations sociologiques terriennes. C'est vrai qu'on rigole grave, que ça pique parfois. Bien vu et bien rendu!

Pour découvrir les cinq premières pages de "Terriens mode d'emploi", c'est ici.




mercredi 28 juin 2017

Sieste dans la nature ou goûter sur la Lune?

Sieste. (c) PrincessH.
Cosmonautes en attente de goûter. (c) Dorothée de Monfreid.
















Bon, d'accord, la météo du jour n'incite pas vraiment à tester une des "50 siestes à faire en pleine nature" que propose l'ouvrage de Cindy Chapelle, "Une petite sieste et je me recouche!", joyeusement illustré par PrincessH (Plume de carotte, 128 pages). Mais la pluie battante permet de le parcourir l’œil vif, sans risquer un endormissement soudain. Car il y a plein de choses à découvrir dans ce bienfaisant et mutiple guide de la sieste en pleine nature.

La sieste, plus ou moins bien vue quand on est adulte, souvent considérée comme saugrenue quand on est enfant, se trouve ici grandement réhabilitée. Cindy Chapelle en dresse une longue liste de variantes, cinquante, et les répartit en six chapitres complétés d'un septième, les siestes peut-être impossibles. Il y en a pour tous les goûts et toutes les situations, selon qu'on est en vacances ou pas, à la ville, à la campagne ou dans son jardin, qu'on recherche l'insolite ou le bien-être.


Deux doubles pages du guide. (c) Plume de carotte.

Sieste cocooning.
Chaque proposition de sieste est présentée sur le fond, "ambiance bullage et farniente" pour la sieste estivale par exemple, et dans son côté pratique: fauteuil relax, coin ombragé (sans chenilles), pas de réveil programmé, méthode d'endormissement, éveil. Chaque fois, une illustration pleine d'humour et de fraîcheur de PrincessH synthétise la sieste en question, un cadre rappelle les ingrédients nécessaires et une "bulle nature" glisse quelques conseils.

Personnellement, j'adore l'image de la sieste zen, avec sa petite Japonaise et son oreiller en bois sous un arbre taillé en nuages.

Bon, ce n'est pas le kamasutra mais une réjouissante balade au pays des siesteurs, agréablement mise en pages dans un parti pris de blanc qui fait bien ressortir les touches de couleur des titres et des dessins. Les titres des siestes sont bien trouvés, les explications agréablement tournées et les illustrations extrêmement charmantes. Rien qu'en les regardant, on profite par capillarité du bien-être représenté.

Et quand on a tout lu, on commande au soleil de revenir ou au moins à la pluie de s'abstenir car on a envie de tout essayer.

Pour feuilleter le début de "Une petite sieste et je me recouche!" en ligne, c'est ici.



Si la sieste n'est pas au programme, pourquoi de pas décider d'aller prendre "Un goûter sur la Lune" comme le préconise Dorothée de Monfreid dans son dernier album tout-carton pour les plus jeunes (l'école des loisirs, loulou & cie, 28 pages). On retrouve avec un immense plaisir ses neuf toutous déjà rencontrés en d'autres occasions cocasses (lire ici, ici et ici), Jane, Alex, Kaki, Pedro, Popov, Micha, Nono, Zaza et Omar.

Neuf chiens qui ressemblent drôlement à des enfants dans leurs attitudes et leurs dialogues même si Dorothée de Monfreid n'a pas de chien elle-même. Tout commence quand Nono invite ses potes à venir voir sa fusée et à aller goûter  sur la Lune. Il a des tenues d'astronautes complètes pour tout le monde. Sauf que Popov n'entre pas dans la sienne. Pas qu'il soit trop gros, non, il est trop grand! Popov restera donc à la maison pendant que la fusée s'élance dans le ciel.

Huit toutous partent, un reste à la maison. (c) l'école des loisirs.

A bord, en apesanteur, c'est la grande fiesta. Sur la Lune aussi, où les toutous bondissent à qui mieux mieux.

Dans la fusée. (c) l'école des loisirs.

L'arrivée sur la Lune. (c) l'école des loisirs.

L'heure du goûter arrive: bananes et boissons. Mais il y a comme un problème technique: comment manger avec des casques? Déception, le goûter est déplacé dans la fusée où un écran montre Popov dégustant tout seul un gâteau au chocolat. Pas difficile d'imaginer ce qui se passe ensuite ni les retrouvailles avec un Popov un rien narquois.

La perspective du goûter. (c) l'école des loisirs.
La réalité du goûter. (c) l'école des loisirs.

Voilà un album tout simple mais drôlement sympathique et terriblement rigolo avec cette aventure complètement dans la logique et l'imaginaire des enfants. Formidable d'aller goûter sur la Lune en fusée et de s'écrabouiller une banane sur le casque avant de rentrer se faire  pardonner (un peu) en partageant un gros et grand gâteau. Les doubles pages à bords perdus permettent de savourer les détails des attitudes de chacun des personnages. Vraiment, Dorothée de Monfreid et ses toutous, c'est quelque chose!


On peut aussi retrouver Dorothée de Monfreid sur son blog "Ada & Rosie" sur le site de "Libération", la chronique d'une famille de cochons, entre vie quotidienne, actualité et esprit de contradiction...




mardi 27 juin 2017

Le conflit israélo-palestinien en 86 planches

Un état palestinien aux côtés d'Israël? (c) Le Lombard.

Lancée il y a un peu plus d'un an, la Petite Bédéthèque des Savoirs (Le Lombard) affiche déjà 18 titres à son compteur! Son concept est simple: une collection de bd didactiques en petit format associant un dessinateur à un spécialiste d'un des sept domaines de savoirs qu'elle a établi: histoire, pensée, sciences, culture, technique, nature et société. Les livres sont de véritables documentaires, sérieux sur le fond, créatifs sur la forme. Les textes peuvent être drôles ou graves. Les illustrations constituent un vrai bonus pour les sujets abordés. La collection réunit d'excellentes premières approches de sujets variés. Le public visé est celui des grands ados et des adultes.

Ont ainsi déjà été expliqués l'intelligence artificielle, l'univers, les requins, le heavy metal, le droit d'auteur, le hasard, le nouvel Hollywood, le tatouage, l'artiste contemporain, la prostitution, le féminisme, le minimalisme, les situationnistes, la communication politique, le rugby, les droits de l'homme (lire ici), internet.

Un vrai cocktail vitaminé de dix-sept ingrédients que complète une audacieuse cerise sur un sujet qui fâche tout le monde ou presque, "Le conflit israélo-palestinien, deux peuples condamnés à cohabiter", par Vladimir Grigorieff aux textes et Abdel de Bruxelles aux dessins (Le Lombard, La Petite Bédéthèque des Savoirs, 104 pages), dix-huitième tome de la collection. Fallait oser s'y risquer. Les auteurs, et leur éditeur, l'ont fait et s'en sont drôlement bien tirés.

Pour ce faire, Vladimir Grigorieff et Abdel de Bruxelles ont choisi de présenter le contexte historique du conflit actuel, de plus en plus criant ces dernières années. Ils remontent jusqu'à l'empire ottoman (1516-1917), puis examinent le mandat britannique (1920-1948) et ensuite seulement  l'Etat d'Israël et les Palestiniens depuis 1948. Cela permet de mieux comprendre l'enchaînement des conflits et des réactions au cours du temps. De resituer des noms qui ont fait la une des infos sans qu'on s'en rappelle toujours aujourd'hui. De voir l'évolution des idées de part et d'autre, et ailleurs dans le monde bien entendu. De distinguer l'identitaire du religieux et du politique. De réfléchir sur base de la foule d'infos savamment distillées à cette paix qui ne se trouve pas et aux solutions à envisager pour l'avenir. Tout en sachant que l'Histoire est souvent imprévisible.

La préparation 1.(c) Le Lombard.
L'album proprement dit commence avec la mise en situation des auteurs confrontés à leur projet d'écrire un texte court sur un conflit terriblement complexe, censé fournir au lecteur une information de base la plus impartiale possible. Constamment, les dessins apportent leur part d'éléments, saisissant des scènes d'actualités ici et là, présentant par exemple le mur de séparation sans que le texte en parle nécessairement à cette page-là. Les auteurs reviendront régulièrement dans les pages, en marge des situations décrites, posant une question, glissant une réflexion. C'est aussi amusant que dynamique.

La préparation 2. (c) Le Lombard.

Le propos du livre est, on s'en doute, extrêmement riche, mais non indigeste. On suit avec intérêt le plan historique proposé, qui montre comment un peuple restaure son indépendance nationale en en chassant un autre de ses terres. Les auteurs démontrent intelligemment le pourquoi de ces événements cruciaux du XXe siècle. En ne cachant pas comment le religieux et le politique ont rejoint l'identitaire. Les idées ont aujourd'hui évolué et il est d'autant plus intéressant de savoir d'où elles viennent, en quoi elles s'ancrent. Cela contribue à dépasser l'immédiat, à dépassionner la question elle-même et à peut-être envisager des compromis.

Pays différents, chagrins identiques. (c) Le Lombard.

Outre l'aspect historique, les auteurs ont aussi une approche humaine du conflit, qui rend la vie quotidienne difficile. Ils montrent les difficultés à vivre et à se déplacer, les arrivées et les départs, les escarmouches et les combats. Ils témoignent des deuils dévastant les familles de chaque côté... Ils établissent une correspondance sémantique, pas une équivalence, entre les mots Shoah (catastrophe en hébreu) et Nabka (catastrophe en arabe). Abdel de Bruxelles prend sa part du travail grâce à ses dessins narratifs, ou pleins de sens et d'idées qui fouettent l'imagination et la compréhension. Une colombe de la paix ici, une omelette là, les réunions à l'ONU, l'horloge de l'Histoire...

"Le conflit israélo-palestinien" se déployant jusqu'au mois de décembre 2016, on aura fait en sa compagnie le grand tour de la question sans que rien n'y fâche. Un défi hautement relevé qui peut encore se poursuivre à travers les conseils de lectures complémentaires des deux auteurs.

Pour lire un bon début du livre, c'est ici.





lundi 26 juin 2017

Le portail des librairies indépendantes actif


On le sait, les Rencontres nationales de la librairie indépendante se tiennent à La Rochelle jusqu'à ce lundi soir (lire ici). Occasion pour les libraires indépendants de France, auxquels se sont joints plusieurs Belges, de se rencontrer et de réfléchir ensemble à leur avenir.

On le sait, ces quatrièmes rencontres bisannuelles devaient être le moment du lancement du portail librairies.independantes.com,  permettant de localiser à l'instant un des quatre millions de livres papier (de tous genres) en stock répertoriés par les 700 libraires hexagonaux qui y participent pour le moment.

Hé bien, cela a été fait, hier dimanche, et cela fonctionne! Excellent tapis rouge pour réserver et acheter des livres en librairie indépendante.

On le savait, ce portail ne fonctionne que pour le territoire français. Mais on veut espérer une extension rapide à la Belgique francophone.

Rappelons toutefois que Librel, le Portail numérique des libraires francophones de Belgique, existe depuis fin 2014 dans le royaume pour les livres numériques.


vendredi 23 juin 2017

Assises de la librairie indépendante française


Ensemble, on est plus forts. Et les libraires indépendants français résistent farouchement aux difficultés que rencontre leur métier (grande distribution, géants du net, livre numérique...). Ils demeurent le premier réseau direct de ventes de livres en France (40 %).

Mais pour résister, il faut se structurer. Le Syndicat de la librairie française organise ses 4es Rencontres nationales ces dimanche 25 et lundi 26 juin 2017. Le rendez-vous bisannuel aura lieu cette fois à La Rochelle, après Lyon en 2011, Bordeaux en 2013 et Lille en 2015, où s'étaient retrouvées plus de 800 personnes. Des libraires en majorité bien évidemment mais aussi d'autres professionnels du livre (éditeurs, diffuseurs, distributeurs, bibliothécaires,..). Parmi les libraires qui iront en Charente maritime, plusieurs Belges, comme à chaque édition, et une représentante du SLFB, le Syndicat des libraires francophones de Belgique.

On le sait, la Librairie indépendante est devenue en France un véritable enjeu économique, social et culturel des centres-villes et du maillage des territoires (rencontres-dédicaces, lectures, représentations théâtrales, organisation de soirées-débat, participation à des festivals…) et elle est un partenaire de premier plan des institutions publiques culturelles et éducatives. Tout dynamiques qu'ils soient, les libraires ont aussi besoin de réfléchir à leur manière de travailler, de façon à utiliser au mieux leur créativité et leur dynamisme.

Les Rencontres de La Rochelle espèrent réunir de 800 à 1.000 libraires et professionnels du livre. Au programme, présentations et débats en séances plénières mais aussi ateliers en comités restreints (de 30 à 100 personnes) afin de faciliter les échanges sur des thématiques plus directement ancrées dans le métier et le quotidien du librairie.

Trois thématiques principales seront développées.

  • "librairie et territoire": avenir des centres-villes, librairies dans les villes petites et moyennes
  • "les nouveaux enjeux des relations client": pratiques, formation, outils
  • "comment améliorer sa rentabilité?": premières évaluations des outils proposés par l'Observatoire de la Librairie lancé en 2015

La Ministre de la culture Francoise Nyssen est annoncée à La Rochelle le matin du lundi 26 juin.

A ces 4es Rencontres sera annoncée la création d'un portail fédérant les sites de libraires et proposant l'accès au stock de 700 librairies français, soit 4 millions d'ouvrages: librairiesindependantes.com. Ou comment trouver, en un clic, un livre à deux pas de chez soi (en France) - souhaitons-lui meilleur succès que le défunt portail 1001libraires.com, coûteux et inefficace. Cliquer et localiser, comme le fait déjà pour le territoire français placedeslibraires.fr, l'extension aux librairies belges de ce site étant à l'étude actuellement.

Deux jours donc pour échanger et réfléchir à l'avenir de la librairie indépendante.
Informations supplémentaires: lesrencontresnationalesdelalibrairie.fr



jeudi 22 juin 2017

L'Académie française remet 63 distinctions


L'Académie française vient de communiquer son palmarès pour l'année 2017.
Pas moins de 63 distinctions ont été attribuées sous la coupole, le Grand Prix du Roman étant toujours décerné à l'automne.
Peu de femmes, mais des noms masculins qu'il est agréable d'y découvrir.
Trois Belges honorés: Isabelle Spaak, Stéphane Lambert et Jean-Éric Stroobant de Saint-Éloy.

En voici un aperçu, le palmarès complet peut être consulté ici.


Grand Prix de la Francophonie
M. Tierno Monénembo (Guinée,  publié au Seuil)

Grande Médaille de la Francophonie
M. François Boustani (cardiologue libanais établi à Paris)

Grand Prix de Littérature
M. Charles Juliet, pour l'ensemble de son œuvre (publiée chez P.O.L.)

Grand Prix de Littérature Henri Gal
M. Benoît Duteurtre, pour l'ensemble de son œuvre (publiée chez Gallimard)

Prix Jacques de Fouchier
M. Dominique Cordellier, pour "Le Peintre disgracié" (Le Passage, à propos d'un peintre belge)

Prix de l'Académie française Maurice Genevoix
M. Nicolas Mariot, pour "Histoire d'un sacrifice. Robert, Alice et la guerre" (Seuil)

Grand Prix Hervé Deluen
M. Daniel Maximin, romancier, poète et essayiste de la Guadeloupe.

Grand Prix de Poésie
M. Anthony Phelps, pour l'ensemble de son œuvre poétique.

Grand Prix de Philosophie
M. Christian Jambet, pour l'ensemble de son œuvre.

Grand Prix Moron
M. Luc-Alain Giraldeau, "Dans l'œil du pigeon. Évolution, hérédité et culture" (Le Pommier)

Grand Prix Gobert
M. Jean-Pierre Rioux, pour "Ils m'ont appris l'histoire de France" (Odile Jacob) et l'ensemble de son œuvre

Prix de la Biographie (littérature)
M. Marc Hersant, pour "Saint-Simon" (Gallimard)

Prix de la Biographie (histoire)
M. Bernard de Montferrand, pour "Vergennes. La gloire de Louis XVI" (Tallandier)

Prix de la Critique
M. Jean-Yves Pouilloux, pour "L'Art et la Formule" (Gallimard)

Prix de l'Essai
M. Jacques Henric, pour "Boxe" (Seuil)

Prix de la Nouvelle
Mme Claire Veillères, pour "Une poule rousse et autres nouvelles" (Contrefort)

Prix d'Académie
Dom Jean-Éric Stroobant de Saint-Éloy, o.s.b., pour son édition et sa traduction de l'ensemble des commentaires de saint Thomas d'Aquin aux épîtres de saint Paul aux communautés
M. François Chapon, à l'occasion de la parution d'"Empreintes sur un buvard. Pages de journal (1953-1989)"
M. Dominique Noguez, pour l'ensemble de son œuvre

Prix du cardinal Grente
R.P. Jean-Robert Armogathe, pour l'ensemble de son œuvre.

Prix du Théâtre
M. Philippe Caubère, pour l'ensemble de son œuvre dramatique.

Prix du Jeune Théâtre Béatrix Dussane-André Roussin
M. Christophe Pellet, pour "Aphrodisia" et l'ensemble de son œuvre.

Prix du Cinéma René Clair
M. Stéphane Brizé, pour l'ensemble de son œuvre cinématographique.

Grande Médaille de la Chanson française
M. Gérard Manset, pour l'ensemble de ses chansons.

Prix du Rayonnement de la langue et de la littérature françaises
Mme Bérénice Angremy, attachée culturelle chargée du secteur artistique à l'Institut français de Chine.
M. Yannis Kiourtsakis, romancier et essayiste grec.
M. Piotr Tcherkassov, professeur et historien russe, spécialiste des relations diplomatiques entre la France et la Russie du XVIIIe au XXe siècle.
M. Edmund White, romancier et critique américain.

Prix Paul Verlaine
M. Xavier Houssin, pour "L'Herbier des rayons" (Caractères)

Prix Jules Janin
Mme Claire de Oliveira, pour sa traduction de "La Montagne magique" de Thomas Mann (Fayard)

Prix Louis Barthou
M. François Cérésa, pour "Poupe" (Editions du Rocher)

Prix Anna de Noailles
Mme Nathacha Appanah, pour "Tropique de la violence" (Gallimard)

Prix François Mauriac
M. Jean-François Roseau, pour "La Chute d'Icare" (de Fallois)

Prix Roland de Jouvenel
M. Stéphane Lambert, pour "Avant Godot" (Arléa)

Prix Jacques Lacroix
M. Christian Laborde, pour "La Cause des vaches" (Rocher)

Prix Henri de Régnier
M. Serge Airoldi, après "Rose Hanoï" (Arléa)

Prix Amic
Mme Isabelle Spaak, après "Une allure folle" (Equateurs)

Prix Mottart
M. François Garde, après "L'Effroi" (Gallimard)






jeudi 15 juin 2017

Le décès de l'auteur suédois Ulf Stark

Kitty Crowther et Ulf Stark.

2004.
1997.
Kitty Crowther m'apprend le décès de Ulf Stark, immense auteur et scénariste suédois, me dit-elle. Vu ses origines, je la crois volontiers mais je dois bien reconnaître que le nom de Ulf Stark ne me disait pas grand-chose.

Sauf quand je me suis rappelée qu'il est l'auteur de l'extraordinaire album "Tu sais siffler, Johanna?", illustré par Anna Höglund ("Kan duvissla Johanna", 1992, traduit du suédois par Elisabet Brouillard, Casterman/Les albums Duculot, 1997 et 2004). Et là, le Suédois m'est devenu nettement plus présent.

Ulf Stark était né le 12 juillet 1944 à Stureby (Stockholm) et est mort le 13 juin 2017 à Stockholm (Suède). Après des études de pédagogie et de psychologie, il a fait ses débuts en littératures en 1964 pour se consacrer vingt ans plus tard exclusivement à la jeunesse.

Erik Titusson, son éditeur, dit de lui:
Ulf Stark.
"Ulf Stark est l'un de nos plus grands écrivains, il a des lecteurs dans le monde entier. La semaine dernière, une maison d'édition coréenne qui le suit voulait publier un petit livre de lui, qui traite de l'amour et se déroule en Suède dans les années 40! Qu'est-ce qu'un tel livre peut dire aux enfants coréens aujourd'hui? Mais je veux vraiment y croire. Ulf Stark nous parle d'expériences et de relations humaines, avec un tel réalisme que nous nous y voyons, peu importe où nous vivons, à quoi nous ressemblons, quel âge nous avons. Ses livres sont vrais. Dimanche dernier, j'ai rencontré Ulf Stark. Nous étions en train de relire des épreuves et de regarder un album à paraître. "C'est simple et agréable", a commenté Ulf. C'est vrai, aimerais-je ajouter."

Visite au grand-père, mode d'emploi. (c) Casterman.
Quelle merveille que "Tu sais siffler, Johanna?", album qui fut présélectionné pour le prix Bernard Versele 1998! Il débute sur une conversation entre deux gamins. Le narrateur explique à son pote Berra qu'il va rendre visite à son grand-père. Il raconte avec humour et lucidité ces rencontres: argent de poche, gâteau, café et pieds de cochon, séance de pêche, cigare... Du coup, Berra aimerait aussi avoir un grand-père. Les compères se rendent alors au home de vieillards pour lui en trouver un.

Echanges entre générations. (c) Casterman.

Ils interrogent les occupants. "Mangez-vous des pieds de cochon?", demandent-ils au vieux Nils. Ce dernier joue leur jeu et devient le grand-père de Berra, Bertil de son vrai nom. Les rencontres se succèdent, avec les activités attendues d'un grand-père et celles que Nils invente pour eux, comme construire un cerf-volant ou siffler.

Escapade nocturne anniversaire. (c) Casterman.
Parfois, Nils se repose, incite le duo à réfléchir ou répond aux questions des garçons. Sur son passé notamment. Les visites se succèdent, incroyables de réalisme, d'imagination, de douceur et de tendresse. Tant le vieil homme que les enfants profitent de ces moments, se laissent aller au bonheur, à la joie, à la confiance, à l'amour. Même si Nils sait ses jours comptés. Berra et Ulf seront forcés de l'admettre mais ils auront appris mille choses avec ce grand-père de substitution, généreux et présent. Ils auront vu quelqu'un donner, recevoir et vivre.

Un trésor d'album que "Tu sais siffler, Johanna?", splendidement illustré, d'une délicatesse inouïe, et dont la couverture s'explique en dernière page. Qui rappelle doucement qu'au bout de la vie, il y a la mort.


Malheureusement, on ne trouve guère de traductions françaises des livres de Ulf Stark, une quarantaine en langue originale. A part l'album précité, je n'ai repéré que "Une copine pour papa", illustré par Pija Lindenbaum (Pocket Jeunesse, 1994), "Les casse-pieds et les fêlés", (Père Castor Flammarion, 1994), "Laissez danser les ours blancs" (Père Castor Flammarion, Castor poche, 1998), dont la plupart sont épuisés.

Une exception, son petit roman "Blaise et Basile" (illustré par Ariane Pinel, traduit du suédois par Ludivine Verbèke, Bayard Jeunesse, 2016, 112 pages): la découverte de notre monde par Blaise et Basile qui vivaient dans une maison tout au fond d’une forêt et décident un jour de prendre la route, avec un vieux landau où ils ont posé leurs bagages.



Mais si Kitty Crowther est aussi émue et attristée par le décès de Ulf Stark, c'est parce qu'elle a beaucoup travaillé avec lui ces derniers temps, en plus d'avoir lu ses livres enfant.
C'est en effet lui qui a a traduit en suédois son prochain album à paraître à la rentrée, chez Pastel (l'école des loisirs). "Petites histoires de nuits" est déjà sorti en suédois, sous le titre "Sagor om natten", édité par Erik Titusson chez Lilla Piratförlaget, et Ulf Stark l'a eu en main. Une petite consolation.


Ulf Stark lisant "Sagor om natten" de Kitty Crowther.


Cadeau! Une image intérieure de "Petits histoires de nuits", de Kitty Crowther, à paraître à l'automne chez Pastel.

"Petits histoires de nuits", de Kitty Crowther.

A voir aussi, la vidéo de présentation de cet album à paraître en français (ici).




Ulf Stark ne verra cependant  malheureusement pas les images que Kitty posera cet été sur un de ses romans. Puisse-t-il avoir appris à beaucoup d'enfants à siffler comme Johanna.






jeudi 8 juin 2017

Chez Charlip, amour + humour = complicité

Remy Charlip.

Remy Charlip (Brooklyn 1929-San Francisco 2012) s'est fait sa réputation d'auteur-illustrateur jeunesse de ce côté de l'Atlantique avec un petit livre tout blanc, "On dirait qu'il neige" ("It looks like snow", 1962, Les Trois Ourses, 2000, 2011). Une trace dans la neige qui conduit à la découverte d'un paysage immaculé. Il fallait oser! Mais l'Américain a toujours osé. Il était avant tout un esprit libre. On notera que petit garçon, il voulait être clown, fermier, artiste et violoniste.

Après avoir étudié le design textile au lycée, puis le graphisme à l'Ecole des arts décoratifs Cooper Union de New York, Remy Charlip se mit à dessiner des affiches, des couvertures de livres et donna des cours de théâtre à des enfants. Passionné de danse, danseur lui-même et chorégraphe, il fut un des cofondateurs, avec le musicien John Cage, de la compagnie Merce Cunningham.

Si Remy Charlip a fait des livres pour enfants en solo à partir du milieu des années 1950, il a aussi illustré les grands auteurs américains de son temps, Margaret Wise Brown ("David's Little Indian", 1956; "The dead bird", 1958 qui a été traduit en 2013 chez Didier Jeunesse sous le titre de "Une chanson pour l'oiseau"; "Four fur feet", 1961), Ruth Krauss ("A moon or a button", 1959; "What a fine day for...", 1967) et d'autres. En tout, une quarantaine d'albums dont plusieurs ont été lauréats de prix prestigieux. Ainsi "Arm in Arm" a reçu le prix de la Foire de Bologne 1971.

Mais Remy Charlip reste assez mal connu chez nous malgré le travail des éditions MeMo de rééditer son œuvre. Ainsi vient de paraître son délicieux "Je t'aime" ("I love you", 1967, traduit de l'anglais par Olga Kent, MeMo, collection Tout-petits MeMômes, 32 pages), le sixième titre du New-Yorkais chez l'éditeur nantais. Un tout petit format en noir et rouge sur papier crème, plein de cœurs et de déclarations d'amour, mais à la Charlip.

L'histoire commence en page de garde: "Tu sais quoi?" demande bien fort un parent, de sexe indéfini, à un enfant couché sur son lit, sa réplique miniature mais chauve, qui répond un petit "quoi?" "Je t'aime" est la ferme réponse, "parce que..." (direction la chaise, le petit dans les bras), "c'est si doux. (Je pourrais dire ça encore et encore) Je dis ça une fois, je dis ça deux fois. Je t'aime parce que c'est si doux".

Les premières doubles pages de "Je t'aime". (c) MeMo.

Pas besoin de fuir devant ces mots de sucre car c'est ici que l'album prend un tournant inattendu. Au "Dis ça encore" de l'enfant, l'adulte répond "ça encore." Au "non, allez, dis le poème" de l'enfant, qui a délaissé les bras et la chaise, l'adulte réplique "le poème". Au "non, vraiment!" de l'enfant, l'adulte ose un "vraiment"...

Surprise mais complicité immédiate entre l'adulte et l'enfant qui jouent en harmonie sur les mots et les phrases. L'exagération comique des "ça ça ça ça" répétés quatre dizaines de fois retombe dans la douceur des mots initiaux, réconfortants et apaisants. A noter les déplacements entre le lit et la chaise tout au long du jeu oral. Une déclaration d'amour pleine de tendresse et d'humour, parce que oui, les plus jeunes sont aussi capables d'humour pour peu qu'on leur en laisse l'occasion.


Cinq autres albums de Remy Charlip ont déjà paru chez MeMo.

"Rien" (Nothing)
Remy Charlip et Eric Dekker (ill.)
MeMo, 2005

C'est, en noir et blanc, l'histoire d'une publicité télévisée. On entend vanter les mérites de Rien que des ouvriers poussent, transportent, emballent et qui existe en modèle économique, familial, industriel. Car Rien marche pour tout: les dents, les cheveux, les pieds… Quand un garçon tombe malade, le docteur à bout d’idée y a recours et lui demande s’il a essayé Rien. Miracle… L’enfant guérit. Réflexion sur la consommation, la surconsommation et la publicité qui l'accompagne, "Rien" permet par le rire et l'absurde de poser des questions sérieuses.

"Rien" de Remy Charlip et Eric Dekker. (c) MeMo.



"Où est qui?" 
Remy Charlip
("Where is Everybody?", 1957)
MeMo, 48 pages, 2008

Les personnages ont les bonnes bouilles toutes simples caractéristiques des personnages des années 1950, date de leur création. Simplissime, et permettant ainsi à l'imagination de chacun de prendre son envol, l'album aligne sur un joli papier crème une belle série de plans fixes à l’italienne. Comme si un dessinateur montrait en direct ce qu'il est en train de dessiner.

"Voici un ciel vide", écrit d'abord l'auteur-illustrateur sur une page vierge de tout trait, avant de poursuivre au feuillet suivant: "Un oiseau s'envole vers le ciel" et d'y dessiner un oiseau aux ailes déployées. L'Américain passe alors à la double page pour représenter un soleil bien jaune, plein de rayons: "Le soleil brille dans le ciel". Une longue ondulation: "Voici des collines tout contre le ciel".

S'ajouteront la rivière, un poisson, un arbre, et puis une forêt, une route, un cerf, une maison, un homme, un petit garçon, un bateau. Autant d'épisodes attrayants et propices aux relectures qu'apprécient tant les plus jeunes, qui se pimentent du passage d'un nuage noir, cachant le soleil, précédant la pluie qui pose au lecteur plusieurs devinettes. Une atmosphère douce et paisible célébrant les petits riens.


"Où est qui?" de Remy Charlip. (c) MeMo.



"Déguisons-nous" 
Remy Charlip
("Dress Up and Let's Have a Party", 1956)
traduit de l'anglais par Françoise Morvan
MeMo, 2009

Voilà le premier album en solo de Remy Charlip sur le thème, on l'a compris, des déguisements. Tout est bon, un carton, une casserole, un tapis, le plus simple étant souvent le plus réussi. A chaque nouvel invité, la surprise est au rendez-vous. Un propos réjouissant et un graphisme de toute modernité.


"Déguisons-nous" de Remy Charlip. (c) MeMo.



"Heureusement"
("Fortunately", 1964)
Remy Charlip
traduit de l'anglais par Olga Kent
MeMo, 2011

Il a fallu attente quarante-sept ans pour que ce best-seller de Remy Charlip soit traduit en français. Dans un jeu d'alternance entre les doubles pages en couleurs, pour les bonnes nouvelles, et les doubles pages réalisées en noir et blanc pour les déconvenues, l'auteur-illustrateur nous emmène de rebondissement en rebondissement à la fête d’anniversaire de Ned. On se réjouit, on frémit, on passe du chaud au froid à chaque page: heureusement, on s'amuse beaucoup!



"Heureusement" de Remy Charlip. (c) MeMo.



"Mon chat personnel et privé, spécialement réservé à mon usage particulier"
texte de Sandol Stoddard
conçu et illustré par Remy Charlip
("My very own special, particular, private, and personnal cat", 1966)
traduit de l'anglais par Françoise Morvan
MeMo, 2012

Un chat, un enfant, un rapport de force. Hélas, on ne fait pas d'un chat une poupée et, quand le concept de propriété se heurte à celui de liberté, ça feule dans les chaumières... Ce face-à-face est un
chef-d'œuvre: pour sa langue, rythmée, chantante, inattendue et savoureuse et pour ses images minimalistes, mais justes.



"Mon chat personnel..." (c) MeMo.



Rappelons encore qu'il y avait eu auparavant "Maman! maman! J'ai mal au ventre!" de Remy Charlip et Burton Supree ("Mother, mother, I feel sick, Send for the Doctor, Quick, Quick, Quick", 1966, traduit de l'anglais par Catherine Bonhomme, Circonflexe, collection "Aux couleurs du temps", 56 pages, 2002).

"Maman! Maman! J'ai mal au ventre" (c) Circonflexe
Teintes flashy et look rétro pour cet album à l'italienne, conçu sur le principe du théâtre d'ombres, à l'époque des débuts du téléphone. Cornet à l'oreille, chapeau haut-de-forme sur la tête, guéridon et autres meubles précieux des pièces campent le décor Belle Epoque de cette farce immense et délicieuse.

Une mère affolée appelle en urgence un médecin qui saute dans sa voiture à chevaux afin de se précipiter auprès du jeune patient au ventre gonflé. Si jusque-là, tout était normal, les choses vont s'accélérer dans un délire soigneusement orchestré. Les silhouettes découpées renforcent le côté théâtral de cette opération chirurgicale peu ordinaire. Le praticien retire du gros ventre une foule de choses plus étranges les unes que les autres: trois pommes, une balle, un gâteau et ses bougies, des spaghettis et leur plat... La liste est loin d'être finie mais laissons la surprise. Un album superbe de créativité et d'imagination, cocasse, absurde et libre, vraiment conçu pour le public enfantin pour qui toute occasion de jouer est bonne à prendre.

Pour feuilleter le début de cet album aujourd'hui indisponible, c'est ici.