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mardi 8 mai 2018

J'aime que "J'aime..." soit réédité

"J'aime poser mes pieds sur les chaussures immenses de papa
et qu'on marche ensemble autour du salon." (c) Albin Michel Jeun.

La chance de suivre la littérature de jeunesse depuis longtemps est celle d'avoir découvert à leur sortie initiale des pépites qui sont aujourd'hui rééditées. Merci aux éditeurs qui pratiquent la réédition, rendant ainsi accessibles aux enfants d'aujourd'hui, et aussi aux adultes qui s'intéressent au genre, des titres qui s'étaient endormis. Ou qui n'avaient pas été vus, faute d'avoir le bon âge au moment de leur parution. Contrairement à la littérature générale, la littérature de jeunesse s'adresse à des publics qui évoluent par tranches d'environ trois ans seulement.

2018.
2003.
Couverture bleu turquoise désormais uni, dos rouge et reliure cartonnée, mentions "J'aime" du texte en noir plutôt qu'en gris, revoici l'exquis album "J'aime..." de Véronique Le Normand et Natali Fortier (Albin Michel Jeunesse, 128 pages), quinze ans après sa première parution, quand l'auteure, Mme Daniel Pennac à la ville, signait du pseudonyme de Minne. De son côté, il y a très longtemps que la Franco-Canadienne a effacé le "h" et le "e" de son prénom, des "lettres qui ne servaient pas".

Ah, la douceur sucrée des bons moments qui se succèdent dans cet album tout en délicatesse et en joie. "J'aime l'école quand c'est l'heure des mamans", "J'aime mettre ma jupe à volants et la faire tourner",  "J'aime regarder papa se raser quand il a plein de mousse blanche sur la figure et que j'ai envie de tremper mon doigt dedans", pour les trois premières pages. J'aime ceci, j'aime cela tout au long de ce très joli album. A tel point que "J'aime..." est le meilleur titre qu'on pouvait lui trouver.

Voilà un petit format bien épais tout en grâce enjouée où grappiller de multiples évocations d'une enfance heureuse dans les textes joliment tournés, virevoltants même, saisissant l'essence de cet âge, de Véronique Le Normand et les illustrations très réussies de Natali Fortier. Ses personnages ont une présence folle, de même que ses scènes avec des animaux ou ses simples dessins d'objets. Plaisirs et surprises du quotidien, mais aussi anecdotes exquises à l'instar de la rencontre d'une amie adulte un peu folle qui interroge la jeune narratrice sur le petit mari qu'elle pourrait avoir et délices de la vie d'enfant comme un pull qui sent bon la maman ou les histoires qu'on se raconte à propos de l'épicière qui pourrait être une sorcière. Autant d'instantanés qui font un bien infini au cœur et à l'âme. Une mosaïque drôle et tendre à partager entre enfants et adultes, célébrant la sécurité, la légèreté et la liberté de l'enfance.

Conversation avec une amie un peu folle de maman. (c) Albin Michel Jeun.

Traduit partout dans le monde, l'album "J'aime..." a obtenu une mention en catégorie Fiction à la Foire de Bologne 2004. C'est cette succession de petits bonheurs qui a véritablement révélé au monde et à la littérature de jeunesse Natali Fortier qui avait commencé comme peintre et  et continué comme dessinatrice de presse pour gagner sa vie. Qui est aussi sculptrice comme en attestent ses dessins qui louchent vers les trois dimensions. Elle qui dit avoir tellement envie que le personnage bouge et fait toujours des croquis dans plusieurs positions.

"J'aime la musique de la pluie
qui goutte sur mon parapluie rouge". (c) Albin Michel Jeun.

En 2009, Natali Fortier me disait ceci: "C'est l'album "J'aime..." qui m'a permis de rentrer chez quelqu'un. Je m'y sens moins libre mais là, j'étais bien invitée. Je n'aurais jamais écrit cette tendresse. Minne m'a permis de la sentir. Moi, je me sens assez agressive, même dans mon matériel. C'est bien d'avoir eu la tendresse au départ."

Ont suivi dans la foulée:

  • "Violette" (texte de Paule Du Bouchet, Gallimard Jeunesse, 2003), une petite fille taciturne amie des oiseaux.
  • "Lili plume" (Albin Michel Jeunesse, 2004, Prix Goncourt Jeunesse) ou "Natali écrit", premier album en solo
  • "J'aime l'été" (textes de Minne, Albin Michel Jeunesse, 2006)
  • "Mathurin" (Albin Michel Jeunesse, 2006), en solo à nouveau, complété de photos de personnages en volume
  • "Graines de petits monstres" (Albin Michel Jeunesse, 2007), théâtre jouant sur les onomatopées
  • "Zoo" (L'art à la page, 2008), magnifique prolongation d'une expo en Mayenne, vingt-cinq cubes de 50 × 50 cm, en bois dont les six faces sont peintes d'animaux aux formes symboliques (tortue, serpent, chameau), ou en Plexiglas transparent accueillant des personnages en volume. "Les boîtes finies, on m'a proposé d'écrire le texte du livre. Je connaissais très bien mes animaux, tous leurs côtés, même leurs ventres. Je n'avais plus de retenue. Mais l'écriture m'a toujours agacée par son immobilité. Je me suis mise à marcher tous les matins, avec mon crayon et mon papier. Souvent, je n'écrivais qu'un mot, pour me souvenir. Puis j'ai pris un calepin. Mes promenades se sont faites au rythme des animaux, en les écrivant. En fait, j'écris avec mes pieds."
  • "Sur la pointe des pieds" (L'atelier du poisson soluble, 2008), un drame d'enfance.
  • "Mon beau soleil" (photos de Guy Kaizer, Albin Michel Jeunesse, 2009), la journée d'un petit enfant.
  • "Conte à bascule" (L'art à la page, 2011), catalogue d'exposition.
  • "Démasquez" (L'art à la page, 2011), des masques et des mots.
  • "Plupk" (Olivier Douzou, Rouergue, 2012), variation très réussie sur le thème du Petit Poucet.
  • "Reviens!" (Olivier Douzou, Rouergue, 2013), réédition légèrement modifiée de l'album paru en 2000 sous le titre "Va t'en!" consacré aux petits monstres de la nuit.
  • "La folle journée de colibri" (Albin Michel Jeunesse, 2013), les incroyables rencontres d'un colibri.
  • "Marcel et Giselle" (Rouergue, 2015, lire ici), qui revisite de façon gourmande le conte de Hansel et Gretel
  • "L'amour, ça vaut la peine" (Albin Michel Jeunesse, 2016, lire ici), deux amis que tout sépare.

L'avaient notamment précédé:

  • "Moi et ma cheminée" (Herman Melville, L'Ampoule, 2003), qui revisite par ses illustrations le texte de Melville ayant pour héros une cheminée et interrogeant les relations entre les hommes et les femmes.
  • "Les doigts niais" (Olivier Douzou, Rouergue, 2001), un petit ver de terre reconduit à la frontière.
  • "Merci" (Olivier Douzou, Rouergue, 2000), devoir toujours dire merci?
  • "Six cailloux blancs sur un fil" (Cécile Gagnon, Albin Michel, 1998), un petit conte de sagesse indien.





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